CENTRAFRIQUE : SOUTENUE COMME LA CORDE SOUTIENT LE
PENDU (deuxième partie)
Commençons par
emprunter au poète français son vers et Supposons une
supposition : que les États-Unis retirent dans huit mois, dans un an
ou avant la fin du mandat de Donald Trump le fantasque, leur financement à la
MINUSCA, que deviendra la République ? Que feront les dirigeants
centrafricains ? Gageons qu'aucun d'eux ne prétendra que cette décision
l'aura pris au dépourvu ! Voilà bien deux ans que le président américain et
ses diplomates répètent jusqu'à plus soif que les missions des Nations unies ne
servent à rien. Ils ont quitté l'UNESCO qui servait à beaucoup de choses :
la culture, l'éducation et la science. Ils n'hésiteront pas à quitter la MINUSCA
dont la passivité dans les massacres des civils leur donne raison. Ils ont
laissé tomber Joseph Kony qu'ils recherchaient dans le Haut-Mbomou, après avoir
annoncé urbi et orbi qu'ils le trouveraient. Cette promesse, il est vrai,
remontait à Obama et atteste un altruisme que l'on chercherait en vain à l'heure
actuelle. Alors quand Trump et ses diplomates menacent de retirer leur
financement aux missions de maintien de la paix, il faut les prendre au sérieux
et commencer dès à présent à préparer l'après- MINUSCA. De toute façon, cette
mission ne durera pas éternellement. Elle aura bien une fin. Ensuite que se
passera-t-il ? Personne n'ose l'imaginer à l'heure actuelle. Car la Séléka
qui a le vent en poupe personnifie dans l'imaginaire collectif les forces du
mal. Et donc la question qui taraude tous les patriotes centrafricains est la
seule qui mérite d'être posée à l'heure actuelle. Si faute de financement la
MINUSCA se retirait aujourd'hui ou demain, quelle force s'opposerait à la
Séléka ?
1. LE
SOUTIEN DES ANTIBALAKA
Cette force, la
première à s'être opposée par les armes aux exactions des hommes de Djotodia,
est aujourd'hui décapitée. Elle était à l'origine constituée d'anciens soldats
centrafricains et des ressortissants de la région de Bozizé, contre lesquels
s'étaient déchaînées les foudres vengeresses de leurs tombeurs. Elle n'a
engendré ni un leader charismatique, ni un stratège, ni un général de renommée
nationale, capable de transcender les pesanteurs ethniques. Ses chefs ont
profité de l'accalmie qui a permis les élections présidentielle et législatives
pour embrasser des carrières politiques. Mal leur en a pris. Un à un, ils
prennent aujourd'hui le chemin de la Cour pénale internationale. Je précise que
le fait qu'ils aient commis des exactions ne justifie nullement leur
transfèrement prioritaire à la CPI. D'autres ont péché avant eux : les
Séléka ! Mais en Centrafrique et à la CPI un bon procès doit nécessairement
commencer par les derniers qui ont péché. Au grand dam de certains de mes amis
qui soutiennent mordicus que les exactions des Antibalaka étaient des exactions
antiexactions. Cela veut-il dire qu'on ne devrait pas les juger ?
Non : tous les crimes doivent être jugés ainsi que tous les
criminels.
2. DEUX
POIDS DEUX MESURES
Ce qui choque dans
l'arrestation des anciens chefs Antibalaka, ce n'est pas tant leur transfèrement
à La Haye que le timing de celui-ci : des massacres venaient d'être commis
à Alindao, à Bambari et à Kaga-Bandoro par des rebelles appartenant à diverses
rebellions dont les chefs sont nommément connus. Au lieu de les poursuivre, on
choisit de déférer à la CPI des gens qui s'étaient en partie amendés en déposant
les armes, en se présentant à des élections législatives ou en embrassant
diverses carrières dans le civil. Leur transfèrement rend beaucoup plus
difficile désormais une politique de réconciliation qui battait de l'aile. Tous
ceux qui, comme les durs à cuire de la Séléka, refusaient de déposer les armes,
vont certainement s'écrier : << Vous avez vu ! Celui qui dépose
les armes devient une proie facile pour la CPI. >>
Qu'on me comprenne
bien. Je ne suis pas en train de m'ériger en je ne sais quel avocat du diable.
J'essaie tout simplement de pointer les incohérences d'une décision que
l'opinion publique ne comprend pas. Face au rouleau compresseur de la Séléka, le
gouvernement a jusqu'ici prôné la réconciliation. Je précise que dans mon esprit
cette politique de réconciliation n'excluait pas des sanctions ciblées, des
procès mais uniquement quand elle aura ramené la paix, c'est-à-dire quand elle
aura démontré son efficacité en triomphant de la guerre. Or voici qu'avant même
que ne décolle la colombe gouvernementale, le gouvernement lui tire une balle
dans l'aile en envoyant et en laissant envoyer d'anciens rebelles à la CPI. Ce
faisant, il éveille des soupçons sur sa politique de la main tendue, qui passe
maintenant, aux yeux des assassins massacreurs qui triomphent en Centrafrique,
pour un stratagème grossier visant à les capturer pour le tribunal de Fatou
Bensouda.
3. LE
SOUTIEN DES GROUPES D'AUTODÉFENSE
Ces groupes ne
peuvent pas défendre efficacement le pays. Mais en défendant leurs villages, ils
défendent une partie de la Centrafrique. En libérant leurs bourgs, ils libèrent
une partie de Bêafrica. Malheureusement, ils manquent de tout et n'opposent
souvent à l'ennemi surarmé que leur courage et que leur témérité. Leur
résistance est la résistance d'un homme en état de légitime défense, un homme
dont la maison est en train d'être cambriolée et qui sait que ni la MINUSCA, ni
la maréchaussée, ni l'armée, ni personne d'autre ne viendra à son
secours.
Anatole GBANDI
(19/01/2019)