De l’infantilisation du
centrafricain : une histoire
ancienne !
Par : Léon Kidjimalé Grant
Propos pour un chemin de l'éveil
Illustrations de l’infantilisation et du mépris récents des électeurs en R.C.A.
Préliminaires
Vu que les élections du 27 décembre
2015 sont reportées au 30 décembre 2015, je ne pouvais plus attendre pour
publier le texte-ci. Car cela revient à fermer les yeux, au mauvais moment où un
vice inoculé à un peuple, en tout cas à une grande partie, continue de faire des
dégâts.
Souvenons-nous ! Je m’adresse là
aux plus anciens d’entre nous. Madame Domitien (paix à son âme), disait déjà
sous Bokassa ceci :
« Baba ti yé, Gbia ti
yé,
Nzapa ti yé.
Mbi yé Nzpa a zi lango ti yé à
centrafricain ako ako,
La zia na ndo ti
mon… »
Traduction
« Notre père,
Notre chef (ou notre
Roi),
Notre dieu,
Je souhaite que Dieu prélève un jour de
notre vie à chacun,
Qu’Il ajoute à la
tienne… »
L'infantilisation du peuple
centrafricain remonte, selon moi, à la période de Bokassa. C'est tout naturellement que ce « père
des centrafricains » se fera plus tard couronné empereur... Il s’adressera
souvent à ses concitoyens en ces termes : « Mes enfants, ou mon fils, ma fille… ». Comme s'il était
par nature celui qui a vu le jour le premier de tous les centrafricains. Sa
volonté de les inférioriser ou de les infantiliser fut
manifeste.
Il ne fut pas le seul. Le
Maréchal-Président du Zaïre fera de même (O linga o linga
té…)
Ce qui signifie :
(Que tu veuilles ou non,) s’agissant de chaque zaïrois est membre du MPR dès la naissance !
Il est difficile de lutter contre un
état d’esprit, une mauvaise habitude surtout venant du sommet, ou d’un
dirigeant. Cela restera une perversion et un vice, tant que l’on n’aura pas pris
la peine de l’évoquer pour en prendre
conscience puis l’irradier.
Cette attitude sera aussi celle
de tous les successeurs de Bokassa
Jean-Bedel (ou simplement des candidats à une élection. D’ailleurs l’un en particulier, heureusement écarté
de la course, s’était largement distingué. Suivez mon regard…) Comme ils sont
encore nombreux sur ce terrain, pour adosser le costume du Père bienfaiteur
pourvoyeur des largesses et de l’argent-cadeau, il faut crier
« STOP ! »
Les conséquences de tels comportements sont réelles. Depuis 1993, les candidats aux différentes élections donnent des billets de banque pour s’assurer le vote de leurs concitoyens. Cette habitude s’est installée, et c’est maintenant une sous-culture, qui stimule la face sombre de l’individu, et donc une exigence de combat.
Comme toute corruption, elle atteint
aussi bien le donneur (naïf car ce n’est point acquis qu’il obtiendra la
servitude escomptée), que le receveur ainsi méprisé. Il s’agit d’un aspect véritablement vicié de l’enfantillage –
c’est l’achat des consciences purement et simplement. C’est une honte pour soi
et du mépris pour autrui, dis-je. Cela doit cesser pour que le respect pour soi et pour autrui à travers son
opinion donc sa personne,
commence.
Pourra-t-on imaginer un candidat une
fois élu, respecter ceux dont il
avait « acheter en amont
la conscience et les suffrages ?
Doit-on s’étonner qu’une fois ainsi
élu, le « dirigeant » ne continue à piller ou à acheter les
consciences ?
Il appartiendra à chacun de répondre
à cette question.
Et il appartient aux uns et aux
autres de bien définir les contours de la décence pour ne plus retomber dans les
travers que je m’emploie à dénoncer
ici. Il suffit de bien retenir ce que la DIGNITE veut dire pour un
Centrafricain. Les galas de campagnes peuvent respecter l’intégrité morale des
conviés ou invités.
Présenter par exemple toute
contestation comme des crimes de lèse-majesté et une révolte contre un père, en
découlent, à mon humble avis. Le complexe de supériorité affichée à l’endroit de ceux qui sont
démunis ou dans le besoin, est
navrant et révoltant la
fois.
Il me souvient des propos de M.
Pénel, à une conférence, qui déplora qu’en 1979 l’Empereur Bokassa ne fut pas
chassé par les centrafricains eux-mêmes, par l’insurrection populaire qui était sur le point d’avoir
lieu. Et que l’intervention de la France ne nous avait pas permis de nous
libérer de cette peur, de cette infantilisation profonde qui nous paralyse. Je
partage un tel avis.
……………………….
Tout aura une fin rapide, pourvu que l’on en soit conscient !
Avant la découverte de l’Australie, les occidentaux étaient persuadés que tous les cygnes étaient blancs. L’observation ne leur donnait aucune raison de penser qu’il pourrait en être autrement. Il a suffi d’un seul cygne noir en Australie pour réduire à néant cette certitude. C’est ce que l’on appelle la distorsion rétrospective ou bien l’illusion de prédictibilité.
La RCA a abordé par les élections de
la fin 2015, comme une certaine
remontée vers la sortie des crises. Cette marche vers le progrès
s’annonce délicate et longue. Mais comme en toute chose, seul compte le premier
pas, la première marche d’escalier. Il reste à entamer, en parallèle le travail
pour un changement des mentalités
des uns et des autres, pour qu’une fois au sommet l’on voit plus loin, plus
clair. Bref que l’on évolue.
Les dominés et les dominants : un vieux combat permanent
Parce que la brimade est un duel
entre deux tiers, l’un dominé et l’autre dominant, son caractère profondément
dialectique nécessite la désignation
d’un ennemi. Dans le cas du
peuple de Centrafrique, le dominant, l’oppresseur, l’ennemi depuis plusieurs
décennies, est l’adversaire étatique qui n’accomplit point son devoir régalien. Une identification claire de
cet oppresseur ne peut se limiter à la mal gouvernance du
pays.
Elle s’étend au tribalisme, à une
oligarchie corrompue, s’agissant du (ou des) dominant (s).
Mais le dominé n’est pas exempt loin
s’en faut. Son impédance à la
souffrance, à l’endurance face à la faim et à la pauvreté, est le résultat d’une
infantilisation étendue dans le temps. L’état désastreux des infrastructures de
base (les routes, les écoles, les hôpitaux…) dénote que les dominants qui se
relaient au pouvoir et les dominés sont finalement lotis à la même enseigne. A
part le fait que les premiers peuvent offrir à leurs rejetons des formations de
qualité dans des pays étrangers, la luxure et la goinfrerie ne leur épargnent
point les pathologies afférentes. Il est malheureusement souvent tard quand ils
sont évacués pour raison de santé grave.
Les dirigeants qu'elle a connus par le
passé, n'ont pas été à la hauteur de leur responsabilité. Aussi, ils n'ont
jamais eu à l'esprit, l’idée d'envisager le développement de leur pays par
l'élaboration de projets de société et de programme politique de gouvernement.
Ils savaient lancer des slogans vides et creux, et improvisaient au quotidien à
tout va. L’essentiel pour eux fut de demeurer au pouvoir, surtout de
durer pour s’enrichir, de paraître puissant et
connu…
L'électrochoc de la crise
L’essayiste Nicolas Nassim Taleb a développé en 2008 le concept de « Black Swan » (qui signifie le Cygne noir).
Que nous dit-il ?
-
Que nous
ne devons pas nous fier à nos
certitudes ou aux idées préconçues.
- Qu’aucune vérité n’est gravée dans le marbre une fois pour toute, car même le support (de marbre) peut être brisé, à l’instar de ces monuments de dictateur hissés haut que des révolutions ont fait chuté de leur piédestal et emporté en une journée …
Le parallèle que l'on peut établir (
à toute fin utile) avec l’enfantillage des centrafricains, est qu'un peuple de
personnes, tous stupide. Une nation, même longtemps conditionnée
et maltraitée finira par se réveiller un matin. Malgré la longueur de la nuit,
elle ne peut freiner l’arrivée du soleil. Les brimades ont une
fin.
Comme le souligne notre hymne national de façon prémonitoire. Je
cite :
« Ô Centrafrique,
Le berceau des Bantous,
Reprends ton droit au respect à la
vie,
Longtemps soumis, longtemps brimés par
tous,
Mais dès ce jour, brisons la
tyrannie,
Dans le travail, l’ordre et la
dignité… »
Nous ne devons plus accepter qu’un
compatriote quel qu’il soit, nous
infantilise. Pour cela, il faut refuser les marques différentes et variées de soumissions volontaires à
autrui.
Un « Black Swan »
Un « Black Swan » est un événement qui a, selon, Nicolas Nassim Taleb trois caractéristiques :
1. Il est très
difficile à prévoir en se fondant sur les informations que l’on possède
;
2. Ses conséquences
sont importantes,
3. C’est un événement
qui semble facile à prévoir après coup.
C’est ce que Nicolas Nassim Taleb nomme la distorsion rétrospective ou
l’illusion de prédictibilité. Par exemple, avant les « Printemps arabes »,
beaucoup dans le monde arabe
considéraient les tunisiens comme infantilisés, dociles comme des mules. Nous connaissons la
suite...
Formulons donc tous, des vœux pour l'avènement des Black
Swan soit une réalité en RCA.
Formulons des vœux pour tout centrafricain soit un citoyen digne épris de liberté et du sens de ses devoirs envers son Pays. Et que l'on fasse mentir tous les désespérés africains, tel le brillant intellectuel Ivoirien panafricain, * Justin Koné Katinan. Ou ce Prélat connu qui était si las et pessimiste quant à l'avenir de son Pays. Ou encore tous ceux qui, résignés, refusèrent de s’inscrire sur la liste d’électeurs, et donc qui ne votèrent pas, par désespoir.
Nous sommes réputés en Afrique et
dans le reste du monde, depuis l’empire de Bokassa de façon peu reluisante, il
faut en convenir.
Cependant un ou quelques « Black Swan » peuvent changer
le cours des choses, comme ce jeune Mohamed Bouazizi en Tunisie. Nous avions eu nos martyrs.
Il ne tient qu’à nous pour qu’ils ne soient pas morts pour rien. Nous devons
honorer leur mémoire en instituant une journée nationale pour les
« Disparus et victimes des crises de 2013 à 2015, et ceux
d’avant.
Un souffle nouveau, car rien est tard !
A partir de nos souffrances
A
partir de nos
humiliations,
Insufflons une force nouvelle à la Patrie.
Plus qu’un vœux, combattons les vieux démons incarnés, tous les jours !
Que notre vigilance à tous, devienne un devoir quotidien et citoyen.
Soyons exigeants avec nous, pour l’être avec les autres de ces
votes-ci…
Travailleurs !
Jeunes-gens !
Filles et Fils de Centrafrique !
« Refusez de vous laisser manipuler ou infantiliser et vous voilà libre »
Ouvrage : Le discours de la servitude volontaire. Etienne de La Boétie.
Editions Petite Bibliothèque Payot
Contribuez à l'éveil et à la
renaissance de la Centrafrique.
Vaincre l’ignorance, la mal
gouvernance, le tribalisme encouragé par certains proches parents et
l’infantilisation, c’est mener une guerre contre la cupidité. Il serait
judicieux de s’interroger en permanence, une fois aux affaires, sur les
différents aspects du vice et ses métamorphoses. Si selon les principes clausewitziens il appartient à l’autorité politique de combattre,
en équipe ces différents maux qui
sont autant de pesanteurs
sociologiques et humains. Pour cela il faut élaborer la stratégie
adéquate et intelligente pour les
vaincre. Ceux qui entretiennent la
chienlit de la division pays sont une espèce récente de
prédateurs que l’on doit traquer
pour les mettre hors d’état de nuire sans attendre.
Préconisations
Aussi, j’ai foi en la
Nouvelle République Centrafrique. Le chemin sera
pénible mais non impossible à suivre. Beaucoup
de peuple l’ont suivi pour accéder à la liberté vraie, celle de la conscience
d’abord…
Enfin, je fais savoir que je n’ai
point écrit mon nom sur une liste de soutien à un candidat à ces élections. Je
remercie ceux qui m’ont envoyés personnellement leurs projets et leur programme.
Je ne m’abstiendrais pas. Mais je n’irai voter qu’au second tour, si toutefois,
les finalistes s’affrontent projet de société contre projet de société, programme contre
programme. Mais aussi intégrité contre intégrité. Ce sont les modalités que j’ai
retenues pour voter c’est-à-dire d’octroyer on non à autrui ma voix pour qu’il
parle et agisse en mon Nom, LGK.
Exigence ? Non clairvoyance et prudence pour un homme libre et
indépendant.
Puisse Dieu bénir la terre de mes (et nos) Ancêtres !
Joyeux Noel
Patriotiquement,
Léon K. Grant
Vendredi, 25 décembre 2015
AMPLIATIONS :
- A tous les Centrafricains et à
toutes les Centrafricaines,
- A tous les Candidats et Candidates
Patriotes (c.-à-d. pétris du sens profond dus Biens publics, de l’intérêt
général, du Vivre-ensemble et de l’intégrité morale) exclusivement, car c’est à
eux que je m’adresse, et non aux malfaiteurs…
………………………………………………………………………………………….
Notes et références pour aller plus loin :
*« Les adeptes de la théorie de la
soumission contre la prospérité se recrutent surtout en Afrique. C’est cette
région d’Afrique qui est appelée Région la moins avancée (Rma) dans le jargon
des économistes de l’Union européenne. Les dix pays les plus pauvres au monde
sont africains. De tous ces pays,
la République Démocratique de Congo (RDC) et la République Centrafricaine (RCA) sont les preuves que la
collaboration avec l’ordre dominant n’a jamais servi la cause du dominé. En effet la
RD, le deuxième pays le plus vaste d’Afrique tout juste après l’Algérie, est un
condensé de richesses naturelles. Mais ce pays ne s’est jamais remis de
l’assassinat de Patrice Lumumba. Après son assassinat, ce pays s’est engagé dans
la ligne de la servilité. Le résultat en est que plus de 50 années après son
indépendance, il fait partie du peloton de
tête de la grande misère africaine. Idem pour la République
Centrafricaine. L’infantilisation du peuple centrafricain par Bokassa ne lui a
pas ouvert les portes du bonheur, bien que ce pays soit reconnu lui aussi,
posséder l’un des sous-sols les plus riches d’Afrique. ».
Extrait dans son ouvrage, « Idéologie, conscience et combat
politique en Afrique », de Justin Koné Katinan, paru aux éditions de l'
Harmattan, l'avait relevé à la page 225.
2) Ouvrage : Le discours
de la servitude volontaire. Etienne
de La Boétie.
Editions Petite Bibliothèque Payot
3) De L’essayiste Nicolas
Nassim Taleb a développé le concept de « Black Swan »
Paru en
février 2008 - Essai en anglais (poche)