Réflexion sur le combat entre le MNCU et le KNK, deux partis d’anciens alliés devenus ennemis

 

 

 

Celui qui veut noyer son chien l’accuse de rage. Cet adage s’applique bien à l’acharnement du MCU- Mouvement Cœur Uni, parti au pouvoir contre le KNK, passe à l’Opposition depuis que leur chef fondateur a regagné la terre de ses ancêtres au cœur de l’Afrique, la République Centrafricaine (RCA). En fait c’est une bataille entre deux chefs : celui du MCU contre le chef du KNK. Mais ironie du sort, le premier était l’assistant du second. Comme le malheur des uns fait le bonheur des autres, celui qui fut l’assistant autrefois avait profité de l’éviction de son chef par coup de force par un autre groupe de rapaces pour prendre la place de ce dernier, miraculeusement à la suite des élections présidentielles, que certains s’étaient dépêchés de qualifier de libres et démocratiques. Or d’autres langues y ont vu de la magouille. Heureusement les perdants ont reconnu et accepté leur défaite sans tarder, en déclarant que le peuple avait tant souffert qu’il fallait privilégier la paix au lieu de continuer à faire du bruit. Sur cela, je leur dis « Chapeau bas! » car dans l’histoire du pays de Boganda, les politiques ne se sont jamais tus sans garder rancune. Quelques-uns des perdants s’étaient vite ralliés aux gagnants pour être près de la mangeoire publique, alors que d’autres sont devenus muets. Occasionnellement, ces derniers faisaient des déclarations plus ou moins vagues en cas de scandale. Mais n’oubliez pas, c’est comme ça qu’on fait de la politique dans le pays de Boganda : soit on se tue et on attend le moment propice pour faire du chantage. Quant à ceux et celles qui sont dans le camp des forts, il  arrive à certains d’être en désaccord avec le chef. Mais ils ne quittent pas de leur propre chef, car c’est préférable de rester là pour profiter de la mangeoire publique que  de quitter vite. Rare sont ceux qui ont pris courage et ont dit non au chef lorsqu’ils voyaient une irrégularité quelque part. Aussi ceux qui sont au sommet de l’État ne voudraient pas perdre leur place, quand bien même ils se disent être démocratiquement élus. Ce qui suppose que l’on doit s’attendre à organiser des élections ouvertes, libres et démocratiques dépourvues de fraudes. On doit être conscients que l’on peut gagner ou pas. Ce sont les électeurs qui décident à qui donner leur confiance enfin de compte.  Mais en Centrafrique, ceux qui sont au Palais de la Renaissance à Bangui ne voudraient pas entendre cela de leurs oreilles. Ils useront de tous les moyens pour  y rester. La vraie raison c’est le risque de perdre la place qui les juxtapose à la mangeoire de l’État. 

Plus un régime est corrompu plus les dirigeants font tout pour ne pas partir. Ils chercheront des moyens pour évincer ou éliminer tout adversaire politique qu’ils jugent plus sérieux qu’eux ou plus populaire auprès de l’électorat. Ne vous laissez pas avoir lorsqu’on vous dira que  le rejet de telle ou telle candidature revient à la Commission  Nationale Indépendante des Élections (CNIE ou CNE). Même si on dit qu’elle est indépendante, cette commission ne l’est pas vraiment. Les détenteurs du pouvoir  imposeront leurs  choix.

Pourtant dans  les années 1990 ce pays a connu ses vrais débuts de démocratie, copiée sur l’Occident, sous le régime de feu General André Kolingba. A la suite des élections présidentielles en 1993, le candidat du MLPC, le feu Ange-Felix Patassé, avait remporté sans surprise, vu sa popularité auprès du bas peuple. Et le président français d’alors, Jacques Chirac, avait apporté son soutien à ces élections, en déclarant alors « Il se passe une révolution tranquille au bord de l’Oubangui », paru dans la colonne d’un des journaux de l’époque à Bangui. Cependant, cette victoire avait ébranlé le RDC, le parti au pouvoir.   Le camp des déchus allait donner du fil à tordre au régime de Patassé, car trois ans plus tard, soit en 1996, le Président fera face à la première mutinerie dans l’Armée nationale, occasionnée par des éléments proches du RDC. 

Ces mutineries allaient renforcer des actes barbares d’autres groupes connus sous le nom de coupeurs de route qui pratiquaient des braquages, des vols  à mains armées des voyageurs, des  viols de femmes et de jeunes filles partout dans les provinces. Le peuple s’en fut remis brièvement sous le régime du KNK, dont le fondateur est décrié, humilié et haï aujourd’hui par ceux-là qui l’ont accueilli, collaboré et évolué sous ce parti, jusqu’à l’arrivée des Seleka à Bangui en 2013 suivis des AntiBalaka un an plus tard. On connait la suite car nous y sommes encore à pleurer la mort de nos tantes, nos nièces, nos mères, nos sœurs et nos filles violées ou sommairement exécutées, et bien sûr avec nos frères, nos cousins, nos neveux, nos grands-frères, nos oncles, frappes, coupes avec des armes blanches ou tues par des armes à feu, et des maisons incendiées, sans oublier des commerces et des biens d’autrui détruits ou emportes à destination du Tchad ou du Soudan, en ces temps-là.

Dans le pays de Boganda, il faudrait se méfier du terme « adversaire politique » comme on l’emploie couramment ailleurs ou il existe ce qu’appelle la vraie démocratie. Ce qui bouleverse mon entendement est le fait que nous sommes en face des gens issus de la sommité de l’échelle intellectuelle, c.-à-d. des personnalités ayant acquis des connaissances et des manières de faire totalement différentes de  celles de leurs prédécesseurs. On pensait qu’en raison de leurs bagages intellectuels supérieurs, ils s’adapteraient plus aisément au bon fonctionnement d’un État moderne, comme ça se fait ailleurs. Ils auraient plutôt su mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, qui fut le souhait de presque tous les intellectuels centrafricains pendant longtemps. Mais ce terme a disparu avec l’arrivée des Seleka au pouvoir en 2013.  Et bien il faudrait voir comment cela s’est passe. Lorsque les Seleka sont arrivés, les grades militaires acquis, soit en fin de formation militaire ou dans l’exercice du métier de soldat, étaient mis aux rencards. On voyait les rebelles se déambuler partout avec leurs insignes de général X et général Y, et ce sans avoir mis pieds dans une caserne militaire ni dans une école de formation des officiers. La plupart des haut grades Seleka avaient reçus ou se sont donne à eux-mêmes leurs grades pendant leurs progressions sur Bangui depuis leurs premières attaques réussies contre Ndele ou les FACA avaient pris la fuite devant eux. Les rumeurs sur leurs forces de frappe étaient tellement fortes qu’aucune force ne pouvait se tenir debout.

 

 

 

Colportées par les journaux français pour la plupart, en l’occurrence la RFI, France 2, et la Nouvelle Centrafrique (journal national en ligne, de tendance musulmane, créé précipitamment dans la foulée de la guerre pour soutenir le premier gouvernement musulman de Centrafrique), pour ne citer que ces trois, ces nouvelles tristes créèrent de la panique générale au sein de la population, particulièrement chez les chrétiens qui forment la grande majorité du peuple centrafricain. Alors que chez les musulmans c’était de la liesse. N’eut été l’arrivée des AntiBalaka qui s’opposèrent aux Seleka, ce qui conduisit à leur départ de Bangui, personne ne sait où seraient certains de nos leaders d’aujourd’hui. Dans la foulée, quelques-uns s’étaient d’ailleurs islamises, ou commençaient même à porter un grand boubou, afin de se mêler avec la foule musulmane pour ne pas se faire distinguer et maltraiter. D’autres encore s’étaient refugies en France ou ailleurs et menaient une vie tranquille pendant que leurs camarades se faisaient pourchasser comme des bêtes à Bangui.  Quelques rares fils du pays ont néanmoins fait preuve de bravoure. Par  ex. George Bokassa, l’ancien ministre de la sécurité publique et du territoire, Gervais Lakosso, activiste et membre de la société civile,  et le  professeur Nguerekata.

Tous ont osé parler haut et fort en dénonçant les massacres de la population par les rebelles Seleka. Le professeur Nguerekata aurait fait comme tant d’autres collègues et se calmer et faire sa vie tranquillement aux États-Unis ou il enseignait dans une université. Mais ce brillant mathématicien de renommée mondiale a préféré aller au pays même dans les pires moments ou les Seleka régnaient en maitres absolus sur la Centrafrique pour dénoncer tous les actes de cruauté dont les civils étaient victimes sous le pouvoir de Ndjotodia et les Seleka. C’était pendant ces temps-là que les chefs Seleka avaient la coudée franche pour se donner leur titre farfelu de général ou de colonel, selon que la ville qui tombait devant était grande ou petite. En raison de la psychose qui avait saisi la population, les troupes de Seleka trouvaient des villes et des villages vides devant eux. Il n’y avait pas de combat car tout le monde avait fui. Il suffisait de savoir tirer sur des civils sans défense et ou avoir brulé des maisons ou des villages entiers pour se qualifier colonel ou général. Et presque tous les chefs rebelles étaient soit colonels ou généraux. Ce fut alors que personne ne respectait personne, sauf si l’ennemi était arme. Et le slogan « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut » s’en est allé.

A la suite de l’Accord de paix de Khartoum (Soudan) en 2019, le gouvernement centrafricain allait, avec un soutien implicite de la Communauté internationale, mettre dans les placards quelque part au Palais de la Renaissance ou à la Primature,  la politique de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut,  en nommant des leaders des groupes rebelles a la haute fonction et dans l’administration publique dans les régions sous contrôle des groupes rebelles. Ces derniers exhibaient fièrement leurs galons acquis dans le maquis, faisant fi du respect des titres et galons de forces régulières de défense. Les nommer n’était en soit pas mauvais, car cela entrait dans le respect des mesures prises dans le cadre de l’Accord de paix de Khartoum, mais le chef de l’État avait oublié une règle élémentaire du système de négociation : « la confiance n‘exclut pas la prudence ».  

Pour des raisons connues du chef de l’État lui-même, ce dernier se précipita sans la contribution ni de la société civile ou de l’Opposition, et encore moins de celle des trois leaders religieux (le Cardinal, le Pasteur et l’Imam) qui s’étaient sacrifiés tellement pendant les plus durs moments de la guerre civile en allant rencontrer même les groupes rebelles dans leurs fiefs pour tenter de les convaincre d’arrêter de massacrer des civils.

La chose la plus sure à faire aurait été pour le président Touadera de faire asseoir tout ce monde ensemble avec les chefs rebelles et leurs principaux assistants dans leur territoire respectif pour exiger la garantie que personne ne tire sur des gens ni ne brule des maisons ou des villages pour quelque motif que ce soit;  et cette sensibilisation aurait donné lieu au regroupement séance tenante de tous les rebelles dans un seul lieu pour une prise en charge immédiate. Le gouvernement aurait demande de l’aide de la Minusca car ils sont là pour cela. Mais  le Président Touadera a failli à sa tache de garant de la paix pour le peuple. Et les conséquences ont été les massacres des civils et la destruction des villages a Paoua, à Batangafo, a Alindao, à Birao et autres régions dans le courant de 2019 et tout récemment a Birao et a Ndele. Cependant les élections générales de 2016 ont donné espoir au peuple, car les électeurs ont mis leur confiance dans les nouveaux dirigeants, presque tous des intellectuels. Mais ces dirigeants ne font pas mieux que leurs prédécesseurs, qui étaient pour la plus part issus de l’Armée nationale, rebaptisés les FACA. Nos nouveaux dirigeants auraient pu gagner en élaborant et en mettant en place des politiques de développement socio-économiques susceptibles d’apaiser la souffrance du peuple entier, étant donne le nombre de plus en plus croissant d’aides financières qu’ils ne cessent de recevoir depuis leur arrivée au pouvoir.

Ils auraient gagné davantage en bien gérant des biens publics, en luttant contre ces  fléaux chroniques qui minent le bon fonctionnement de l’État et nuisent au développement social, économique et industriel du pays, tels que la corruption, l’escroquerie, la magouille, la culture de copinage, de camaraderie, et la discrimination ethnique et régionale, qui entrainent par ricochet  le trafic des documents officiels de tous genres contre argent ou en natures, des détournements de fonds de l’État, une mauvaise utilisation des biens publics, etc. Je me demande parfois pourquoi le Président reste muet devant ces scandales financiers dont les medias font souvent échos. En fait si nos dirigeants pouvaient bien assumer leurs rôles et responsabilités, ils ne craindraient pas de perdre leurs places au service de l’État, car le peuple leur serait reconnaissant et l’électorat pourrait leur renouveler sa confiance. Ils n’auraient pas besoin d’utiliser des stratégies malhonnêtes pour tenter de gagner les nouvelles élections. Le peuple n’est plus ce que pensent nos intellectuels. Même s’il est encore dans sa majorité incapable de lire et d’écrire, faute des moyens pour s’instruire, comme le président Boganda l’avait promu dans les années 1940-1960, il est capable d’observer et de comprendre ce qui se passe ailleurs grâce aux technologies modernes de télécommunications.  Mais hélas, peine perdue! Nos dirigeants démocratiquement élus continuent à faire la politique de la même façon que les militaires. Ils tentent,  soit par des moyens occultes comme la sorcellerie, les esprits maléfiques tels que le « nganga », le « ngankola »  ou autres, ou bien par des moyens dits légaux, pour éliminer des indésirables politiques. Pourtant en démocratie, qui dit la voie légale dit juste et équitable. Mais non, cela ne tient pas debout dans le pays de Boganda, ou la justice est celle des forts- c.-à-d. celle des chefs. Nos dirigeants  n’auraient pas besoin d’attaquer, de menacer, de dénigrer telle ou telle personnalité a l’approche des élections dont ils prétendent qu’elles seront démocratiques, c.-à-d. libres, transparentes donc sans fraudes. La meilleure façon de faire taire le chef fondateur du KNK serait que le leader du MNCU respecte les mesures concernant les anciens chefs d’État dans  le cadre de l’Accord de paix de Khartoum (Soudan) en accordant lui les mêmes traitements donnes aux autres. C’était en toute conscience et transparence que les participants aux réunions ayant mené à cet accord de paix avaient pris ces mesures de façon unanime. Tous les anciens chefs d’État n’étaient pas présents à Khartoum. Et le chef de KNK n’y était pas là pour exercer une quelconque pression sur les gens. Pourquoi avoir décidé unilatéralement de le punir? N’y a-t-il pas là anguilles sous roches?   

 

S Bea Ngouyombo, Réflexion sur le combat entre le MNCU et le KNK, deux partis d’anciens alliés devenus ennemis

10/05/2020.