L’Afrique
en 2017: la Centrafrique, de mal en pis (4)
Le
début de l’année 2016 avait laissé quelques espoirs en Centrafrique.
Aujourd'hui, on déchante à Bangui.
Par
Aza
Boukhris - mondafrique.com 12
janvier 2017
Voici
douze mois, la Transition présidée par Catherine Samba-Panza, commencée le 10
janvier 2014, se terminait avec soulagement pour les Centrafricains, tant les
mauvaises pratiques financières, le népotisme exacerbé et le clientélisme sans
vergogne avaient totalement ruiné le crédit de « Maman Cathy »,
bénéficiant d’un soutien inébranlable et inconsidéré du Quai
d’Orsay.
« La
mangeoire », encore et toujours
Dans
un pays où l’Etat ne contrôle plus qu’une faible partie du territoire, où les
registres de l’état-civil ont souvent été détruits, notamment pour les 30 % de
citoyens devenus des réfugiés à l’étranger ou déplacés dans des camps à
l’intérieur du pays, où l’Autorité nationale des élections a très peu de moyens
humains et financiers pour mettre en œuvre le processus électoral, où la
centaine de partis politiques sont des clubs de supporters à base ethnique, on
était en droit d’attendre que les élections présidentielle et législatives
soient très contestées.
Afin
d’éviter le chaos, tous les acteurs politiques, la société civile et tous les
partenaires techniques et financiers ont fermé pudiquement les yeux sur ces
élections. Faustin-Archange Touadera, ancien premier ministre de François Bozizé
(2008-2013), est donc devenu le nouveau président de la République, avec près de
63 % des voix, rattrapant miraculeusement son retard du premier tour sur son
challenger Anicet-Georges Dologuélé. De même, les interminables élections des
140 députés, n’avaient que de lointains rapports avec les normes internationales
des élections. Karim Meckassoua, ancien cacique de l’ère Bozizé et caution
musulmane, est devenu président de l’Assemblée nationale et deuxième personnage
du pays.
Evidement
leurs anciens collaborateurs, de nombreux anciens ministres du général-président
ont retrouvé leur place à la « mangeoire » dans une certaine
indifférence des Centrafricains désabusés et des partenaires étrangers, qui ont
toujours pris le parti de soutenir, coûte que coûte, le locataire du Palais de
la Renaissance.
L’impunité
absolue
Depuis
l’investiture du président Touadera, le 30 mars 2016, rien n’a été fait pour
reconstituer une chaîne pénale. Les discours se succèdent aux discours. La Cour
Pénale Spéciale devait être constituée en 2016, ses membres ne sont toujours pas
nommés. Seules 8 prisons sur 35 fonctionnent et les évasions sont incessantes.
Les tribunaux dans l’arrière-pays sont délabrés. A Bangui on ne juge que le menu
fretin. Aucun chef anti balaka et aucun seigneur de la guerre de l’ex Séléka
n’ont été arrêtés. Les criminels de sang et prédateurs économiques ont toujours
pignons sur rue. Jean-Francis Bozizé, pourtant sous mandat d’arrêt international
est revenu à Bangui en toute quiétude.
Les
crimes économiques de la Transition de Catherine Samba-Panza ne sont même pas à
l’agenda d’une Cour des Comptes moribonde. Les trafics de drogues, d’armes et
d’êtres humains sont florissants. Les « diamants du sang » alimentent
les places d’Anvers et de Dubaï, avec des Centrafricains, bien connus, à la tête
de ces réseaux mafieux qui passent respectivement par le Cameroun et le Soudan.
Les sites miniers sont contrôlés par les rébellions bénéficiant de complicités
politiques. Pendant ce temps-là, la population souffre d’un déficit alimentaire
croissant et ne survit que grâce aux ONG et aux structures humanitaires
onusiennes qui estiment que 70 % de la population vit en insécurité
alimentaire.
Un
quasi protectorat
N’ayant
pas la masse critique pour être un Etat souverain, la Centrafrique est devenu un
quasi protectorat. Elle est liée à la CEMAC pour les questions monétaires et à
la Minusca pour la sécurisation du territoire et notamment la protection des
convois sur les principales pistes du pays. La fin de l’Opération Sangaris, qui
aura duré 3 ans au lieu de plusieurs mois, ne signifie pour autant la fin de
l’action tutélaire de la France. Avec l’évaporation des faibles recettes
fiscales, souvent détournées, seuls les financements du FMI, de l’Union
européenne et de quelques pays amis permettent de payer les fonctionnaires et de
faire vivre le petit millier de « cherche à manger » de Bangui,
composés des innombrables conseillers du gouvernement et de la présidence et
peuplant les Hauts conseils, Comités et comités ad hoc, créés dès qu’un problème
surgit. Les services sociaux tels que ceux de l’éducation ou de la santé sont
confiés aux Ong nationales et internationales. Ce statut de quasi protectorat a
été confirmé avec les espoirs mis dans la Table ronde de Bruxelles de décembre
2016 et l’enthousiasme qui a suivi les annonces qui vont creuser un peu plus la
dette abyssale du pays. Il ne reste que les apparences d’un Etat, avec un
président de la république qui multiplie les voyages à l’étranger et des
ministres utilisant avec gourmandise les attributs du
pouvoir.
L’Eglise,
ultime recours
Avec
cette situation dégradée marquée par l’immobilisme coupable des pouvoirs
publics, exécutif et législatif confondus, il est à craindre que la Centrafrique
ne devienne le hub des rébellions d’Afrique centrale et alimente davantage les
flux migratoires notamment vers le Cameroun et le Tchad. La seule lueur d’espoir
est la nomination du cardinal Dieudonné Nzapalainga, qui est l’une des rares
autorités morales à écouter la détresse des Centrafricains et à leur donner une
espérance dans l’avenir.
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