Il faut 
repenser « l'algorithme » de la crise centrafricaine.
Jusqu'à présent, les faits bruts conduisent à penser que 
la crise politique en République Centrafricaine est un conflit 
interconfessionnel.
L'analyse objective des faits porte au contraire à 
pointer du doigt l'origine économique et sociale, et plus particulièrement, les 
motivations des principaux acteurs de cette crise : mal gouvernance, 
corruption généralisée, course au pouvoir. Depuis lors, les événements 
successifs permettent d'établir le constat ci-après :
-        
chrétiens et musulmans vivent 
en harmonie depuis 1911, fin de la conquête militaire française du territoire de 
l'Oubangui-Chari ;
-        
les gouvernements qui se sont 
succédés depuis l'indépendance du pays (13 août 1960) ont négligé d'investir 
dans les infrastructures d'intégration des régions périphériques du pays, créant 
des poches de pauvreté et des zones de non droit ;
-        
les mêmes gouvernements ont, 
à partir de 1993, fait appel à des pays étrangers et eu recours à des 
mercenaires pour se maintenir au pouvoir, alimentant de la sorte la naissance et 
le développement de forces insurrectionnelles ou groupes 
rebelles ;
-        
une géopolitique mondiale, 
caractérisée par la renaissance et la volonté hégémonique de l'islam, a pour 
conséquence d'exposer les États africains en général, et la République 
Centrafricaine tout particulièrement, à l'influence stratégique des États 
islamiques, ceux du golfe persique ; le Koweït et l’Arabie Saoudite par 
exemple.
La 
dernière tuerie opérée par les éléments de l'UPC d'Ali Darrassa à Alindao, qui a 
fait 42 morts civils parmi les réfugiés de l'évêché de cette ville, dont le 
vicaire général et le curé de la paroisse, oblige à réviser le schéma de lecture 
jusqu'alors mis en avant par les autorités centrafricaines (c’est la doctrine du 
désarmement concerté), aussi bien que par les instances internationales de 
l'Union africaine, de l'Union européenne et de l'Onu.
L'objectif des tenants de l'islam radical en RCA est 
désormais établi : la reconquête des territoires arabisants du Dar El Kouti 
des esclavagistes Rabah et Senoussi, territoires gagnés par la colonisation 
française entre 1895 et 1911.
Cette portion du territoire centrafricain, 
potentiellement riche en pierres précieuses et réserves d'or noir, aiguise la 
convoitise des organisations criminelles disparates, transformées pour 
l'occasion en groupes insurrectionnels aux contours ondoyants, avec le soutien 
financier ou la complicité logistique des pays voisins ou limitrophes du 
Centrafrique. 
Une 
ligne de partage du pays court ainsi, depuis les anciennes enclaves du Lamido de 
Garoua, au nord-Cameroun, jusqu'à Bria, à l'extrême Est de la RCA, à la 
frontière du Soudan, qualifié naguère d'anglo-égyptien, en passant par 
Kaga-Bandoro, le nouveau nom de Fort-Crampel. Cette ligne de front reproduit à 
l'identique la « Ligne rouge » tracée par le général français Soriano, 
commandant de l'Opération Sangaris en 2013. C'est désormais une frontière 
éphémère entre régions chrétiennes et celles supposées acquises à 
l'islam.
Jusqu'alors, la mission des forces de maintien de la 
paix de l'Onu consistait à stabiliser cette ligne de front en tentant de gérer 
le statu quo pour laisser place aux initiatives diplomatiques (feuille de route 
de l'Union africaine) et politiques (programme de démobilisation, désarmement, 
réinsertion et rapatriement, DDRR). Cette stratégie a échoué, par la cupidité 
des chefs rebelles à vouloir tirer profit ad vitam æternam du statu quo, par 
l'entrée des Russes dans le jeu à travers des négociations parallèles et 
contraires aux efforts panafricains, par l'incapacité des autorités 
centrafricaines a engagé résolument le programme DDR mais plus habiles au 
contraire à susciter les crises politiques sporadiques stériles (destitution du 
président de l'Assemblée nationale), par l'absence d'une diplomatie française 
forte dans le même temps où cette ancienne puissance tutélaire est brocardée et 
caricaturée à longueur de journée par des pamphlétaires rétribués à la 
commande.
Une 
nouvelle stratégie s'impose, dont l'objectif visera la reconquête du territoire 
national. C'est la stratégie des trois vagues, déjà proposée ici même dès le 
début de l’Opération Sangaris :
-        
une opération de reconquête 
militaire des territoires sous contrôles des groupes insurrectionnels et la 
neutralisation de leurs leaders ou leur traduction devant la Cour pénale 
spéciale de Bangui ;
-        
la sécurisation des espaces 
ainsi conquis par les forces de maintien de la paix de la Minusca dont le 
mandat, prolongé d'un mois seulement ce 15 novembre 2018, devra être transformé 
à partir du 15 décembre prochain, en lui donnant des pouvoirs de 
police ;
-        
le redéploiement des 
administrations et services publics rénovés, comme mesure d'accompagnement de la 
sécurisation du territoire.
Le 
transfert à la fin de la semaine dernière du chef rebelle Yekatom devant la Cour 
pénale internationale (CPI), doit s'accompagner de l’arrestation et du 
transfèrement des autres chefs insurrectionnels connus, tant anti-Balaka 
qu'ex-Séléka.
C'est à cette seule condition que le retour à la 
légalité constitutionnelle sera effectif.
Paris, le 22 novembre 2018
Prosper INDO
Economiste