Meilleurs vœux de courage et de solidarité à mes compatriotes centrafricains.

 

 

Le début d'une nouvelle année est l'occasion de tirer un bilan du passé et de prendre des engagements pour l'avenir. Concernant la République Centrafricaine, notre pays, l'exercice est périlleux mais pas vain.

Le bilan de l'année 2018 est mortifère : des centaines de populations civiles décimées, dont sept prêtres ciblés pour leur foi en l'amour de leur prochain. Malgré tous les conciliabules et accords ratifiés, « la stratégie du désarmement concerté est un jeu de dupes auquel il ne faut plus accorder un crédit », comme je l'ai formulé dès août 2017. Les faits sont là, têtus !

 

L'engagement pour l'année 2019 est improbable : après avoir longtemps fait croire à une conférence de réconciliation nationale sous l'égide la Russie et du président soudanais Omar Al Béchir, le président Touadéra embrasse désormais la feuille de route de l'Union Africaine, laquelle prévoit des négociations entre gouvernement et groupes insurrectionnels à Addis-Abeba (Éthiopie). Elles seront suivies par la conclusion d'un traité de paix, qui sera signée fin février 2019 à Brazzaville, sans doute. Cet accord sera vain et viole délibérément les exigences du peuple centrafricain. Il l'a fait connaître à deux reprises, lors des consultations populaires à la base, lors du Forum inter centrafricain de Bangui (Mai 2015) : pas de partition du pays, pas d'amnistie générale pour les massacreurs, pas de création d'une chambre haute.

 

Jusqu'à ce jour, cette volonté populaire reste niée.

-        Déjà, la constitution de 2016 a avalisé le principe de la création du sénat ; il devait être installé un an après l'investiture du président Touadéra (1).

-        La partition du pays est déjà un fait ; les groupes insurrectionnels proposent désormais la création d'un État fédéral, un pays à constitutions multiples, à régimes judiciaires différenciés et règles de vie commune diversifiées, d'une région à l'autre.

-        L'amnistie générale est promise aux massacreurs depuis février 2018, au nom et dans le cadre d'une réconciliation nationale inclusive (2).

On s'achemine donc vers une année nouvelle 2019 qui ressemblera furieusement à l'année écoulée 2018. La faute à un « commandant en chef qui ne réunit pas les qualités de sagesse, d'équité, d'humanité, de courage et de sévérité générale » (3). En effet, à lire le président Faustin Archange Touadéra, dans ses vœux à la nation, on se croirait dans « La Barbe bleue », le conte de Charles Perrault. Le président élu est comme sœur Anne, « qui ne voit rien venir, sauf le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie » (4).

 

Dès lors, que souhaiter à mes compatriotes, dont la capacité de résilience est soumise à mille épreuves ? La justice d’abord ! Non pas la justice coutumière, réparatrice, qui contraint les consciences, mais la justice pénale, qui délivre et libère les victimes. Ensuite, la volonté de vivre ou survivre, une foi inébranlable dans l’humanité, et le courage de croire à un avenir meilleur.

Enfin, un seul vœu. Tenez bon ! Gardez la force vitale !

 

Paris, le 2 janvier 2019

 

Prosper INDO

Économiste,

Consultant international.

 

(1)   – Le gouvernement centrafricain n'est pas en mesure de le faire, faute de volonté politique et, surtout, de moyens financiers, sauf à recourir une fois encore au chantage à l'aide internationale, en faisant appel aux efforts des États de la sous-région.

(2)   Le président tchadien Idriss Deby s'est fait le porte-parole de cette proposition dans une interview accordée au magazine Jeune Afrique, numéro du 29/1 au 4/2/2017.

(3)   Sun Tsu : L'art de la guerre, Flammarion, coll. Champs classiques, Paris 2017, p. 59.

(4)   Charles Perrault : La Barbe bleue, in Contes de ma mère l’Oye, Le Livre de Poche Classique, Paris, 1697. Entendre le président Touadéra proclamer « Les groupes armés qui sont hostiles à la paix et à la restauration de l’autorité de l’Etat sont créés et dirigés par des mercenaires étrangers (qui) exécutent un plan ignoble de prédation, d’extermination de notre peuple et de conquête de notre territoire, sinon, de sa partition… », relève du déni de réalité. Le chef de l’Etat centrafricain ne peut ignorer que la RCA vit depuis 1998 sous la menace de groupes insurrectionnels animés par des Centrafricains (de naissance, d’adoption ou de naturalisation). Ils sont environ 700 individus, et leurs parentèles organisées en entreprises mafieuses, qui ont pris en otage un peuple de 4,5 millions d’âmes. Ils ont pour nom : Patassé, Bozizé, Ndjadder, Démafouth, Massi, Ndoutingaï, Mbay, Sayo, Ngaïssona, Yékatom, Wénézoui, Namsio, Djotodia, Hissène, Miskine, Dhamane,  Adam, Narkoyo, Al Khatim, Darassa, Siddicki, leurs commandants de zone, généraux de rang ou d’emprunt, et tous les hommes politiques assoiffés de pouvoir et d’ambitions égotiques. Ils ont, par leurs turpitudes et égoïsme échevelé, asphyxié le peuple centrafricain. Voilà pourquoi les vœux du président Touadéra, qui a été cinq années durant Premier-ministre de François Bozizé, est un salmigondis de galimatias, sauf à vouloir jouer au benêt ou à prendre les Centrafricains pour tels.