IMPRESSIONS DE BANGUI

     La précipitation mise par la France à se désengager militairement de Centrafrique à un moment jugé crucial par les Centrafricains eux-mêmes et par tous les observateurs sérieux de la scène centrafricaine, jette un trouble dans les esprits . Elle pousse à se poser des questions essentielles ; car enfin, la France a envoyé ses troupes en Centrafrique pour «  désarmer toutes les milices et groupes armés qui terrorisent les populations » . Elle file au moment où les violences ont repris , sans avoir désarmé, tout en sachant que la RCA n’a pas d’armée …que la Minusca n’est pas efficace . Cela ressemble à un abandon de la RCA aux ex-Séléka de triste mémoire . A quoi joue la France en Centrafrique ?

 

                          VI . CE QUI ATTEND LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

     C’est Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères, qui a parlé le premier d’un risque de « génocide » en Centrafrique . D’aucuns ont raillé,

moqué et même ridiculisé sa prise de position radicale . L’homme préside dorénavant aux destinées du Conseil Constitutionnel, mais à écouter les nouvelles qui nous parviennent quotidiennement de la RCA, est-on sûr qu’il se soit trompé ?

 

        1 . Le billard à plusieurs bandes de la France en Centrafrique

     La Françafrique n’est décidément pas morte, car après cette forte déclaration de Laurent Fabius, c’est au ministre de la défense que la France a sous-traité sa politique extérieure en Centrafrique . Ce dernier en est à son huitième voyage au moins en Centrafrique !

Monsieur Le Drian est à Bangui pour acter la fin de la mission Sangaris malgré l’urgence sécuritaire : pas un jour sans coups de feu et de cadavres à Bangui ou en province . Quitter la RCA dans ce cas revient pratiquement à donner le feu vert aux ex-Séléka pour reprendre les hostilités et peut-être le pouvoir de l’Etat . Prétendre que l’on laisse trois cent cinquante (350) hommes ( qui seront vite débordés en cas de reprise des hostilités ) pour se donner des raisons de revenir une énième fois dans le pays et démontrer l’utilité de la France ? Ce plan machiavélique est une parfaite définition de l’impérialisme français et de la Françafrique quel que soit le régime politique en France . Il a été théorisé par le général De Gaulle cf accords de défense militaire, création d’ELF avec Foccart, Pasqua etc .

 

           2 . Le paradoxe français   

 

     Au lieu de reconnaître purement et simplement son échec militaire en Centrafrique au travers de la mission Sangaris, la France s’enferme dans des explications à dormir debout :

-les avions de chasse basés au Tchad peuvent intervenir en trente minutes

-des drones seront envoyés pour renforcer le renseignement

-la mission Sangaris est retirée pour renforcer l’opération Sentinelle sur le sol français . L’utilité de Sentinelle est mise en doute par les experts …

-the last but not the least : les trois cent cinquante soldats restants font former les Forces Armées Centrafricaines ( FACA ) ! L’attitude de la France laisse perplexe à plus d’un titre . Outre le fait qu’on ne voit pas très bien pourquoi trois cent cinquante hommes vont réussir là où deux mille cinq cents autres ont échoué lamentablement avec du matériel hight tech, ce repli tactique français n’est-il pas là pour faire retomber la pression internationale relatives aux abus sexuels exercés par ses hommes sur des mineurs centrafricains ?  N’est-ce pas soustraire ces violeurs à la justice que de les ramener au bercail où ils vont pouvoir embrasser leurs enfants après avoir violé ceux des autres ?

    Pourquoi envoyer des drones à la place de superdrones pilotés que sont les Puma, Gazelle et autres Fennec, fleurons de l’industrie de guerre française ?

    Comment former les FACA en rapatriant massivement le matériel envoyé en Centrafrique ? L’axe Bangui-Douala est embouteillé nuit et jour de camions militaires français alors que la ville de Bangui compte encore vingt et un (21 ) sites de réfugiés .  Quelles populations centrafricaines la mission Sangaris était-elle censée protéger primitivement ? Question subsidiaire : combien d’années faut-il pour former une armée nationale ? Sangaris est restée trois ans en Centrafrique !

 

     Comme le disait si bien Seignebos, je ne peux que « me répéter ou me contredire » . Alors je le répète : la France ne sortira de son ambiguïté en Centrafrique qu’à son détriment . Après avoir utilisé un faux nez ( Misca, Résolution de l’ONU, Minusca ), elle se défile sur la pointe des pieds, tout en restant là sans donner les vrais moyens au pays pour se défendre et envisager un réel développement . La réunion des bailleurs à Bruxelles est tout indiquée pour que la France montre de quoi elle est capable .

     Mais il se murmure déjà à Bangui que les drones français ne serviraient qu’à surveiller les sites économiques centrafricains les plus intéressants …

 

La suite au prochain numéro .

                                                       Le 31 Octobre 2016

                                                       David KOULAYOM-MASSEYO .