DÉCLARATION DE
L’OPPOSITION DÉMOCRATIQUE
La
grave crise sécuritaire et post-électorale que traverse la République
centrafricaine était prévisible et l’Opposition démocratique avait à l’époque
par anticipation tiré très tôt la sonnette d’alarme.
Malgré
cette alerte, le régime du Président TOUADERA avait tenu coûte que coûte à
organiser les élections groupées présidentielle et législatives à la date du 27
décembre 2020, malgré la volatilité de la situation sécuritaire et l’absence de
transparence dans l’organisation des opérations électorales sciemment entretenue
par l’Autorité Nationale des Elections avec la caution de la Cour
Constitutionnelle.
C’est
dans ce contexte que l’Opposition démocratique avait, avec insistance,
revendiqué la tenue d’un Dialogue politique inclusif afin de permettre à la
population de choisir librement ses dirigeants dans un climat sécurisé, apaisé
et dans des conditions de transparence, de sincérité et de crédibilité du
scrutin.
Cette
revendication dont l’Opposition démocratique peut se prévaloir de la légitimité
historique et politique avait reçu le soutien de toutes les forces vives de la
nation sans exception et de la communauté internationale.
Or
à l’époque, l’Opposition démocratique avait été accusée à tort d’avoir voulu une
transition afin de participer à la gestion du pouvoir pour se «
refaire une santé financière ».
Le
refus du Président TOUADERA de dialoguer se justifiait par sa volonté d’opérer
un passage en force dès le 1er tour du scrutin.
Avec
l’assaut des groupes armés au départ partenaires du pouvoir, quelques jours
avant le vote, perturbant gravement le processus électoral, les fraudes massives
savamment organisées et les truquages des résultats, le pays a connu l’élection
la plus calamiteuse de son histoire.
En effet, moins d’un centrafricain sur
trois avait participé au vote. Les résultats des élections n’étaient nullement
l’expression de la volonté du peuple centrafricain.
Les
chiffres contradictoires publiés par l’Autorité Nationale des Elections et par
la Cour Constitutionnelle ôtaient toute crédibilité à ces consultations.
Le
Président TOUADERA ayant obtenu environ 300.000 voix arrachées au forceps sur un
corps électoral de 1.885.000 électeurs soit moins de 17%, ne peut prétendre
avoir la légitimité démocratique pour conduire le destin de 5.000.000 de
centrafricains.
Face
à l’aggravation de la situation sécuritaire et au déficit démocratique,
l’Opposition avait estimé qu’après ces élections chaotiques du 27 décembre 2020,
il était impérieux de rassembler toutes les filles et tous les fils de ce pays
pour trouver un règlement politique à cette crise aux multiples
facettes.
Au
lieu d’un Dialogue regroupant toutes les forces vives de la nation, le Président
TOUADERA a préféré organiser un dialogue dit républicain aux contours flous, au
contenu incertain et dont la finalité ne pouvait nullement conduire à la
restauration de la paix, à la réconciliation nationale et à la refondation de
l’Etat.
Malgré
la volonté affichée du Président TOUADERA de verrouiller ce Dialogue,
l’Opposition démocratique avait décidé d’y participer en envoyant ses
représentants au Comité d’organisation en posant les conditions minimales
suivantes :
1.
L’inclusivité :
avec la participation de toutes les forces vives de la Nation (Partis
politiques, Société civile, Plate-forme des confessions religieuses et Groupes
armés) ;
2.
Le
parrainage de la Communauté internationale,
notamment des institutions sous régionales à savoir la Communauté Economique des
Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) à l’heureuse initiative de laquelle
avait été créé un poste de Médiateur Permanent sur la crise centrafricaine d’une
part et d’autre part la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs
(CIRGL) ;
3.
La
neutralité et l’impartialité de la supervision des travaux par
le Médiateur Permanent de la CEEAC sur la crise
centrafricaine ;
4.
Le
caractère exécutoire des recommandations issues du dialogue ;
5.
La
mise en place d’un comité préparatoire
élargi à tous les segments de la société centrafricaine avec la mission de
définir en toute indépendance le cadre formel du déroulement du Dialogue dont
les objectifs finaux sont les suivants :
Ø
Ramener
la paix sur toute l’étendue du territoire en réglant définitivement le problème
des groupes armés ;
Ø
Régler
durablement la crise post-électorale par des compromis
politiques ;
Ø
Mettre
un terme aux graves violations des droits de l’homme (tueries, enlèvements,
persécutions, exécutions extra judiciaires, arrestations illégales
etc) ;
Ø
Traiter
les questions de mauvaise gouvernance
6.
La
mise en place d’un Comité mixte de suivi des recommandations comprenant une
composante nationale et une composante internationale
7.
La
prise de mesures de décrispation du climat politique.
Mais
c’était sans tenir compte de la farouche volonté du Président TOUADERA de régler
ses comptes politiques avec les dirigeants de l’Opposition par
l’instrumentalisation de la justice aux fins de levée de l’immunité
parlementaire de Martin ZIGUELE, Anicet Georges DOLOGUELE Abdou Karim MECKASSOUA
et Aurélien Simplice ZINGAS.
Refusant
d’aller à un Dialogue avec le statut de futurs prisonniers politiques du
Président TOUADERA, sur la base d’un dossier judiciaire vide, l’Opposition
démocratique n’avait pas d’autres choix que de décider du retrait de ses quatre
(4) représentants du Comité d’Organisation du Dialogue Républicain
(CODR).
Après
l’échec de la tentative d’embastillement des Députés, l’Opposition démocratique
en toute responsabilité a repris sa place dans le CODR.
Si
le Président TOUADERA clame haut et fort que le Dialogue dit républicain doit
ramener la paix et qu’il n’y aura pas de sujets tabous, dans les faits tout a
été mis en œuvre par le pouvoir pour que les recommandations débouchent sur des
résultats contraires aux aspirations profondes du Peuple
centrafricain.
Les
divergences de vues sur les questions cruciales portent sur les points
suivants :
L’inclusivité :
Alors
que l’Opposition démocratique prône la participation de tous les Centrafricains
à ce forum, le pouvoir exclut les groupes armés prétextant que l’Accord
Politique pour la Paix et la Réconciliation (APPR) et la Feuille de route de
Luanda serviront de cadre pour la résolution du conflit
armé.
L’Opposition
démocratique considère d’une part que l’APPR dénoncé par les principaux groupes
armés ayant créé la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC) est devenu
caduc.
La
Feuille de route de Luanda dont on connait mal le contenu est un arrangement de
la CIRGL avec les seuls chefs de groupes armés et n’engage ni l’Opposition
démocratique ni les autres forces politiques du pays.
Dans
ces conditions, du fait de la caducité de l’APPR et de la non-opposabilité de la
Feuille de route de Luanda aux autres composantes de la nation centrafricaine,
ces deux instruments ne sauraient servir de cadre à un règlement politique
durable de la crise.
Le
choix du Président du Présidium du dialogue :
L’Opposition
démocratique, face à l’intransigeance du pouvoir visant à caporaliser le
Dialogue, a fait preuve de flexibilité et a renoncé à sa demande initiale d’une
supervision des travaux par un représentant de la Communauté internationale,
pour une meilleure garantie d’impartialité et de neutralité vis-à-vis de tous
les participants.*
Elle
s’est opposée à la volonté du pouvoir d’imposer le Médiateur de la République en
raison de son statut de chef d’une Institution
républicaine.
En
revanche elle a proposé dans un souci de compromis que la plateforme des
confessions religieuses, dont l’autorité morale est incontestée, puisse désigner
un représentant pour présider les travaux.
Finalement
les pouvoirs publics vont désigner un des leurs, le Professeur Richard FILAKOTA,
Directeur général de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature
(ENAM) même si celui-ci est un prélat, alors même qu’il a été nommé par décret
du Président de la République pour diriger cette Institution étatique, alors
même qu’il est rémunéré par les finances publiques, alors même qu’il est soumis
à l’autorité politique et administrative du Premier Ministre et alors même enfin
qu’il n’a pas été présenté par la plateforme des confessions religieuses.
Même
si sa probité et sa compétence ne sont pas sujettes à caution, il n’en demeure
pas moins que les exigences de neutralité et d’impartialité ne sont pas
garanties.
Le
refus d’inscrire les thématiques proposées par l’Opposition démocratique
et
portant sur :
-
la
crise post-électorale ;
-
les
réformes structurelles des Institutions
républicaines ;
-
la
signature d’un Accord politique.
Le
pouvoir, rejetant la formulation des thématiques proposées, a cru devoir les
noyer dans des thèmes généraux qui ont été confiés à des experts pour animer des
séminaires à caractère académique et qui sont aux antipodes des attentes
urgentes du Peuple centrafricain.
Face
à ces atermoiements, l’Opposition démocratique, dans une ultime tentative de
conciliation a dépêché une délégation qui a rencontré le CODR le 18 mars 2022.
Cette rencontre avait pour but de signifier au CODR que si les points relatifs à
la crise post-électorale, à la réforme structurelle des Institutions
républicaines et à la signature d’un Accord politique sanctionnant les travaux
de ce Dialogue n’étaient pas formellement inscrits dans les thématiques du
Dialogue, l’Opposition démocratique ne participera pas à ce
Dialogue.
N’ayant
reçu aucune suite formelle à ce jour, l’Opposition démocratique ne pourra
participer aux travaux du Dialogue dit républicain.
Fait
à Bangui, le 20 mars 2022
Ont
signé
Pour la
COD-2020 Le
Président en exercice Cyriaque
GONDA |
Pour le
MLPC |
Pour le
PATRIE Le
Président Me
Crépin MBOLI-GOUMBA |