Conversion !
J'ai fait connaître ici même ma position sur la
réélection de M. Faustin Archange Touadéra. Je réitère mes sincères
félicitations, bien que cette victoire n'était pas acquise d'avance si ces
concurrents n'avaient pas commis des erreurs de néophytes.
Voilà pourquoi je ne partage pas le sentiment diffus
qui consiste à récuser ce scrutin, au prétexte qu'un certain nombre de
Centrafricains n'ont pas pu voter, volontairement ou
involontairement.
1 – Il faut s'affranchir des injonctions paradoxales
de l'Occident !
Je rappelle que le vote est un droit, pas une
obligation. Dès lors, on peut s'abstenir ou voter blanc. J'observe que les
dernières élections municipales en France ont connu un taux d'abstention de 65
%. Personne n'a remis les résultats en cause pour ce seul
fait.
Quant aux différentes pratiques de fraude, je relève
que d'éminentes personnalités politiques françaises comparaissent en ce moment
ou vont comparaître bientôt devant les tribunaux pour dépassement de comptes de
campagne ; une technique de fraude parmi d'autres.
Il est donc temps de nous affranchir des injonctions
paradoxales de l'Occident et de son « esprit impérial » en la
matière.
Cela dit, la victoire de Touadéra ne l'exonère pas de
ses atermoiements et insuffisances. Après cinq ans à la primature et cinq années
de présidence, on ne peut plus parler de périodes d'essai.
Certes, on ne peut pas présager de ce qu'il va faire
de son deuxième et dernier mandat, son investiture n'aura lieu que le 30 mars
prochain ; il a tout le temps d'y réfléchir. Cependant, ses deux dernières
prises de paroles nous confortent dans l'idée d'une
continuité.
2 – L'élu de Dieu ignore le peuple.
En premier, dans son adresse à la nation, à l'occasion
des vœux du nouvel an, le président a lancé un appel aux Centrafricains de bonne
volonté de rejoindre son camp. C'est une tare des politiciens de ce pays,
toujours partisans de la main tendue mais incapables de faire les efforts pour
aller vers les autres. On se rappelle la complainte de Mme Catherine
Samba-Panza, chef de l'Etat de la transition : « à force de rester en
l'air, (mes) bras fatiguent et tombent » !
En de circonstances similaires, Barack Obama et ses
soutiens faisaient le porte-à-porte pour rassembler les Américains. Nouvellement
élu à la tête de la nation américaine contre Donald Trump, Joe Biden continue de
battre les tréteaux pour convaincre les plus réticents de ses compatriotes au
vivre-ensemble.
Compatriote, un mot qui ne ressort que rarement du
vocabulaire de Faustin Archange Touadéra, lequel invoque le plus souvent le terme « nos populations »,
comme si le peuple centrafricain lui était étranger.
3 – A la cour de Louis XIV.
D'où l'impression d'arrogance et de suffisance qui
ressort en second, lorsqu'on voit le président réélu, dans une vidéo officielle,
assis haut perche sur une estrade, pendant qu'à l'appel de leur nom par le
protocole, le Premier ministre et ses ministres, chacun à tour de rôle, viennent
s'incliner devant le « monarque » pour le féliciter. On ressent comme
un malaise devant ces signes d'allégeance. On se serait crû à Bérengo, à la cour
impérial de Bokassa, ou même sous Louis XIV, lorsque les courtisans viennent
saluer le Roi Soleil à son lever !
Certes encore, M. Touadéra nous avait prévenus, je
cite : « Permettez-moi de rendre grâce à Dieu, le seul et unique
dispensateur du pouvoir temporel qui, dans souveraineté et à travers vos
suffrages, m'a renouvelé sa grâce imméritée pour présider à la destinée de notre
peuple ». Il est l'élu de Dieu et le peuple compte pour du
beurre ! La preuve ? Pendant que le président fête sa réélection,
Bangassou et ses habitants souffrent le martyre...(1)
En son temps, Nicolas Tiangaye, alors Premier ministre
de Michel Djotodia, ayant revêtu un djellaba et une gandoura bleue, s'était
travesti en mahométan pour se rendre au chevet de nos concitoyens meurtris, sans
doute convaincu par le ministre résident du Mbomou de l'époque, un certain
Crépin Mboli-Goumba. C'était en 2014 ! Qui s'en souvient ? Pas
Touadéra. Comme Saint Paul, le président pourrait se convertir en ce jour, de
persécuteur en serviteur et défenseur du peuple, en se rendant à Bangassou, sous
la protection de la MINUSCA.
Paris, le 25 janvier 2021
Prosper INDO
Économiste,
Consultant international.
(1) – Une cagnotte solidaire GoFundMe a été lancée
pour récolter des fonds afin de venir en aide aux réfugiés et déplacés de
Bangassou