CENTRAFRIQUE : KHARTOUM SUITE ET FIN
L'échec du huitième accord de
paix était prévisible. Tout le monde l'a prédit ; tout le monde l'a prévu.
Tout le monde, à l'exception des principaux acteurs pressés de bâcler un accord
qu'ils considéraient pourtant comme celui de la dernière
chance.
La
Centrafrique vit non pas une mais plusieurs rébellions qui se sont taillé des
fiefs sur quatre-vingts pour cent de son territoire. Tous les chefs rebelles se
prennent pour des demi-dieux ayant droit de vie et de mort sur les paisibles
paysans qui ont eu le malheur de rester sur leurs lopins de terre usurpés. On ne
compte plus les massacres. Dans ces conditions, un gouvernement normal aurait
fait de la question du désarmement des forces non conventionnelles un préalable
à toute discussion. Ce n'est pas parce que des cambrioleurs occupent ta maison
que tu vas discuter avec leurs chefs. Et d'abord discuter de quoi ? De leur
entrée triomphale au gouvernement ? Mais ils y étaient déjà !
Peut-être pas en nombre suffisant mais ils y
étaient !
Discuter de quoi ? De leur liberté ? Mais ils sont
libres ! Ils vont et viennent comme bon leur semble. Qui viendra les
arrêter ? On a donné à la Cour pénale internationale un os à ronger :
les deux dirigeants antibalaka qui ont eu la mauvaise idée de déposer les armes.
En Centrafrique leur pays, les armes hélas ! triomphent de tout, y compris
de la légalité, y compris de la démocratie, y compris du bon sens, y compris de
la paix ! Il suffit de brandir une kalachnikov ou deux pour se faire une
place au soleil, ou pour mériter un maroquin. Plus qu'un exemple, c'est une
leçon pour la jeunesse laborieuse dont les conditions de vie sont tous les jours
précarisées par un interminable conflit.
M. Sarandji, chaud partisan de la politique de la main
tendue est débarqué de la tête du gouvernement peu après le triomphe de ses
idées à Khartoum. Encore un paradoxe ! Pourquoi changer de Premier ministre
si la politique du gouvernement ne change pas ?
Partout dans le monde on change de Premier ministre quand on veut changer
de politique. En Centrafrique, le changement se fait dans
l'immobilisme.
Je
n'ai aucun a priori contre le nouveau Premier ministre. Il vient d'être nommé.
Il n'a pas encore prononcé son discours de politique générale. En temps
ordinaire, on laisse aux Premiers ministres le temps de s'installer, le temps de
prendre leurs premières décisions avant de les critiquer. Mais nous sommes
échaudés par une succession de catastrophes. Nous sommes échaudés par des
rendez-vous manqués, des promesses sans lendemain et des assassinats et des
massacres.
A
quoi ont servi les pourparlers de Khartoum ? S'ils n'ont servi à rien,
alors aller à Khartoum me semble aller à Canossa.
Je
disais au début de cette tribune que tout le monde savait que cet accord ne
tiendrait pas. Tout le monde le savait parce que tout le monde sait que
gouverner c'est prévoir : prévoir par exemple qu'un accord bâclé
provoquerait des démissions en cascade dans le nouveau gouvernement
inclusif.
– prévoir que les maîtres de la palinodie ne tiendraient
pas leur parole.
– prévoir que sous les feux de la rampe les rebelles ne
tiennent pas le même discours que dans leur maquis.
– prévoir que les assassins sont généralement des
menteurs invétérés.
Anatole GBANDI (15/03/2019)