Centrafrique : les négociations de paix auront bien lieu à Khartoum ?

 

     Finalement, les négociations prévues dans le cadre de la feuille de route de l'Union africaine, entre le gouvernement centrafricain et les groupes insurrectionnels, se tiendront le 29 janvier 2019 à … Khartoum, et non pas à Addis-Abeba.

On ne sait ni par qui, ni comment, ni pourquoi, cette destination a été choisie. Que l'organisation des Nations unies, partie prenante à ces pourparlers, se voit imposer la capitale de Soudan, autrefois anglo-égyptien, dont le président est toujours sous sanction du Conseil de sécurité de l'organisation internationale, interpelle sur la logique, la cohérence, la volonté et le pouvoir de l'ONU.

Une chose est sûre, la Russie a marqué un point et se positionne en intermédiaire incontournable dans le dossier centrafricain, en panne depuis 2013.

 

     D'ores et déjà, le gouvernement de la RCA, qui a recueilli les positions des différents responsables des partis politiques et des associations de la société civile, a fait connaître ses intentions. L'issue des négociations devait être conforme à la constitution centrafricaine ; pas de partition ni d'amnistie pour les crimes commis sur le sol centrafricain.

C'est dans ce contexte qu'un banal incident de la route près de Boali, à 80 km à peine de Bangui,  incite à la prudence. Il s'agit d'un accident mortel ayant entraîné le décès d'un jeune homme de 26 ans, écrasé par les roues arrières d'un véhicule poids lourd transportant des bovidés. L'individu s'était glissé sous le camion pour voler de l'essence dans le réservoir.

En représailles de ce drame, une grenade a été lancée contre le poids lourds, causant la mort de ses quatre occupants et décimant la totalité du bétail.

 

     On mesure le danger qui guette. La dissémination et la libre circulation des armes létales de petits calibres sont telles que le moindre incident peut mettre fin à tout moment au processus de paix envisagé. Il faut donc attendre l'entame de ces discussions, la nature hiérarchique et le nombre des principaux leaders des groupes armés présents, pour émettre un quelconque pronostic de succès. Il faut se souvenir que le précédent accord de paix, signé à Khartoum en août 2018, a fait un flop retentissant (1).

 

     Aujourd’hui, il n’est pas sûr que la réunion du 29 janvier prochain puisse se tenir. En effet, la ville de Bambari vient d’être l’objet d’une attaque des milices de l’UPC d’Ali Darassa, provoquant la riposte conjointe des éléments des FACA déployés dans la ville et appuyés par des militaires russes, avec le soutien du contingent portugais de la Minusca ! L’incident aurait fait deux morts parmi les militaires centrafricains et une trentaine de blessés. Les cérémonies prévues à Bambari ces 10 et 11 janvier 2019, dans le cadre des journées mondiales de l’alimentation, ont été annulées (2). Le chef de l’Etat, Faustin Archange Touadéra, qui devait présider ces cérémonies, a renoncé à se rendre sur place. Pourtant, en sa qualité de commandant en chef des forces armées centrafricaines, il aurait pu s’inviter au chevet des soldats blessés pour rendre hommage à leurs frères d’armes tués ; ce qu’avait compris le Cardinal Nzapalainga en se rendant à la paroisse d’Alindao où l’UPC avait massacré 60 civils, dont deux prêtres. C’est la différence entre la vanité et le courage.

 

Paris, le 10 janvier 2019

Prosper INDO

Économiste,

Consultant international.

 

(1)   – La précédente réunion de Khartoum regroupait d’un côté le général Noël Sélesson, conseiller du président Touadéra en matière de DDRR, représentant le gouvernement centrafricain, et de l’autre, les « généraux » Noureddine Adam, Abdoulaye Hissène, Ali Darassa, Mahamat Al-Katim, Zakaria Damane et Mokom, représentants les groupes armés.

(2)   – On se souvient de l’entretien téléphonique irréaliste, parce que direct et sans filtre, entre le président Touadéra et un chef rebelle de l’ex Séléka, ce dernier houspillant le président sur la présence des FACA à Bambari et l’enjoignant d’annuler les journées mondiales de l’alimentation dans cette localité. La mise en garde n’a pas suffi, le groupe rebelle a tenu parole.