MANIFESTE
CITOYEN
À
L’ATTENTION DES DÉPUTÉS ET LEADERS POLITIQUES DE LA RCA PRENEZ VOS
RESPONSABILITÉS !
21
septembre 2020
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En
ces heures graves pour notre pays, la République Centrafricaine, où reprennent
lesmanoeuvres de tripatouillage de nos textes fondamentaux pour le seul intérêt
de la conservation du pouvoir par les autorités actuelles ; en ces heures où, en
conséquence de ces manoeuvres, le pays est plus que jamais menacé par les
agitateurs de haine et se trouve au bord du gouffre d’une nouvelle guerre dans
la guerre ; en ces heures donc, aucun Centrafricain ne peut, aucun Centrafricain
ne devrait se réfugier dans le silence.
Voilà
pourquoi, Président de Citoyens Debout et Solidaires Centrafrique (CDS-CA), j’ai
résolu de prendre la parole aujourd’hui.
Beaucoup
de compatriotes et des politiques m’ont appelé depuis quelques temps. Je les
remercie pour leur confiance. Certains d’entre eux attendaient de moi que, comme
par le passé, je me prononce en droit sur la légalité ou la constitutionnalité
de la démarche actuelle de révision du code électoral à trois (3) mois de
l’élection. D’autres auraient voulu que je prenne à nouveau l’initiative d’une
action citoyenne, comme cela a été le cas récemment avec la pétition citoyenne
contre le tripatouillage de notre Constitution, dont l’heureux aboutissement est
connu de tous.
J’ai
décidé de ne faire ni l’un, ni l’autre.
Et
pourquoi cela ? Parce que je pense qu’il est grand temps que le politique
reprenne sa place ; grand temps que le politique fasse son travail ; grand temps
que le politique prenne ses responsabilités. Enfin et
pleinement.
Dans
notre République Centrafricaine, chacun a bien sûr sa part dans la
responsabilité de sortir le pays du gouffre où il se trouve, de rebâtir l’État
et la cohésion sociale et nationale, de reconstruire l’économie, etc. Chacun a
aussi sa part dans l’édification de la démocratie et de l’État de droit promis
aux Centrafricains par l’actuelle Constitution. Mais, il me faut le dire, la
part de responsabilité la plus grande ne peut être que celle des institutions
que nous avons mises en place pour diriger notre pays, et donc, la plus grande
responsabilité est et doit être celle des femmes et des hommes qui composent ces
institutions.
C’est
la raison pour laquelle j’ai choisi que le présent message s’adresse avant tout
aux femmes et aux hommes politiques Centrafricains, spécialement aux Députés,
sans oublier nos leaders politiques, chefs de Partis et de Mouvements politiques
d’opposition qui constituent dans notre pays une force de proposition et de
régulation démocratique nécessaire.
Ce
message est pour l’essentiel un appel à la responsabilité, un appel à chacun
pour qu’il assume ses responsabilités, rien que ses responsabilités mais toutes
ses responsabilités, dans le respect de nos lois.
Car
ce qu’est notre pays aujourd’hui et ce qu’il sera demain, en bien ou en mal,
n’est pas ou ne sera pas le résultat de l’action seulement du Président de la
République et de son Gouvernement, accompagnés par les membres de la mouvance
présidentielle.
Le
fait est que pour que se réalise la promesse de restauration de notre pays comme
État démocratique, cette promesse qui est contenue dans notre Loi fondamentale,
la Constitution de 2016, il faut non seulement une action vertueuse de
l’Exécutif, mais aussi la vigilance et l’empêchement de mal faire de la part du
Parlement. En effet, au Gouvernement revient la responsabilité d’agir :
entreprendre de construire des routes, des écoles, des hôpitaux, engager notre
armée dans des opérations de sécurisation des populations, autoriser ou
interdire des manifestations, diriger l’administration, lever l’impôt, etc.
Bref, concevoir et conduire la politique nationale. Mais aux Députés, élus de la
Nation, la Nation a confié des pouvoirs qui ne sont pas non plus négligeables,
et qui sont même nécessaires à la bonne santé de notre démocratie. L’un des plus
importants, en plus du contrôle du Gouvernement, est le pouvoir, à travers le
vote du budget et des lois, de dire non aux initiatives néfastes pour la Nation,
de faire échec aux aventures et comportements contraires à l’intérêt
national.
Mais,
que l’on s’entende bien. Il ne s’agit pas seulement de dire non verbalement, par
des communiqués ou par des déclarations, même les plus fermes, même les plus
musclées. Non ! Le premier moyen et le plus puissant moyen dont disposent les
Députés est autre. C’est le vote ; le vote dans le cadre des procédures
parlementaires.
Voter
sans mollir contre les lois iniques, anti-constitutionnelles ou contraires à nos
engagements internationaux. Voter avec une main ferme la motion de censure pour
retirer sa confiance à un Gouvernement dont la politique ou certains aspects de
la politique ne poursuivent pas l’intérêt général et l’intérêt national. Voter
sans trembler la résolution de mise en accusation du Président de la République
lorsqu’il apparaît que celui-ci a commis un des crimes de haute trahison visés
par la Constitution. Enfin, voter sans état d’âme contre un projet de
modification de loi électorale qui, en plus de ce qui a été dit, contribuera
forcément, en raccourcissant les délais de convocation des électeurs, à rendre
peu crédible les élections à venir compte tenu de l’état réel du pays : état
désastreux des routes, impossibilité d’accéder à certaines régions du pays et
donc à une partie de la population, carence de moyens de communication vers les
territoires hors la capitale, etc.
Faire
cela, voter ainsi, c’est aider notre démocratie à grandir et à s’affermir. Parce
que la démocratie, qui est précisément le régime que notre Constitution a
entendu mettre en place, c’est un régime où le pouvoir doit arrêter le pouvoir,
lorsque ce dernier pouvoir, c’est-à-dire l’Exécutif, veut s’engager sur des
chemins contraires à la volonté des Centrafricains contenue dans la Constitution
ou contraires à leurs intérêts. Parce qu’aussi, la démocratie, c’est ce système
où l’élu est et doit être le servant de la volonté générale, celle des citoyens,
et où ce Député doit s’obliger à n’agir qu’en fonction des intérêts de nos
populations.
Car,
l’Assemblée nationale qui n’arrête pas, par son vote, la forfaiture et la haute
trahison se rend complice de celles-ci. L’Assemblée nationale qui n’arrête pas,
par son vote, une politique qui conduit à la mort de milliers de nos
compatriotes et à la division de notre territoire se rend complice de cette
politique. L’Assemblée nationale qui n’arrête pas, par son vote, un projet de
loi inconstitutionnel ou contraire aux engagements internationaux de notre pays
est tout aussi responsable de cette forfaiture que l’Exécutif qui l’a conçu.
Chaque Député, ou au moins les députés qui ont commis ce vote complice, ou
l’absence de vote tout aussi complice, devront en répondre devant le Peuple tout
autant que le Président de la République et le
Gouvernement.
Il
ne sert alors à rien de produire des déclarations tapageuses si elles ne sont
pas suivies d’une action ferme par le vote. Procéder ainsi ce serait, au mieux,
chercher à divertir, voire à tromper le peuple, en esquivant ses
responsabilités.
Ce
qui est dit là pour les Députés vaut aussi, à plus forte raison, pour les partis
politiques auxquels ces Députés appartiennent et pour leurs leaders, en ces
temps où notre Assemblée Nationale est convoquée en session extraordinaire pour
tripatouiller notre Loi électorale, à trois mois seulement des élections
groupées.
Cela
vaut d’autant plus que nous sommes en une période où ces partis et ces leaders
se déclarent les uns après les autres pour rechercher nos suffrages de citoyens,
en nous promettant, chacune et chacun, la rupture que nous attendons tant et que
nous désespérons de voir un jour.
Car,
comment croire à ces discours et à ces promesses si ces leaders ne sont pas
capables d’obtenir la discipline de leurs groupes parlementaires, ici et
maintenant, sur le projet de tripatouillage en cours ? Comment y croire s’ils ne
se donnent pas la capacité, ici et maintenant, de faire échec à ce projet de
modification qui viole de manière flagrante nos règles supérieures et
compromettent le caractère libre et transparent des élections à venir ? Comment
croire aussi aux promesses de lutte intransigeante contre la corruption qui mine
notre pays si, ici et maintenant, ces leaders-candidats s’avèrent incapables de
faire en sorte que les députés issus de leurs partis résistent à ce qui est
devenu depuis trop longtemps un sport national pour l’Exécutif, à savoir l’achat
des votes et des consciences ? Enfin, comment croire à une capacité à gouverner
demain par les Centrafricains et pour les Centrafricains si on se résigne
aujourd’hui, ici et maintenant, à ce qui est dicté par les partenaires et
représentants de la Communauté internationale ?
C’est
dire combien, pour nous citoyens Centrafricains, le vote de la semaine qui
s’ouvre sera un moment de vérité. Parce qu’il sera un vote révélateur de la
détermination et de la capacité des uns et des autres.
Le
chemin est-il parsemé d’épines ? Certes, nous ne l’ignorons pas. Mais après le
sacrifice du sang, de leur liberté et de leur dignité consenti par tant de
Centrafricains, ne peut-on espérer de ceux qui veulent nous gouverner demain
prennent ce moindre risque, pour sauvegarder l’avenir, dans l’intérêt du pays et
des Centrafricains ?
Votez
donc, Mesdames et Messieurs les Députés, et votez bien. Nous, citoyens, vous
observons !
Jean-François
AKANDJI-KOMBÉ
Président
de Citoyens Debout et Solidaires Centrafrique
(Texte d’origine en
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