En Centrafrique, la confiance est définitivement abîmée.

 

      C'est le constat qui se dégage des derniers événements en date à Bangui, capitale de la République Centrafricaine. Les membres du gouvernement inclusif, formé par le nouveau premier ministre Firmin Ngrébada, démissionnent les uns après les autres, poussés vers la sortie par leurs responsables politiques. Mêmes les partis associés au Mouvement Cœurs Unis au sein de la majorité présidentielle, le MLPC et le KNK, font volte-face.

 

L'échec de la conférence de Khartoum rappelle celui du forum inter centrafricain de Bangui (mai 2014), lequel fait référence, déjà, à l'échec du forum de Brazzaville (juillet 2013) qui, elle-même, renvoie à la conférence de Libreville (janvier 2013), et à toutes les autres rencontres antérieures.

A cet égard, il convient de se souvenir du constat dressé par l'ancien président François Bozizé, à l'occasion de l'un de ses rares éclairs de lucidité : « Nous avons nui à la confiance en nous-mêmes et la confiance que l'extérieur nous accordait » !

Oui, en République Centrafricaine, la confiance est définitivement abîmée.

 

En mettant en avant son complice et ancien directeur de cabinet, le président Faustin Archange Touadéra a joué son dernier va-tout. En faisant appel aux mêmes ministres qui ont échoué, il n'a plus de stratégie de rechange :

-        Le président ne peut pas dissoudre l'Assemblée nationale pour reprendre la main. La raison est simple : le Code électoral hérité de la transition est caduc. En trois ans, l'exécutif a été incapable de promouvoir une nouvelle loi électorale … à un an des prochaines présidentielles, qui seront sans doute reportées !

-        Il ne peut pas changer de gouvernement, sauf à désavouer et affaiblir son premier ministre. Sauf à se déjuger, ce dernier ne peut pas demander la démission collective de son gouvernement.

Il ne reste plus au président Touadéra que la solution de prendre acte des retraits actuels et de poursuivre cahin-caha sa route, replié sur ses derniers soutiens. Mais, à ce jeu, il n'est pas à l'abri d'un coup de force. Il a fait exactement le contraire de ce que nous lui avions conseillé dans notre lettre ouverte de février 2016 !

 

     Le président centrafricain n'est pas le seul à blâmer. Les responsables des partis politiques et les chefs des milices insurrectionnelles portent la même responsabilité. En refusant de s'engager personnellement dans le gouvernement inclusif, préférant mettre en avant de simples comparses, ils violent les règles de l’éthique démocratique et de la morale politique : le chef  marche devant ses troupes !

Ils veulent se préserver pour les prochaines élections présidentielles ? Ils ont tort. Désormais, aucun Centrafricain ne leur fera plus confiance, car ils ne pensent qu'à leur intérêt personnel et pas à l'intérêt général. Le peuple ne se fera plus avoir à l’usure.

 

Déjà, le corridor routier Bangui-Garoua est bloqué par le mouvement FDPC du mercenaire Abdoulaye Miskine ; celui-là même que l'ancien président de l'assemblée nationale, Karim Méckassoua, est allé retirer des geôles camerounaises, en échange du prêtre polonais Tadeuz pris en otage par ses troupes.

Déjà, les éléments malfaisants de l'UPC et du mouvement 3R ont repris leurs exactions meurtrières contre les populations civiles, dans le sud-est et le nord-ouest du pays.

 

Pendant ce temps, le président Touadéra voyage. Le 5 mars il était à Rome pour une rencontre avec le Pape François, une bénédiction pour ce pasteur de l’Église céleste, qui se prétend diacre.

Les 5 et 6 mars, il est à Bruxelles, convaincu de convertir les instances européennes à ses divagations politiques. Le 14 mars, il sera sans doute à Addis-Abeba, en conclave avec le président de la commission exécutive de l'Union africaine, pour trouver une solution de sortie de crise et sauver la face à son premier ministre.

En réalité, Ubu est nu, impotent et impuissant. Hélas !

 

Paris, le 8 mars 2019

 

Prosper INDO

Économiste,

Consultant international.

 

photo