IMPRESSIONS DE BANGUI
Sous cette rubrique, je
souhaite décliner mes impressions après mon récent séjour au pays . Ces impressions seront malheureusement
limitées à Bangui car pour des raisons indépendantes de ma volonté ( insécurité,
rackets ), je n’ai pu me rendre dans l’arrière-pays pour m’incliner devant les
tombes de mes parents et prendre le pouls réel du pays .
I . Bienvenue à
Bangui !
Fouler le sol
centrafricain m’a toujours procuré les sensations les plus extraordinaires .
C’est ce que je m’apprête à faire ce jour de juillet 2016 dans une chaleur moite
qui colle les habits à la peau . Je n’ai pas sorti un appareil photographique ni
un téléphone . Bien m’a pris …
C’est en arrivant à
Bangui que je vais comprendre pourquoi notre avion était rempli de vieux blancs
décatis ou de très jeunes comme ces Italiens volubiles et sympathiques . Un
jeune compatriote m’aborde et me montre d’un geste ample « un pays vierge » à travers le
hublot . Il a sorti sa perche, l’a ajustée à son téléphone et a commencé à
filmer depuis le haut de l’échelle de coupée encombrée de Centrafricains en
gilets fluo . Arrivé au bas de l’échelle un des hommes en fluo à l’identité
indéterminée ( policiers, douaniers, FACA en civil ou simples agents ?) lui
lance d’un ton courroucé :
-Il est interdit de
photographier les installations aéroportuaires !
A quoi notre jeune
homme a répondu tranquillement :
-Je suis Centrafricain
Que n’a-t-il pas dit
là ?
-Justement, si vous
êtes Centrafricain, vous devriez le savoir ! lui rétorque vertement l’homme
en fluo .
-Bienvenue à Bangui,
lui dis-je in petto, en guise de
consolation devant l’air furibard de l’homme fluoré .
Cette interdiction qui
remonte au temps du mégalomaniaque Bokassa n’est toujours pas levée en
Centrafrique . Elle doit faire rire des générations de voyageurs qui débarquent
à Bangui en provenance de JFK, de Roissy, d’Addis Abéba et récemment de Yaoundé
. L’aéroport de Bangui est un ensemble de hangars et de baraquements épars, qui
ne suscitent d’intérêt que chez les nostalgiques . D’ailleurs au temps de Google
maps, cette interdiction n’a absolument plus de sens sauf à démontrer par
l’absurde l’attachement du peuple centrafricain aux délires de
Bokassa …
En colonne par deux, nous
progressons sous le cagnard centrafricain pour atteindre enfin les bureaux . Des
fiches d’enregistrement nous ont été préalablement distribuées dans les
rangs : nous les remplissons tant bien que mal en marchant .
Le premier guichet est
occupé par une petite dame en blouse blanche qui enjoint uniquement aux
Centrafricains de présenter leurs carnets de vaccinations et confisque derechef nos passeports . Pour les récupérer, ceux
qui ne sont pas à jour de leurs vaccinations et notamment de la fièvre jaune
doivent le faire à l’aéroport même moyennant la somme de 5000 francs CFA . Des
protestations ont fusé de toutes parts : d’une infirmière, d’un homme
(probablement juriste qui asséné des arguments juridiques pour refuser une
vaccination ), du jeune compatriote qui avait eu maille à partir avec l’homme en
fluo et de moi . Ni l’ambassade de Centrafrique en France, ni les réseaux
sociaux ne nous ont alerté sur une quelconque épidémie de fièvre jaune en
Centrafrique ! Pour couper court aux discussions oiseuses, je décide de me
laisser vacciner même dans ces conditions douteuses car nos valises sont en
train d’arriver de l’autre côté de la cloison . Après quoi, c’est avec un large
sourire que la petite dame en blouse me rend mon passeport et me prie d’aller
prendre mes valises . Cette triste histoire de vaccins à écouler a généré tant
de désordres que personne d’autre ne s’est préoccupé de ramasser ma fiche :
résultat, je suis rentré clandestinement en RCA sans laisser de trace .
Ah, j’oubliais :
le jeune compatriote dont j’ai relaté les déboires est un sous-officier FACA
de retour de formation .
Le bordel ( pardon,
mais quels autres mots employés ?) dans la salle exiguë où arrivent les
bagages est indescriptible : tous les corps habillés sont là en plus des
centaines de voyageurs qui débarquent . Certains sont armés . D’autres pas . Des
civils donnent des ordres aux militaires et vice versa . La cohue est à son
comble . Les bagages sont fouillés et refouillés . Il est extrêmement difficile
de déplacer le moindre chariot . La foule est compacte . On suffoque . Vivement
que je sorte de cette fournaise . Mais non, le dernier douanier en civil me
renvoie illico vers sa collègue en
tenue malgré les marques fraîches de craie blanche laissées par cette dernière
sur ma valise !
En guise de conclusion
à ce numéro 1 des IMPRESSIONS DE BANGUI consacrées à l’arrivée à Bangui, je
dirais qu’un aéroport est la première porte d’entrée dans un pays quand on
arrive par avion . Il est aussi le reflet de l’ordre ou du désordre qui règnent
dans ce pays . A cet égard, ce qui se passe à Bangui M’Poko est éloquent .
Mais il n’est pas tard
pour y remédier .
La suite au prochain
numéro.
Le
13 Septembre 2016
David
KOULAYOM-MASSEYO.