Réflexion
sur « la Justice du plus fort » dans le pays de Boganda, la République
Centrafricaine
Dans
le pays de Boganda, la justice a été et est toujours celle du plus fort-
c’est-à-dire de celle ou de celui qui est au pouvoir- de ceux qui assument
une autorité quelconque, depuis le chef de village jusqu’au sommet de l’État.
Cette justice du plus fort n’est pas l’apanage de la Centrafrique, mais sa
particularité est le fait qu’elle touche toutes les couches sociales. N’importe
quelle personne orgueilleuse qui
détient une certaine « parcelle de pouvoir » n’hésite pas à utiliser cette
justice pour atteindre son objectif. Sans surprise, cette méthode pousse souvent la victime à se sentir justifiée de
régler l’affaire lui-même. Elle est exprimée par la formule diabolique de « Tu ne me connais pas! Tu vas me voir!»
Et le cycle de vengeance-et contre vengeance commence et continue.
Au
niveau des villages, ou des
provinces, certains chefs n’hésitent pas à faire usage de cette justice du plus
fort pour régler leur compte à leurs concitoyens, par exemple en usant de
l’escroquerie pour ravir à ces derniers leurs biens, voire même leurs femmes. Et
il n y a personne pour les inquiéter car ils sont presque tous amis avec les
maires, les chefs de canton, les chefs de police, de gendarmerie, les sous-préfets ou préfets. Ils sont
même amis aux juges, s’il y en dans leurs régions, car avec l’arrivée des Seleka
tout ce qui représentait l’État était détruit. Et tous ces groupes rebelles qui
foisonnent sur le territoire national, y compris les Anti-Balaka, ont poussé le
comble en assumant la justice eux-mêmes dans les régions sous leur contrôle. Ils
n’hésitent pas à dégainer leurs fusils et de tirer sur toute personne qui essaie
de les accuser.
Au
niveau de Bangui, les medias font souvent état d’une mauvaise manœuvre d’un chef civil ou en
uniforme qui cherche un terrain pour bâtir une maison pour sa maitresse, ou pour
y mener un projet quelconque. Quant
aux biens publics, les chefs s’en arrachent sans s’inquiéter. Ils sont souvent
protégés par les hautes autorités du pays. En Centrafrique, les députés,
changent de camp selon ce qu’un leader d’un parti politique peut leur verser comme pot de
vin. Il est donc beaucoup plus facile pour un parti au pouvoir de s’en procurer,
car il en a les moyens. Il n’est pas exagéré de dire que dans le pays de
Boganda, on achète des députés comme on achète des culottes chez un « bouba
nguere », ces jeunes commerçants ambulants qui vendent des produits
bon-marché, souvent à la sauvette. Car il est possible de négocier le prix de
vente. Depuis l’indépendance, il
existe très peu de gens ayant été emprisonnes pour abus de pouvoir ou pour
détournements d’énormes fonds publics. Dans les prisons centrafricaines, on y
retrouve que les auteurs de délits communs pour la plupart, avec bien sur des
« indésirables politiques », qui sont vite relâches dès qu’une
connaissance, un ami ou un parent
parvient au pouvoir. Ces recyclés sont les plus dangereux, car ils sont
promptes à crier, « Arrêtez-les! Emprisonnez-les! Tuez-les! » Et c’est
dans un pays qui prétend être à 80% chrétien! Ou en sommes-nous avec le pardon
dont parle Jésus dans la Bible?
Il
n’y a rien de plus choquant que de voir des intellectuels se prêter à ce système
de justice sans honte, système ne du favoritisme, de l’ethnocentrisme, de
l’égoïsme, avec ses modes de gestion telles que l’escroquerie, la corruption, le
copinage, etc. Les conséquences déviatrices de cette forme de justice sont les
suivantes : une mauvaise gestion des biens matériels et financiers
appartenant à l’État; des détournements des fonds massifs du trésor public. Ces
détournements varient en ampleur selon le statut social de l’auteur, selon qu’il
est cadre ou simple agent de l’État. On avait espéré qu’avec l’arrivée des
professeurs et des docteurs au
pouvoir, il y aurait un changement. Mais dommage! Quelques rares braves hommes
et femmes qui ont osé dénoncer l’injustice chronique en Centrafrique ont fini par baisser les bras, devant
les menaces et les attaques des « plus forts ».
Selon
les dires des dirigeants de Seleka a leur arrivée au pouvoir à Bangui en mars
2013, ils n’avaient pas eu de la difficulté a avoir des gens parmi les
principaux leaders politiques d’alors en échange de proposition de postes dans
le gouvernement ou contre des montants d’argent. Malgré l’avènement de
la démocratie sur le sol centrafricain, la masse paysanne, qui représente la
majorité de la population continue
d’assister impuissante à leur massacre à la douceur par les « Moudjou Vocko » qui
continuent de maintenir cette pratique humiliante. Elle pensait vivre sur la
terre de leurs ancêtres sans s’inquiéter des menaces des
« prédateurs » pour vaquer librement à leurs besognes, soit cultiver
leurs champs, faire du petit commerce, etc. Mais hélas!
En
Centrafrique, lorsque vous entendez des rumeurs concernant de troubles courir
partout, c’est qu’il y a anguilles sous roches. Ces rumeurs et allégations ne
tarderont pas à mener à des accusations pour seul motif –une préparation d’un
coup d’état. Que ces rumeurs soient fondées ou non, les accusateurs, qui ne sont
autres que les détenteurs de pouvoir, n’hésiteront pas à saisir la moindre
occasion pour déclarer la guerre ou procéder à la chasse aux sorciers. Le plus
souvent ce sont leurs griots, qui se présentent comme porte-parole du
gouvernement qui font courir ces rumeurs. Cela commence d’abord par des accusations à peine
voilées, des mises en garde verbales contre « certains fauteurs de trouble,
des gens qui cherchent à nuire à la paix chèrement acquise, et aux efforts de
relance économiques. On les connait. Ils n’échapperont pas à la justice!». Ils
n’hésitent pas à exagérer sur les possibles menaces que telle ou telle personne
poserait au pays. En général ils prennent la partie pour un tout. C.-à-d. on
accuse, sur la base d’allégations ou mensonges, une personne avec toute sa
famille, son groupe ethnique, y compris les gens qui viennent de sa région, voire
même de son quartier. Certains ennemis du pouvoir sont morts mystérieusement,
alors que bien d’autres ont pu s’exiler pour sauver leur
peau.
Dans
le contexte actuel ou les Nations Unies sont présentent dans le pays à travers
la MINUSCA, leurs représentants sont prompts à entrer dans la dance des
accusations, des menaces et des mises en garde contre de probables fauteurs de
troubles. Ce que ces représentants de l’ONU ignorent, c’est que les Centrafricains ont hérité de cette
justice du plus fort, fondée sur des rumeurs et de fausses accusations, depuis l’époque de la colonisation. Et les rumeurs sont
lancées, soit de Bangui ou de Paris, et par quelques sympathisants des gens du
pouvoir bases soit à Paris ou a Bangui. Avant l’indépendance c’était les
administrateurs coloniaux qui organisaient ce type de campagne, toujours pour
cacher leur politique de l’esclavage des indigènes et d’exploitation des
ressources nationales, et ce avec l’accord du gouvernement. Mais maintenant ce
sont les fils du pays qui ont la relève. Donc les forces de l’ONU doivent faire
preuve de prudence. Leur moindre
prise de position pour ou contre toute déclaration d’un politicien
centrafricain, qu’il soit au pouvoir ou à l’Opposition, est considérée comme
soutien à l’un ou l’autre camp. Ce qui ne peut que donner des ailes aux uns et
aux autres pour cette manœuvre machiavélique. Ce qui peut retourner contre eux,
car la jeunesse centrafricaine est plus éveillée qu’autrefois et les rumeurs
peuvent se rependre rapidement via les réseaux sociaux. Un autre fait majeur
qu’il faudrait mentionner est que les dirigeants du pays comptent sur les Nations Unies pour traiter des
affaires nationales telles que la justice à leur place. Mais on peut aisément
comprendre leur raison : c’est pour se déculpabiliser. Ah oui, cette personne est poursuivie par
la Cour Internationale de justice. Lorsqu’un citoyen est arrêté, Il arrive que
nos dirigeants prétendent qu’ils n’en étaient pas informés. La Minusca joue le
rôle de parapluie pour les gens au pouvoir, sans le savoir, car il facile à ces
derniers de se débarrasser des gens qu’ils n’en veulent pas. Autrefois ils
pouvaient faire disparaitre des indésirables politiques, mais maintenant a cause
du rôle des medias et des organismes de défense des droits de la personne, ils
hésitent à le faire. S’ils le font c’est qu’ils ont bien préparé un plan avec
l’aide des juges de la cour criminelle. En fait, si le gouvernement veut
vraiment régler le problème de l’injustice, ils ne doivent plus protéger des gens
qui font des détournements de fonds
publics massifs qui devraient servir à financer des projets de développement
socio-économiques et industriel. Le pays est assez riche en ressources minières
et autres. Avec l’argent amasse de l’exploitation et du commerce de ces
ressources, ils peuvent investir dans les domaines de la sante, de l’agriculture, de l’éducation, de la
construction des logements des routes, C’était le vœu du président fondateur de
la République, le feu Barthélemy Boganda que chaque citoyen trouve de quoi à
manger, à se soigner et des moyens pour s’instruire ou assurer l’éducation de
ses enfants.
En raison du grave retard qu’accuse le
pays en terme de développement socio-économique et industriel, la priorité de nos dirigeants doit être
centrée sur quoi faire et comment faire pour assurer que la Centrafrique
devienne une société libre et démocratique, dans laquelle la justice n’est pas
toujours au profit des plus forts. Ils doivent aussi lutter énergiquement contre
ces fléaux que sont la corruption et l’escroquerie, au lieu de passer leur temps
à faire la chasse aux sorciers.
Les
gens qu’ils pourchassent sont généralement associés à l’Opposition. Ils sont à abattre, soit
à cause de leur prise de position
contre une mauvaise situation, comme par ex. un cas de détournement de biens
publiques, ou un abus de pouvoir ou par esprit de vengeance. Lorsqu’on arrête
quelqu’un pour des raisons politiques, on l’accuse de créer des troubles. Et le procès finit toujours par accoucher
d’un travesti de justice. Celui qui devrait être fautif est blanchi et l’autre personne va en prison. En ce qui
concerne des détournements d’argent, le verdict a permis à des corrompus et à
leurs corrupteurs de s’en sortir aisément; alors qu’ailleurs ces gens devraient
recevoir de peines sévères, avec de lourdes amendes et emprisonnement. Qui sont les vrais criminels? Ce sont en
fait tous nos concitoyens malhonnêtes, égoïstes, qui privent l’État d’importants
biens matériels et financiers pour assurer le bon fonctionnement de l’État. Ils
doivent être poursuivis et punis, selon la loi. Ceux qui se croient au-dessus de
la loi, ce sont des gens à envoyer
à la Cour Pénale international (CPI), si cette cour de justice pouvait traiter
des vrais problèmes de sous-développement en Afrique, au lieu de passer son
temps à prolonger les souffrances
des peuples d’Afrique en défendant indirectement des dirigeants égoïstes et
ethnocentristes. Ce sont à la fois des corrupteurs et des corrompus. Ces agents
de malheur de leurs peuples sont
comparables à cette pandémie qui court à travers le monde, le Coronavirus
aussi appelé COVID-19. Le coronavirus, transmis par des bouffées d’air sortant
de la bouche de son porteur, donc invisible comme l’air, n’est identifié que par
des ravages en pertes de vies humaines qu’il provoque.
De
la même façon, l’injustice résultant de la corruption, de l’escroquerie, de la
malhonnêteté est difficile à identifier, sauf par des dégâts qu’elle crée au bon
fonctionnement de l’État, de la société. En Afrique en général et en
Centrafrique en particulier, un bon nombre de détenteurs de pouvoir cultivent et
maintiennent l’injustice dans leurs pays.
En
Centrafrique, l’affaire d’une réunion secrète des 20 anti-Balaka civils et
militaires en fonction ou retraités au domicile d’un ministre du gouvernement du
premier ministre Ngrebada, qui fait sensation sur les réseaux sociaux dans ces
temps-ci, risque de conclure par un procès qui condamne certaines personnalités
de l’Opposition ou certains anciens dirigeants civils ou militaires, pour avoir
complote pour prendre le pouvoir par la force. Or le président Touadera avait
rencontré tous les anciens chefs d’État et la plupart d’anciens premiers
ministres au début de l’année pour, disait-on, avoir ou exiger de leurs
contributions à la manière de sortir le pays du cycle de violence qui se
poursuit dans certaines parties du territoire national après l’entente de
Khartoum (Soudan)! Que lui ont dit
ces personnalités? Voulaient-elles le renverser? Comment ces dites rencontres ou
réunions s’étaient passées? De façon conviviale ou tendue? N’a-t-on pas vu le
Président serrer la main de ses visiteurs ou invites après ces rencontres? N’est-ce pas de cette façon qu’on
fonctionne en démocratie – surtout dans les temps durs? Voilà autant de
questions à considérer dans la recherche de la vérité dans cette affaire. Autres questions fondamentales qui
permettront d’élucider davantage cette épineuse question, qui ressemble somme
toute à un coup monté, sont les suivantes : Qui a convoqué la réunion?
Comment un ministre membre du gouvernement en cours puisse-t-il organiser une
réunion chez lui? Même si ce dernier peut prétendre être de l’Opposition car il
représente les Anti-Balaka, il devrait respecter son chef immédiat, soit le
premier ministre qui l’a nommé.
La
meilleure chose à faire aurait été d’avoir la permission de ce dernier avant de
poser un acte qui ressemble à de la désobéissance. Si non c’est de la
manipulation en faveur du pouvoir en place. Dans ce cas, qu’est-ce qu’il a
promis à ces jeunes militaires pour aller dans sa maison pour une réunion?
Comment pouvait –il sacrifier son gagne-pain, son bon moyen d’accéder à la mangeoire
publique? Puis qu’en Centrafrique, avoir une parcelle de pouvoir, c’est être en
mesure de se servir comme on veut du bien public! Que peut-on déduire de cette
affaire des Anti-Balaka arrêtés? Est-ce que le pouvoir n’a-t-il pas monté un
guet-apens? Et quelles personnalités
étaient visées? Si c’était dans un autre pays ou existe la vraie
démocratie, on pourra connaitre la vérité bientôt. Mais comme c’est dans
« le pays de la grande foret qui cache beaucoup de choses », tout va
se cacher derrière le « guira » ce baobab équatorial de Bangui. Et les
choses pourront être étouffées une fois qu’on aura trouvé des indésirables
politiques. Comme tout moyen est bon pour arriver sa fin en Centrafrique, qui
dirait le contraire? On s’attend à ce que la CPI entre dans la dance des
accusations, pourvu qu’on trouve des gens à éloigner de Bangui pour que le
risque de perdre l’accès a la mangeoire publique soit éliminé. Autre méthode,
utilisée par tous les régimes à Bangui depuis les temps du parti unique jusqu’à
maintenant, c’est que le pouvoir procède à des nominations à des postes de
responsabilité dans l’espoir de faire clouer le bec aux supposes perturbateurs.
Et le plus souvent, ils réussissent à calmer tout le monde avec cette méthode,
car les politicards centrafricains
n’hésitent pas à changer de camp, surtout lorsque l’argent est mis en jeu. Et si
cela ne suffit pas, on passe au plan B, qui consiste à monter des coups. On
procède à des manipulations des gens dans le camp de l’ennemi. On dénigre,
insulte, fait des révélations farfelues sur la vie privée d’un soi-disant homme
dangereux. Or une des règles élémentaires de la démocratie est qu’on doit
respecter les personnes mais s’attaquer à leurs idées.
Sous
d’autres cieux, on lance une poursuite judiciaire contre qui conque porte
atteinte a notre réputation, a notre personnalité ou pour propos diffamatoires.
Mais dans le pays de Boganda, quel juge vous écouterait si vous n’êtes pas en
position de force? D’ailleurs
très souvent, on arrête des gens
sans mandat d’arrêt émis par le juge. En conclusion, je vois que cette affaire
risque de faire beaucoup de bruits dans les medias sociaux à mesure
qu’approchent les temps des prochaines élections s’il y en a selon le calendrier
établi. Qui vivra verra.
S.
Bea Ngouyombo - Citoyen
centrafricain, écœuré par « la justice du plus fort » dans notre
pays. 16 avril 2020