Dans
le ventre mou de l'Afrique, la République Centrafricaine.
Un
ami français pour lequel je nourris plein d'estime et de respect a dernièrement
appelé mon attention sur la chute du président mauritanien Mohamed Ould Taya. En
substance, disait-il, « ce dernier n'était pas fait pour gouverner. Il
était francophile et sans forte personnalité mais, au pouvoir, il est devenu
parano, pro-arabe, raciste et il est progressivement devenu un dictateur pris en
main par son entourage ethnique, et surtout par son conseiller politique, un
personnage maléfique, qui a entraîné sa perte ».
Je
me suis appesanti sur cette description et trouve quelque similitude avec la
situation de l'actuel chef de l’État centrafricain, dont l'entourage,
protéiforme et mauvais conseil, risque de le conduire au raidissement politique
et moral. Il suffit pour s'en convaincre de lire les articles venimeux et
vénéneux que ses courtisans déversent sur les réseaux
sociaux :
-
fabrication
de faux projets de coup d'état à l'encontre d'un chef de parti, membre de
l'opposition démocratique (1),
-
accusations
diffamatoires et insultantes portées contre des opposants par la coordination
générale du comité de soutien au chef de l’État, etc.
Ces
nouveaux courtisans rappellent, par leurs comportements, une autre période de la
vie politique centrafricaine, celle qui vit naguère des conseillers, laudateurs
pleutres et serviles, transformer le général Jean-Bedel Bokassa, de Président à
vie de la République Centrafricaine, en Empereur rouge sanglant. Par leur faute,
la République Centrafricaine est devenue le ventre mou de
l'Afrique.
1
– Le risque d'une déflagration généralisée.
C'est
dans ce contexte de putréfaction politique que se tient à Rome, sous l'égide de la communauté
Sant'Egidio, la énième réunion de réconciliation des différentes parties à la
crise en Centrafrique. Il est à craindre que cette rencontre ne débouche sur
rien de concret, sauf un accord à minima instaurant une « paix des
braves ». L'avant-projet de communiqué final, qui sert d'ordinaire de
canevas-cadre à ce type d'exercice diplomatique, le laisse
deviner.
Pour
conjurer ce maigre résultat, l'éventualité d'une autre rencontre des partenaires
techniques et financiers de la RCA est programmée ces tout prochains jours à
Bruxelles, sous le contrôle de la France et de l'Union africaine. Ce format
concrétise la stratégie diplomatique du nouveau président français qui a déclaré
« soutenir l'action de l'Union africaine » (2). Les positions de la
Commission exécutive de l'UA sont connues. Elles sonnent le glas des
recommandations issues du forum inter-centrafricain de Bangui.
Les
parties prenantes à l'éventuelle rencontre de Bruxelles risquent fort de faire
sauter le verrou de l'amnistie générale en contrepartie de leur contribution
financière. Nous nous sommes déjà exprimé sur ce sujet
(3).
Imposer
l'amnistie au peuple centrafricain réticent provoquerait une déflagration, une
éruption volcanique au cœur de l'Afrique, dont l'actuel chef de l’État serait la
principale victime.
Si
l'amnistie advenait, on verra les chefs rebelles, ayant échangé leurs
battle-dress contre des costumes-cravates aux couleurs des girafes africaines,
arpenter les couloirs de la présidence et des différents départements
ministériels, à des postes dont ils n'ont ni les compétences ni les us et
coutumes.
2
– Concéder l'amnistie serait une catastrophe pour la RCA.
En
effet, si les chefs rebelles avaient quelque intelligence, comme le prétendent
leurs thuriféraires, et l'amour de la patrie, comme ils le revendiquent, ils
auraient mis leur génie à administrer efficacement les régions tombées sous leur
coupe depuis quatre années, au bénéfice des populations locales, comme les
maoïstes en 1949.
Ayant
refusé aux autorités centrales la possibilité d'affecter des fonctionnaires
d’État dans leurs zones respectives d'influence, ils auraient pu mobiliser leurs
troupes à raccommoder les infrastructures scolaires, sanitaires ou de
communication laissées à l'abandon. Au lieu de cela, ils se sont personnellement
enrichis, en gardant la haute main sur l'exploitation des mines des diamants et
pierres précieuses, en collectant arbitrairement des taxes et impôts sur les
populations civiles, au détriment de leurs propres éléments, transformant ces
derniers en pillards, voleurs de bétail et brigands de grands chemins,
rançonnant, violant et massacrant.
Les
uns et les autres auront le même penchant au contact du pouvoir, comme ils l'ont
déjà démontré lors du passage de Michel Djotodia et de l'alliance Séléka à la
tête de la transition.
Concéder
l'amnistie dans ces conditions signerait la défaite de la République, rien de
moins.
Paris,
le 19 mai 2017
Prosper
INDO
Économiste.
(1) -
« Dologuélé prêt à vendre son âme au diable », in Centrafrique Libre
du 03 juin 2017.
(2) -
Prosper INDO : Un nouveau président pour la France, et la
RCA ?
(3) -
Prosper INDO : Le Conseil de sécurité se fâche, le 01 février 2017,
Paris.