Dignité, vous dites!  Quelle dignité?

 

Au sortir de l’époque coloniale, Barthélémy Boganda et les hommes politiques de son temps avaient pensé aux différents symboles qui représenteraient à la fois l’histoire, la personalité et  le caractère moral de ce nouveau pays que serait la République Centrafricaine.  Ceux-ci avaient en accord avec leurs espoirs, leurs croyances et leurs convictions politiques, réussi à imprimer de leur sceau, puis offert la devise toute nouvelle de ce pays, et qui demeure “Unité-Dignité-Travail”.  Ce testament de Barthélémy Boganda et de tous ses contemporains avait été légué aux générations auxquelles appartiendraient François Bozizé, les chefs des rébellions armées, ainsi que tous les centrafricains de souche ou d’adoption.  Cette devise donc, était supposée à la fois inspirer puis imprégner les actions de chaque citoyen, parce qu’en tant que citoyen, chacun aurait dû se convaincre pourquoi l’unité du peuple centrafricain était importante pour la sécurité du pays, pourquoi la prise de conscience de la dignité soutendrait le respect de la vie et des droits de chaque centrafricain, et enfin, pourquoi le travail serait en réalité le moteur du développement du pays et celui de son émancipation. Boganda et ses contemporains avaient crû à la valeur et au sens de chaque mot de cette devise nationale.  Mais seulement voilà, les générations des centrafricains qui avaient succedé à la leur, n’avaient pas été à cette même école et n’avaient jamais correctement fait leurs humanités. Les générations des centrafricains qui avaient suivi celle de Boganda avaient soliloqué cette devise et le mot dignité dans les écoles pendant les cérémonies de salut des couleurs. Et si vous vous souvenez encore, chacun avait fait la promesse de rester fidèle à la devise de la République Centrafricaine. 

 

Aujourd’hui nous écrivons ces propos en français, ce patois qui nous était étranger et qui avait servi à traduire cette devise puis à en faire transmettre la promesse d’une génération à l’autre.  Peut-être que tous ensemble nous ânnonions cette devise sans conviction comme nous le faisions des fables de La Fontaine!  Les leçons hebdomadaires d’instruction civique dans les écoles et peut-être dans les collèges et les lyçées du pays avaient disparues des programmes d’enseignement.  Cet enseignement du civisme n’avait jamais été  introduit dans les programmes des écoles professionnelles ou dans certaines facultés des institutions d’enseignement supérieur.  Nous mettrons notre main au feu que le civisime n’avait jamais été un sujet d’enseignement à l’école des enfants de troupe ou à l’école de formation des officiers de l’armée.  Comment donc ne pas être surpris de la confusion dans la comprêhension ou dans l’interprétation du terme dignité au sein de la classe politique, au sein de l’élite militaire ou dans toutes les franges de la société centrafricaine!

 

Nous avons longtemps soutenu et soutenons encore qu’en Centrafrique, quelles que soient les causes que chaque groupe armé prétendrait défendre, la rébellion armée qui tiendrait en hôtage la population et lui ferait un tort quelconque, ne pourrait être la manifestation de l’expression démocratique.  Parce qu’avant tout, le mouvement démocratique avait été la méthode qui offrirait une sélection civile par les urnes des représentants du peuple, qui mettraient en place un meilleur gouvernement des affaires du pays au nom du peuple, et dont les bénéfices ou les ristournes seraient surtout le bien-être pour tous les enfants du pays. Et l’erreur fondamentale de tous les tenants des rébellions en Centrafrique avait été leur conviction que cette recherche d’un meilleur gouvernement des affaires publiques ne pourrait se faire autrement que par l’usage des armes à feu et non par le verbe et le choix délibéré de chaque citoyen.  Les ténors de ces rébellions armées avaient oublié que les armes à feu  dont ils faisaient allégrement usage contre une population civile innocente, apportaient également la désolation et tuaient dans l’oeuf le résultat tant désiré de cette démocratie, qui était le bien-être de chaque citoyen et de tous les citoyens.  Depuis le début de ces errements que tous appelaient rébellions armées, aucune preuve irréfutable n’avait toujours pas été produite par les ténors ou les chefs de ces rébellions, et, qui avait donné les indices d’une véritable libération du peuple centrafricain contre l’oppression ou qui avait appporté un épanouissement quelconque au pays et à ses citoyens.  Enfin, quelle conclusion le peuple centrafricain devrait tirer de cette nouvelle histoire bien triste du pays?   Comme certains qui consentaient à dire tout bas qu’il faille laisser les centrafricains s’entretuer, nous nous demanderions bien à qui profiteraient directement et réellement les turpitudes des hommes politiques centrafricains et le malheur de la population?

De nombreuses autorités en matière de gouvernement avaient depuis été convaincus que le modèle de rébellion armée introduit en Centrafrique par François Bozizé, et qui avait écarté le régime de Patassé du pouvoir à Bangui, avait surtout servi d’incubateur à tous les mouvements de rébellion armée en Centrafrique, et, qui étaient les sources de l’anarchie que connaît le pays.  Les efforts de (re)conquête de la démocratie par le peuple centrafricain, à la suite de mécontentements créés par les abus du pouvoir des régimes de Bokassa, de Kolingba et de Patassé et créés également par l’inaptitude des hommes de ces régimes à apporter de manière concrète l’épanouissement du peuple, avaient chaque fois pique du nez.  Ces régimes successifs avaient surtout entraîné l’affaiblissement de l’administration des affaires publiques, ainsi qu’une dégradation des valeurs morales des hommes, puis celle de l’éthique en général dont la corruption que le pays connaît ne serait qu’une résultante.  Depuis l’acceptation de la nationalisation de l’appareil de l’état que l’on avait appelé indépendance, les leaders politiques centrafricains n’avaient pas pensé de manière stratégique à la formation initiale aux valeurs morales et à la préservation de ces valeurs par les cadres nationaux compétents, capables de conduire avec patriotisme, diligence et de manière permanente la destiné des affaires de l’état dans tous les secteurs, y compris la sûreté, la sécurité, l’alimentation, la santé, l’éducation, le logement, pour ne citer que ces quelques exemples..  Regardez donc le fonctionnement des écoles publiques, celui des centres hospitaliers, des bureaux administratifs à Bangui et dans les provinces; observez le déroulement et les résultats des examens et concours nationaux; regardez l’état des infrastructures d’un pays qui aurait de nombreuses ressources naturelles.  Puis, dites-nous ce qui s’était passé tout ce temps! 

Même si les sbires de François Bozizé avaient volontairement donné la mort au Colonel Charles Massi sur les ordres de celui-ci ou sur ceux de Francis Bozizé, sur ceux du procureur de la république, d’un officier supérieur de l’armée ou sur ceux d’un personage mystérieux, de nombreux centrafricains avaient pensé que Charles Massi avait peut-être bien mérité son triste sort pour avoir causé la mort de nombreux centrafricains à Bossembélé, à Ndélé ou ailleurs..  C’était cela la loi du Talion “oeil pour oeil et dent pout dent”.  Mais si cette loi du Talion était celle en application en République Centrafricaine, pourquoi cette même loi du Talion ne s’appliquerait-elle pas aussi à Patassé, à Bozizé, à Démafouth, à Miskine, à Sabone et à tous les autres bandits dont les hommes avaient tué des centrafricains dans les épopées de leurs rebellions armées?  Parce que Charles Massi avait récemment été assassiné selon cette loi du Talion, nous considérons que la loi du Talion n’avait pas été  appliquée uniformément et que de ce fait l’application de cette loi à Charles Massi, seul, avait été simplement injuste sur le plan national.  Mais si nous considérons que la Centrafrique était une république avec une constitution et des lois, la responsabilité du chef d’éta,t assumée par François Bozizé,n’était-elle pas d’assurer la même protection à tous les centrafricains, même si ceux-ci avaient été accusés de crime comme Charles Massi?  Est-ce que la justice du procureur de la république et du gouvernement de Bozizé serait redevenue celle des anciennes époques hébraïques?  Selon nous, quel que soit le crimei, le président de la république et tout son gouvernement devraient s’assurer que l’époque barbare était révolue et que chaque centrafrician devrait être protégé par les lois moderns du pays, afin de faire garder à chaque criminel et autre qui leur restait d’humain, c’est à dire leur dignité.  Charles Massi avait peut-être des comptes à rendre à la justice de son pays.  Malheureusement la justice de Bozizé avait donné les apparences d’être selective.  Ce faisant cette justice telle qu’elle est appliquée et ne pourrait autoriser à la République Centrafricaine sa requête d’être parmi les pays qui respecteraient les droits de l’homme.

S’il y a une leçon à retenir, elle serait la suivante.  Le gouvernement du régime de Bozizé ne devrait jamais oublier que quelle que soit l’ignominie des crimes que l’on avait reproché à Bokassa que celui-ci avait par ailleurs servi, la véritable justice avait suivi son cours et Bokassa avait été jugé selon les règles du droit modern centrafricain.  C’est dommage que Bozizé ait volontairement décidé de ne pas respecter ces règles.  Mais quelle image voudrait-il donner de  la République Centrafricaine?

 

Jean-Didier Gaïna

Virginie, Etats-Unis d’Amérique