Centrafrique : des élections sous contraintes, une victoire sans fioriture !

 

En Centrafrique, les élections du 27 décembre 2020 ont délivré leurs augures ! Quelles que soient les conditions matérielles, logistiques et politiques de ce scrutin, il faut reconnaître Faustin Archange Touadéra comme président élu, avec 53,92 % des suffrages exprimés. Je lui adresse mes sincères félicitations.

Le voici désormais au pied du mur, à la fois bien élu et mal élu (1).

 

1 – On voit le maçon le maçon au pied du mur.

     En 2016, j'avais prédit que le professeur Touadéra, élu avec 62 % des suffrages exprimés au second tour, serait un mauvais président. Il l'a été, dans six domaines au moins, dont le principal tint à la stratégie du « désarmement concerté », concrétisée par la signature de l'accord politique de paix et réconciliation en République centrafricaine de Khartoum.

Dans le cadre de cette politique du statu quo, il a laissé le champ libre aux groupes terroristes et voué la société centrafricaine aux jachères.

Dès son élection, nous l'avions exhorté à ne pas se croire élu par Boy-Rabe, manière de lui demander de ne pas se recroqueviller sur son seul camp.

Malheureusement, tout cela est arrivé ; il s'est montré brillant tacticien mais piètre homme d’État.

Sans vouloir de nouveau pronostiquer la poursuite de cette politique de l'attrait du vide et de l'ivresse du pouvoir, j'attends son discours d'investiture pour savoir s'il a tiré leçon de ces échecs (2).

Ses vœux à la nation centrafricaine, adressés à l'occasion du Nouvel An 2021, le laisse augurer, en dépit de leur tonalité pastorale et académique ; sa marque de fabrique. Vouloir n'est pas pouvoir !

 

2 – Les enfants du Bon Dieu ne sont pas des canards sauvages (3).

     Les résultats des autres candidats augurent de l'ineptie de leur stratégie. Si l'on excepte Anicet Georges Dologuélé (21,01 %), qui atteint son score du premier tour des élections présidentielles de décembre 2015, en position stable, les autres candidats sont de simples suiveurs, dans la position des canards migrants qui volent en V.

On notera cependant l'échec du RDC (3,79 % contre 12,70 % en 2015), et le recul significatif du MLPC (7,46 % contre 10, %). Hormis ces trois partis, tous les autres candidats devraient vider la coupe de leur vanité et faire le deuil de leur ego rabougri, définitivement.

La stratégie de la ventilation des candidatures au premier tour et regroupement au second est, une fois de plus, en échec. Espérons que les uns et les autres en tireront la leçon : la vie politique centrafricaine a besoin d'un inéluctable aggiornamento. L'idée qu'on peut gagner une élection en achetant des voix – quitte à se faire financer par des puissances publiques ou privées étrangères – doit être abandonnée (4).

Une vraie concertation doit s'enclencher pour amorcer des regroupements sur des bases idéologiques et politiques claires, entre conservateurs et progressistes, libéraux et socialistes, etc.

Il n'appartient pas au président élu d'organiser cette concertation.

Ce dernier doit juste prendre en compte les souhaits exprimés par la population du pays, à l'occasion des consultations populaires à la base (13 février 2015) et lors du forum inter centrafricain de Bangui (11 mai 2015).

Il est temps que Faustin Archange Touadéra solde sa dette vis-à-vis du peuple centrafricain (5).

 

Paris, le 5 janvier 2021

 

Prosper INDO

Économiste,

Consultant international.

 

(1)   – Le président élu ne doit pas oublier que seul 38 % des membres du collège électoral ont pu se rendre aux urnes, bravant les menaces, les intimidations et les violences de toute nature. En comparaison, on n’oubliera pas qu’en décembre 2015, seulement 86.983 électeurs sur 292.696 inscrits ont pu prendre part au référendum constitutionnel !

(2)   - Les électeurs qui se sont déplacés ont voté contre les groupes terroristes, pas en faveur des partis politiques.

(3)   - Cette formule est empruntée au titre d'un film du réalisateur de cinéma français Michel Audiard (1920 – 1985).

(4)   - Les électeurs ne sont pas des oies sauvages que l'on peut attirer dans ses filets en leur jetant quelques grains de maïs pour recueillir leur voix.

(5)   - Pour purger cette dette, le président élu devra remplir et mettre en œuvre les six protocoles signalés dans ma prise de position du 24 décembre 2020 : « Au premier tour, on élimine (suite) ».