Opinion : La République
Centrafricaine et les réalités de la dictature de François
Bozizé.
Par Jean-Didier Gaïna
Deux chercheurs et écrivains dont le premier, Bruce
Bueno de Mesquita est professeur et directeur du Centre Alexander Hamilton
d’économie politique à l’Université de New York et le second, Alastair Smith,
professeur de politiques, également à l’Université de New York aux Etats-Unis,
ont tous les deux contribué à la rédaction d’un volume intitulé “The
Dictator’s Handbook: Why Bad Behavior is Almost Always Good
Politics”. Le contenu de ce livre que nous nous permettrons de
traduire par Le Guide du Dictateur explore et développe les points
intéressants suivants: Les règles pour régner; les règles des
politiques; l’arrivée au pouvoir; le maintien au pouvoir; voler les pauvres,
donner aux riches; s’emparer et dépenser; si la corruption rend puissant, alors
la corruption absolue rend puissant absolument; l’aide étrangère; le peuple en
révolte; la guerre, la paix et l’ordre mondial; et enfin qu’est-ce qui doit être
fait?
Dans ce qui suit, nous nous sommes inspirés des
réflexions de ces deux chercheurs pour tenter d’examiner la nature du régime de
François Bozizé en République Centrafricaine et le rôle de son parti, le Kwa Na
Kwa (KNK). Nous avons essayé de relever les caractéristiques
developpees par ces chercheurs, puis leurs similitudes avec les effets négatifs
du régime de François Bozizé sur l’économie, le développement, et la paix
sociale dans ce pays. Nous voudrions que cette énumération de faits, lève
l’équivoque sur la nature néfaste du régime de Bozizé et puisse conduire le
lecteur à la conclusion que le peuple centrafricain a à nouveau en Centrafrique
un régime dictatorial qu’il faut dénoncer avec vigueur et remplacer sans tarder,
non par un autre régime qui lui ressemble, mais par un régime politique
populaire véritablement qui aurait pour mission la recherche du bien-être pour
le peuple centrafricain tout entier.
Les centrafricains et ceux qui suivent de près les
troubles de l’histoire de ce pays avaient peut-être compris, depuis, que
François Bozizé n’avait pas renversé Patassé pour assurer au peuple
centrafricain le bien-être et la prospérité. Pour apporter le bien-être et
la paix à la dite population, Bozizé n’avait pas eu besoin de s’associer à des
crapules et à des mercenaires qu’ils avaient recrutés dans le pays et dans les
pays voisins du nord de la Centrafrique. Sous la
direction de François Bozizé, ces crapules avaient piller les usines dans
les villes du nord du pays; ils avaient saisi tout véhicule roulant et
équipement qu’ils avaient revendus à des recéleurs et autres marchands des pays
voisins; puis ils étaient revenus encore ou étaient restés dans le pays pour
trouver d’autres butins sous le prétexte que Bozizé n’avait pas tenu ses
promesses initiales de récompenses gracieuses pour chacun de ses lieutenants
libérateurs. Depuis les succès du modèle de rébellion de Bozizé, plusieurs
autres groupes du genre avaient vu le jour et continuent à semer la terreur
parmi la population. Vous comprenez alors le grand désir de la population
de savoir qu’il existerait bien à Bangui un régime politique, une administration
ou une armée nationale toute puissante pour la protéger. Les anciens
combattants des anciennes rébellions tchadiennes, les anciens officiers
centrafricains ou ceux encore en fonction et des bandits ougandais avaient été
convaincus que le territoire centrafricain était un champ absolument fertile et
sans grand risque pour des opérations de grand banditisme, à cause du
désintéressement du président de ce pays qui avait d’autres chats à fouetter
(les diamants, les caisses du trésor et les dessous de table). Si Bozizé n’avait
eu pas les dispositions pour tricher, pour voler, pour tuer, et pour corrompre,
il n’aurait jamais essayé de prendre le pouvoir à cause de la petite taille des
forces (mutins et libérateurs) qu’il avait. Puis, comme un individu ne
saurait diriger tout seul un territoire de la taille de la Centrafrique, celui-ci
avait eu besoin d’autres individus pour le soutenir dans son objectif et
assouvir son désir de grandeur en amassant pour son propre compte toutes les
richesses encore disponibles dans le pays. La longévité d’un régime
dépendrait du nombre de ses militants, supporteurs, ou ouvriers, et de l’étendue
de la base de recrutement de ceux-ci (à l’intérieur du pays et en France).
Ce serait dans ce contexte et après son les difficultés à gagner le
contrôle du MLPC, les désaccords avec ses libérateurs, puis les recrutements de
mercenaires en Afrique du Sud ou ailleurs, que François Bozizé avait cru
opportun de créer son parti politique pour enfin avoir ses propres militants et
accroître le nombre de ses supporteurs. Vous avez certainement remarqué que
l’état des infrastructures délabrées du pays n’avait jamais ému Bozizé;
l’affaissement des ponts à Bangui, les attaques des bandits de grand chemin
contre les voyageurs innocents; les razzias des brigands sur les villages et les
villes; les meurtres de paysans et éleveurs; la malnutrition des enfants de
Berbérati que son régime avait créée, n’avaient jamais apporté de réactions
appropriées, rapides et correctives de la part du gouvernement de Bozizé.
Celui-ci ne fera jamais l’erreur de placer le bien-être des centrafricains
au-dessus de ses intérêts personnels ou au dessus de ceux de Kwa Na Kwa (KNK)
son parti politique. Vous remarquerez récemment que l’appel de Clément
Boutet-Mbamba au gouvernement de livrer immédiatement la guerre aux
envahisseurs, étaient toujours resté lettre morte. Le bien-être et la
sécurité des centrafricains ne concernent nullement Bozizé. Tant que rien ne
menace véritablement son pouvoir, François Bozizé estime qu’il demeurera le
président de la république. Bozizé ne pouvant pas mener personnellement
ses actions et réaliser ses objectifs partout dans le pays et à tout moment,
celui-ci avait créé son KNK pour se pourvoir en hommes de main et en
ouvriers. Dès le départ, celui-ci avait donc eu besoin des membres de sa
famille comme Ndoutingaï et des mutins de l’armée nationale comme Mbay et les
autres, disposés à tuer pour son compte. Souvenez-vous de l’assassinat de
Charles Massi par des “inconnus”et que la Justice du régime de Bozizé n’a
jamais pu identifiés. Une erreur avait été de croire que Bozizé avait
besoin d’une large majorité de centrafricains pour effectuer ses basses oeuvres.
Un sous-lieutemnt par ci, un sergent par là, accompagnés de quelques
hommes en uniforme, armés suffisaient pour semer la terreur à Bangui, à
Bossangoa ou ailleurs dans les villages de l’arrière pays. La population
avait été et demeure terrifiée par les militaires et les casseurs pour les
basses besognes du KNK de Bozizé, qui lui sont loyaux. Un petit bataillon
d’hommes pour sa protection rapprochée et les hommes du KNK étaient largement
suffisants pour lui assurer et assurer aux candidats de son parti les victoires
aux dernières élections présidentielles et législatives de 2010. Ceux qui
sont autour de lui savent que Bozizé pense profondément qu’ils ne sont nullement
irremplaçables. Depuis sa ré-élection, François Bozizé joue sur ce facteur
et n’engage aucune action pour former un nouveau gouvernement. Sa
stratégie avait toujours de n’établir aucune transparence pour tout contrôler et
pour mieux contrôler. Pourquoi voulez-vous un nouveau gouvernement si tout
marche bien et tous lui obéissent loyalement? C’est ce qui rend les hommes
politiques du KNK tels Ngouandjika, Maléombo et autre foncièrement loyaux et les
défenseurs de son régime, car chacun ne voudrait réellement rien perdre des
miettes que Bozizé leur jetterait. Si ces hommes devaient quitter l’arène du
pouvoir, où trouveraient-ils les ressources pour continuer à se procurer tout ce
dont ils avaient personnellement besoin? La loyauté seule est le
prix à payer pour rester dans le club ou dans le KNK. Pourquoi l’assainissement
du paiement régulier des retraites, des bourses et autre n’avait jamais
été définitivement réalisé? Pourquoi avait-on continué à être les témoins
des flagrants détournements d’argent au Trésor? La réponse simple avait
été pour garder tout ce monde dans un état de pauvreté. Pour Bozizé, il
est important de décider au jour le jour qui trouvera à manger, au lieu d’offrir
la satiété à tous sans son intervention personnelle. Le paiement des
salaires, des retraites, des bourses et autre est un moyen très persuasif de
contrôle. Seuls ceux qui lui sont loyaux reçoivent une forme de
récompense. Par ailleurs, Bozizé sait n’être généreux qu’avec parcimonie,
car il ne voudrait pas que cette générosité profite à d’autres qui pourraient, à
leur tour, établir leurs propres partis, leurs propres associations ou autres et
qui seraient hors de son contrôle.
Nous espérons que vous ne vous attendiez pas a ce
que nous produisions d’autres exemples pour vous convaincre de toutes les
exactions commises par François Bozizé et son régime. De même, nous sommes
persuadés qu’en réfléchissant suffisamment, chacun trouverait de lui-même
pourquoi le régime de François Bozizé en République Centrafricaine aurait toutes
les caractéristiques d’une dictature, et qui avaient été ainsi définies par les
deux chercheurs que nous avons cités plus haut.
Si le constat pourrait être définitivement établi à
propos de l’existence de la dictature de François Bozizé en République
Centrafricaine, le peuple centrafricain tout entier devra alors retirer à
l’établissement de son régime la prétention ou le qualificatif du terme
démocratique. Les intérêts du régime de Bozizé ne sont nullement la
protection des intérêts du pays et de son peuple. A notre humble avis, le
peuple centrafricain devra immédiatement disqualifier le régime de Bozizé et
choisir d’autres leaders politiques, plus patriotiques, pour répondre
positivement à toutes leurs aspirations. Cependant, nous ne finirons pas nos
propos sans demander aux centrafricains si l’arbre (dictature) ne pourrait pas
cacher pas la forêt.
NDLR :
L’auteur de ce point de vue souhaite avoir en retour le regard de ceux qui
partagent la même opinion, ou l’analyse argumentée des contradicteurs qui sera
affichée au lieu et la place.