CITOYENS DEBOUT ET SOLIDAIRES –
CENTRAFRIQUE (CDS-CA)
À l’attention
de
Monsieur le
Président en exercice du Conseil de Sécurité des Nations Unies
New
York
USA
Le 12 Décembre
2018
Objet : Interpellation citoyenne sur la
protection des populations civiles en République
Centrafricaine
Prière
communiquer aux membres du Conseil de Sécurité la présente interpellation
concernant la protection de la population civile en République Centrafricaine
contre les attaques et exactions des groupes armés.
Mesdames
et Messieurs les Éminents Représentants des États membres du Conseil de
Sécurité,
Vous
n’êtes pas sans savoir que les attaques des groupes armés contre la population
civile se sont multipliées ces derniers mois sur le territoire de la République
Centrafricaine, notamment à Batangafo, à Alindao, à Bambari, à Kongbo, à
Gbambia, à Koui, pour ne citer que ces villes.
Le
scénario est à chaque fois sensiblement le même. Le groupe armé annonce ses
objectifs plusieurs jours, voire plusieurs semaines à l’avance, ou effectue des
préparatifs militaires de renforcement de ses capacités sur la zone qu’il
envisage d’attaquer, dont par exemple l’acheminement de renforts à travers le
pays, et ceci sans qu’aucune mesure de dissuasion ne soit prise par la MINUSCA
(par ex. Mesures d’Alerte Précoce, patrouilles rapprochées autour des sites
etc.). Le jour choisi par le groupe armé, l’attaque est menée, avec pour cible
principale un site de personnes déplacées, généralement installée par et auprès
des missions catholiques ou évangéliques, dont on sait qu’il héberge des
populations chassées de leurs domiciles et de leurs terres par des attaques
précédentes, populations civiles démunies de tout et en situation de précarité
absolue ; attaques, à chaque fois, d’une violence et d’une bestialité sans
pareil : sites brulés et pillés, personnes de tous âges abattues, égorgées
ou brulées vives, des rescapés traumatisées errant dans les brousses et forêts,
exposés aux dangers que peut représenter la nature pour des individus déjà
particulièrement vulnérables. Au moment de ces attaques, les contingents de la
MINUSCA sur place restent cantonnés à leurs bases sans intervenir, l’argument
invoqué étant que le contingent n’est pas attaqué en tant que tel.
Nous
constatons qu’il n’est dit nulle part dans la Convention d’Engagement que le
Contingent n’intervient que dans les cas où le Contingent est
attaqué.
Dans
certains cas comme celui d’Alindao où l’attaque était le fait de l’UPC commandé
par Ali Darassa, le contingent de la MINUSCA, ici le contingent mauritanien,
n’intervient que pour faire cesser les attaques des Anti-Balakas (autodéfense
autochtone) menées en représailles. À cela s’ajoute le fait que les Forces
armées centrafricaines, dépourvues, selon le gouvernement, de tout moyen de
riposte militaire du fait de l’embargo pesant sur le pays, n’ont pas été
déployées là où se profilait une menace sur la population civile et, partant, ne
sont pas intervenues pour faire cesser les attaques.
Le
bilan des attaques de ces dernières semaines est ainsi estimé à plusieurs
centaines de personnes tuées, à des dizaine de milliers de personnes déplacées,
et à plus d’une dizaine de sites et de villages pillés et rasés, le plus souvent
par le feu.
En
avril 2014, la Résolution 2149 (2014), portant initialement création de la
MINUSCA, fût saluée de toutes parts comme une mesure salvatrice au drame
humanitaire et sécuritaire qui se déroulait alors depuis un (1) an en République
Centrafricaine. Cette résolution proclamait, à travers la décision des
représentants des Etats membres que vous êtes, une volonté de la communauté
internationale d’enrayer une spirale de violence et de venir au secours de
populations alors menacées de « génocide ».
Mi-avril
2014, nous comptions nos morts par centaines, les victimes du conflit par
milliers, 169 806 Centrafricains réfugiés hors du territoire et 628 500 déplacés
internes étaient enregistrés.
Aujourd’hui,
nous continuons de compter nos morts par centaines, les victimes par millions,
574 638 Centrafricains réfugiés hors du territoire et 642 842 déplacés internes
sont enregistrés.
Si
les morts ne parlent pas, les chiffres, eux, le font. Ce qu’ils disent, et que
nous soulignons, c’est que, bien que les représentants de la MINUSCA se
félicitent régulièrement de leurs actions, jusqu’à ce jour, dans l’ensemble, la
présence de cette force n’a nullement contribué à une amélioration de la
situation sécuritaire en République Centrafricaine. Et nous – Citoyens Debout et
Solidaires-Centrafrique – parlons aujourd’hui également, pour ceux d’entre nous
qui sont morts et ceux qui sont encore vivants.
Le
contexte et le bilan ci-dessus rappelés (sans oublier les autres villes rasées
ailleurs dans le pays dans la même passivité), outre qu’ils révoltent la
conscience, amènent légitimement à douter que la réelle volonté de la Communauté
internationale soit d’aider la République Centrafricaine à sortir de la crise
actuelle, que l’objectif de l’action des forces internationales en Centrafrique
réunies dans le cadre de la MINUSCA soit véritablement de protéger (la
protection est active et non acte passif) les populations civiles, et que l’action
visant à faire cesser les violences soit véritablement impartiale à l’égard de
tous les groupes armés.
La
bienveillance d’une aide ne se proclame pas, elle se démontre par des choix, par
des actes et à travers des résultats tangibles qui en fournissent l’évidence.
L’aide véritablement bienveillante ne saurait se résumer à des choix conscients
de transposer les foyers de violence et de menace des populations d’une localité
ou région de Centrafrique à une autre, à des choix délibérés d’abandonner des
millions de Centrafricains telle une monnaie d’échange à la merci des groupes
armés dans un conflit d’intérêt, à des choix qui, somme toute, en dépit des
montants colossaux investis par vos Etats, réduisent l’aide à une mesure
d’intervention internationale purement cosmétique et, in fine,
immorale.
Le
Conseil de Sécurité, responsable des mesures de maintien de la paix et de la
sécurité internationale en République Centrafricaine ne saurait, face une telle
situation catastrophique, rester inerte c’est ce que le monde entier constate
ainsi que notre plateforme), sauf à assumer la lourde responsabilité de voir les
populations décider de prendre en charge elles-mêmes leur protection,
compromettant par là même le rétablissement de l’autorité de l’État, et à
aboutir à une guerre civile
généralisée qui embrase la sous-région. De fait, la nécessité et la
légitimité que l’on a reconnues en 2013-2014 à la protection d’une communauté
menacée dans sa vie et dans ses biens dans la capitale Bangui vaut aujourd’hui,
en l’absence totale de capacité de protection par l’Etat centrafricain, pour la
quasi-totalité de la population sur l’ensemble du
territoire.
C’est
pourquoi, nous, citoyens centrafricains réunis dans la plateforme dénommée
« Citoyens Debout et Solidaires – Centrafrique (CDS-CA) », appelons
par la présente le Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations-Unies à
prendre de manière urgente et déterminée les mesures qui s’imposent pour que les
Résolutions qu’il prend soient véritablement suivis d’effet sur le terrain,
notamment en ce qui concerne la protection des populations
civiles.
C’est
dans cet esprit que nous, citoyens centrafricains réunis dans la plateforme
dénommée « Citoyens Debout et Solidaires – Centrafrique (CDS-CA) »,
recommandons au Conseil les mesures suivantes, sans préjudices d’autres mesures
qu’il jugerait utile de prendre ou d’actions qu’il estimerait nécessaire
d’entreprendre :
§
Clarifier, dans la
Résolution renouvelant le mandat de la MINUSCA, le mandat de celle-ci s’agissant
de la protection civile. Le mandat actuel, issu de la Résolution 2387 (2017),
est énoncé de la manière suivante : « prendre des mesures actives (…)
pour anticiper, écarter et répondre efficacement à toute menace grave ou
crédible à l’encontre de la population civile et, à cet égard, améliorer les
systèmes d’alerte précoce, tout en maintenant un déploiement préventif et une
présence mobile, flexible et robuste, et en organisant des patrouilles actives,
en particulier dans les zones à risque ». Bien que ces termes paraissent
clairs, les circonstances des attaques rappelées plus haut rendent nécessaires
qu’ils soient précisés et, sans doute, qu’ils soient plus détaillés. Car nous
constatons que la Convention n’a pas été exécutée dans tous les cas évoqués.
Nous recommandons, en particulier, que soit inscrites dans le mandat l’action de
cantonnement et de désarmement des groupes qui menacent et/ou attaquent la
population civile, ainsi que celle d’évacuation des civils des zones rurales
notoirement menacées et ciblées.
§
Que soit mentionnée
dans la Résolution elle-même l’obligation d’appliquer les mêmes règles
d’engagement sur le terrain quel que soit le contingent national
considéré ;
§
Que les règles
pratiques d’engagement de la MINUSCA mettant en œuvre le mandat fixé par le
Conseil de Sécurité soient élaborés par le Conseil lui-même ou validés par lui,
qu’elles soient en stricte adéquation avec le mandat figurant dans la
Résolution ; et que l’application de ces règles d’engagement soit
régulièrement contrôlé par le Conseil ;
§
Qu’en cas de
manquement aux règles d’engagement ainsi établies, des mesures rigoureuses
soient prises à l’égard du contingent concerné, allant jusqu’à son retrait de la
MINUSCA et de la République Centrafricaine ;
§
Que le Conseil de
sécurité informe le peuple Centrafricain sur les raisons pour lesquelles :
1) l’embargo sur les armes en République Centrafricaine n’est pas levé à ce
jour ; 2) le Conseil a opposé un refus à la livraison du reliquat des armes
promis par la Russie et à une livraison d’armes par la Chine ; 3) les
groupes armés continuent à acquérir des armes librement. Et que, dans le cadre
de cette information, le Conseil de Sécurité rende publique les données
relatives aux demandes de levée de l’embargo soumises par le Gouvernement
Centrafricain ou par d’autres pays ;
§
Que l’embargo sur les
armes à destination de la République Centrafricaine soit levé immédiatement en
prenant les mesures appropriées pour que les armes livrées soient exclusivement
et rigoureusement, sous traçabilité, destinées aux FACAS, à la protection du
territoire et à la protection des populations.
Telles sont, Monsieur
le Président, Mesdames et Messieurs les Éminents Représentants des États membres du
Conseil de Sécurité, les informations, les appréciations et les demandes que
nous, citoyens Centrafricains réunis sur la plateforme dénommée « Citoyens
Debout et Solidaires – Centrafrique (CDS-CA) », croyons devoir porter à
votre attention, pour décisions urgentes à prendre.
Dans
l’attente de ces décisions et de votre réponse, nous vous prions de croire,
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs
les Éminents Représentants, en
l’assurance de notre très haute considération.
Pour
le collectif « Citoyens Debout et Solidaires – Centrafrique
(CDS-CA) »
Le
Président de CDS-CA
Jean-François
AKANDJI-KOMBE