CENTRAFRIQUE : SOUTENUE COMME LA CORDE SOUTIENT LE
PENDU
La
dernière initiative de paix en Centrafrique est celle de l'Union africaine. Une
initiative tardive qui n'a suscité que des moues dubitatives et que des
haussements d'épaules largement mérités. En effet, cette organisation qui aurait
dû se déployer comme un parapluie à l'avant des conflits en Afrique, se retrouve
souvent à la traîne, ou à la remorque de l'ONU ou des grandes puissances ou même
des pays émergents. On compterait sur les doigts d'une main ses succès. Elle
enquille en revanche les bides diplomatiques.
En
son temps, la guerre civile du Biafra l'avait divisée en pro et antibiafrais,
les probiafrais étant les partisans de la partition du Nigéria . Qu'on ait
trouvé, au sein de l'OUA nouvellement créée, des pays pour conspirer contre le
Nigéria nouvellement indépendant, voilà qui dépasse mon entendement ! Mais
la future Union africaine n'avait que quatre ans. Et ce premier couac en son
sein pouvait être considéré comme un péché véniel, un péché de jeunesse. Depuis
les couacs se sont multipliés. Depuis ils alternent avec des silences
assourdissants.
1.
LE SOUTIEN DE L'UA
Quand l'Union africaine ne peut résoudre un problème, elle le passe sous
silence : la Libye, un de ces membres fondateurs est devenue un État-voyou
et ouvertement esclavagiste. Où des centaines de milliers de Noirs africains
sont parqués comme du bétail, dans des camps, ou vendus à l'encan, ou encore
entassés sur des rafiots pour des << destinations finales
>>.
Toute l'Europe en parle, toute la terre, à l'exception, bien sûr, de
l'Union africaine. Les Européens estiment généralement avoir eu leur content de
boat people africains, et ferment un à un leurs portes. Seuls quelques grands
pays les laissent encore entrebâillées, en dépit de l'opposition farouche de
leurs groupes identitaires. Que va faire l'Union africaine ? Qu'a-t-elle
fait depuis le déclenchement de la crise ? A-t-elle même parlé ? Elle
qui a des arguments solides à faire valoir dans cette crise qu'on est venu
provoquer sur son continent !
Je
précise que chronologiquement, la mort de Khadafi, le prélude de la
bordélisation de la Libye donc, est antérieure au coup d'État de la Séléka, et à
la crise qui s'en est suivie. Si l'UA n'a rien tenté pour sauver la Libye, qui
peut croire que ses gesticulations en Centrafrique aboutiraient à la résolution
de la crise centrafricaine ? On verra ce qu'on verra. D'ores et déjà, on
peut constater que toutes ses initiatives sont directement ou indirectement
placées sous le patronage des Nations unies, qui disposent sur place de la
MINUSCA. Seule, l'Union africaine ne pèserait pas sur ce conflit. Et pour
cause : elle n'a pas les moyens de sa diplomatie, de son initiative en
l'occurrence ; elle se préoccupe davantage des arriérés de cotisation de la
Centrafrique que de l'aide concrète qu'elle devrait apporter à ce pays ruiné.
D'aucuns se demandent même si son initiative de paix est
sincère.
2.
LE SOUTIEN DE LA MINUSCA
J'ai
écrit que les Casques bleus de la MINUSCA étaient une force de dissuasion. Mais
ils n'ont pas dissuadé les Séléka de massacrer des chrétiens, ni les Antibalaka
de massacrer des musulmans. Je les ai alors estampillés << forces
d'interposition >>, mais avec cette précision qu'elles n'intervenaient
qu'après coup, c'est-à-dire non pas pour s'interposer entre deux entités
belligérantes ( les groupes armés ne massacrent que les civils ) mais pour
porter secours aux blessés et tenter de sécuriser les rescapés. Cette précision
les déclasse un peu plus et fait d'eux une espèce de force hybride, qui
tiendrait des sapeurs-pompiers et de la police du tiers-monde. Voilà le visage
de l'ONU en Centrafrique. Il n'est pas celui d'une force d'interposition. Car on
ne peut s'interposer que dans un conflit aux contours bien déterminés, avec des
combattants et leurs moyens répertoriés ou estimés, avec un front. On ne peut
s'interposer qu'avec l'accord sincère des deux belligérants. Or chacun sait que
la Séléka ne signe les accords de paix que pour les violer. A Damara en 2013, il
y avait bien une force d'interposition, commandée par un général gabonais,
lequel n'avait pas levé le plus petit doigt contre les rebelles, quand ils ont
décidé de franchir la ligne jaune et de s'emparer de
Bangui.
Or
depuis, la situation sécuritaire du pays s'est dramatiquement dégradée. Les
Séléka qui avaient fait de Bangui leur base ont été contraints par la Sangaris à
essaimer dans l'arrière-pays, où ils tentent d'établir des fiefs et des
seigneuries violemment contestés par les Antibalaka.
Dans
plusieurs régions et villes du pays, les deux groupes rebelles se sont
neutralisés : les Séléka occupant les villes mais ne pouvant les
sécuriser ; les Antibalaka régnant dans les villages et les périphéries des
villes.
La
Séléka, nous dit-on, contrôle 80% du territoire centrafricain. En réalité, elle
ne contrôle rien ou pas grand-chose ou encore le chaos par la terreur et le
chaos.
Dans
une préfecture du sud que je connais bien, la Séléka occupe toutes les grandes
villes, tous les Peuls sont armés et le chef rebelle Darassa dispose à Mboma, à
côté de Zangba, d'une importante base.
Théoriquement, on devrait y circuler normalement. Or il n'en est
rien : toutes les routes sont bloquées, parce que les Séléka qui occupent
les villes se trouvent presque partout sous la menace des Antibalaka, repliés
dans les villages environnants.
Dans
le chef-lieu de préfecture où un
accord de cessez-le-feu a été signé par les deux groupes rebelles, c'est la
Séléka qui mène la danse, en vivant de rapines, en chassant les cabris, les
moutons, les poules et même les cochons d'autrui, en faisant dédouaner les
valises et les marchandises en provenance de Bangui, et en laissant
littéralement mourir de faim les enfants peuls dont les pères ont été massacrés
par les Antibalaka. Ces enfants et leurs mères erraient dans la brousse où ils
se cachaient quand les Séléka, craignant pour leur vie, les en ont fait sortir.
Malheureusement, c'est pour les laisser mourir
d'inanition.
Que
fait la MINUSCA ici ? Soutient-elle le préfet qui n'a ni police ni
gendarmerie ? Rassure-t-elle les courageux fonctionnaires qui sont revenus
à leurs postes ? Non. Cantonnée en plein centre-ville, la MINUSCA, il n'est
pas exagéré de le dire, veille d'abord sur la MINUSCA.
GBANDI Anatole [27/10/2018]