Élections présidentielles en RCA :
Au premier tour, il faut
éliminer !
« La politique est le
moyen pour les hommes sans principes de diriger les hommes sans
mémoire ».
Voltaire (1691-1778)
Après la République de Guinée et la Côte d'Ivoire, c'est au tour de la République centrafricaine de dérouler la banderole des élections présidentielles. Le premier tour de ce scrutin est fixé au 27 décembre prochain. La campagne électorale bat son plein depuis le 12 décembre 2020.
Ils sont dix-sept prétendants à se disputer le pouvoir suprême du pays : une seule femme et seize hommes. Suivant le slogan en vigueur, au premier tour, il faut éliminer ! Mon choix est r adical, ayant gardé une parcelle de mémoire.
1 – Exit le couple Samba-Panza /
Mahamat Kamoun, c'est une priorité. Rien ne les oppose, l'un ayant été le
premier ministre de l'autre. Indépendamment du fait que la première a avoué
avoir donné des ordres, sur instruction de l'ambassadeur de France, pour
modifier les résultats du scrutin des présidentielles de 2015, ils ont
en commun d'avoir confisqué à leur profit les milliards évaporés du don
angolais ; ce qui leur permet aujourd'hui de financer leur campagne
électorale.
Qui vole un œuf, volera un bœuf !
2 – Qu'est-ce qui distingue Nicolas Tiangaye de Crépin Mboli Goumba ? Rien, pas même leur affectivité déclarée (1). Celui-ci a été le ministre d’État de celui-là, lorsqu'il était premier ministre de l'ex-président déchu François Bozizé et de chef de l’État autoproclamé Michel Djotodia. Conseiller occulte du président du KNK, dont il est l'avocat dans le privé, Nicolas Tiangaye a été le président du FARE (front pour l'annulation et la reprise des élections) au lendemain des présidentielles de 2011 gagnées par son client. Mais c'est fort du soutien de cette coalition de l'opposition démocratique qu'il est investi premier ministre du gouvernement de transition après le dialogue inclusif du 11 janvier 2013 de Libreville. Sitôt fait, il s'est empressé de dissoudre le FARE ! En l'occurrence, l'ancien président de la LCDH est à la politique centrafricaine ce que le caméléon est à la biodiversité, une espèce opportune.
Qui a trahi une fois, trahira
toujours !
3 – Viennent ensuite les
tontons-flingueurs du président déchu François Bozizé, le Capo di
capi ! Ces derniers sont légion, mais le tandem Karim Méckassoua / Cyriaque
Gonda en est le fleuron. Indéfectibles laudateurs du parrain mafieux, ils se
sont succédés au ministère de la communication, de la réconciliation nationale,
de la culture démocratique et de la promotion des droits de l’homme (ouf!).
L’intitulé flatte l’ego de son bénéficiaire mais a tout l’apparence du monstre
du Loch Ness ! Ils ont conquis le magistère du verbe, avec le succès que
l’on sait, leur autopromotion (2).
Paroles, paroles, paroles, toujours des paroles !
Autour de Bozizé, il y a
également les « fils de », héritiers du parti ou de l'image de leurs
géniteurs respectifs. Instrumentalisés par ce dernier, ils n'ont servi à rien
sauf à se succéder au poste subalterne de ministre des sports, en mettant leur
héritage en des mains sanglantes. Que sont-ils allés faire dans cette
galère ? Ils auraient mieux fait de voler de leurs propres
ailes.
Quand le vin est tiré, il faut le boire jusqu'à la lie !
4 – En ce qui concerne les anciens premiers ministres du président Ange Félix Patassé, leur sort est emblématique de la situation qui prévaut en République centrafricaine. Le premier, Martin Ziguélé, à la tête du MLPC depuis 2003, il est candidat pour la troisième fois. Ce sera sans succès, le sort n'ayant pas oublié sa complicité dans la traque des membres de l'ethnie yakoma, orchestrée par le tandem Démafouth / Bozizé, au prétexte de la tentative de coup d’état de la fête des mères du 27 mai 2001 attribuée au général André Kolingba. Il s'est tû et a laissé commettre les exactions meurtrières des miliciens du MLC du chef rebelle congolais Jean-Pierre Bemba (3). Il passera encore un tour.
Il n'y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, ni pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !
Le cas de l'ancien premier ministre Anicet Georges Dologuélé est similaire. On lui doit cependant d'avoir privilégié la paix et la concorde nationale, en reconnaissant sa défaite de 2016, malgré les aveux tardifs du chef de l’État de la transition de l'époque. L'homme est intelligent mais se montre prétentieux et suffisant. Le président de l'URCA (Union pour le renouveau centrafricain) se dit ouvert mais se caparaçonne dans sa timidité et ne dédaigne pas les honneurs d'être porté en tipoye, comme les administrateurs blancs au temps des colonies. C'est un mauvais signal envoyé au peuple, d'autant que sa gestion scabreuse de la BDEAC lui a aliéné la sympathie des chefs d’États de la sous-région. Parallèlement, son programme, gagé sur l’aide internationale à hauteur de 300 milliards de francs CFA, risque d'être une coquille vide, alors que son sourire compassé de banquier proclame l'inverse : « Votre argent m'intéresse ».
Le proverbe dit : La main qui donne est toujours au-dessus de la main qui reçoit !
5 – Il reste enfin la situation du président sortant, Faustin Archange Touadéra. Son bilan, squelettique, repose sur une fausse promesse, celle de la rupture. Il y a bien eu rupture mais celle de la confiance d'avec les Centrafricains puisqu'il a soldé 80 % du territoire national à des groupes armés, les « Adamatrafiquants » (4). Pis, ces derniers jours, les députés de sa majorité continuent de dépecer la république, en votant un projet de loi faisant passer de 17 à 20 le nombre des préfectures administratives (5). Chacun se crée sa propre prévôté, comme au moyen âge. La nomenklatura du MCU engloutie 98% des recettes de l’État, alors que 95% de la population centrafricaine vit sous le seuil mondial de la pauvreté. On voit mal comment, dans ces conditions d'échec, le président sortant peut être élu au premier tour de scrutin le 27 décembre prochain, comme Alassane Ouattara ou Alpha Condé (6). Sauf fraude massive organisée depuis le serveur informatique de l'ANE implanté à Moscou, le président sortant ne pourra pas bénéficier d'un second miracle.
Tant va la cruche à l'eau qu'à
la fin elle se brise !
Paris, le 15 décembre 2020
Prosper
INDO
Économiste,
Consultant international.
(1) –
Crépin Mboli Goumba in La nation centrafricaine et les récifs, L'Harmattan,
Paris, 2018.
(2) –
L’un et l’autre constituent la deuxième espèce opportune de l’espace politique
du pays, celle des chrysalides qui ne deviendront jamais des papillons
(poupou-lengué, en sango) !
(3) -
Le résultat de ces violences est un immense gâchis, soit 1 condamnation à mort
par contumace (le général André Kolingba), 76 condamnations à perpétuité par
contumace, 80000 réfugiés aux deux Congo, des dizaines de morts (Christophe
Grélombé, Théophile Touba, etc.), des viols …
(4) –
Adamatrafiquants est l’autre nom des intermédiaires, contrebandiers et
trafiquants des diamants et pierres précieuses en Centrafrique ; cf.
Prosper INDO, art. inédit.
(5) -
Au moment où de grandes démocraties constituent de larges régions économiques,
comme la France qui passent de 22 préfectures à 13 régions administratives, la
République centrafricaine se délite au lieu de ses regrouper autour de 5 pôles
de développement à vocation politique, économique, sociale et
culturelle.
(6) - Le refus de la coalition des partis politiques de l'opposition démocratiques (Cod-2020), de signer le Code de bonne conduite proposé par la communauté internationale, laisse désormais la voie libre aux velléités putschistes de l'ex-président François Bozizé dont la candidature a été invalidée par la Cour constitutionnelle. On peut craindre des désordres récurrents, en particulier dans les zones occupées par les groupes armés.