AFASPA
Association
Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples
d’Afrique
vendredi 2 novembre
2018
L’Arnaque
de la France coloniale en Kanaky
Jouer
la montre, c’est la méthode employée par la France pour maintenir sa mainmise
politique, économique et culturelle sur La Nouvelle Calédonie où les troupes de
Napoléon III ont mis les pieds en 1853 et annexé le « cailloux ». Les
accords de Matignon de 1988 prévoyaient un référendum en 1998 reporté, cette
année là, de 10 ans par les accords de Nouméa.
C’est
donc 58 ans après le vote de la résolution 1514 de l’Assemblée générale des
Nations Unies, sur « le droit à l’indépendance des peuples et des pays
coloniaux », l’État français met en œuvre sa nouvelle version de
confiscation de l’autodétermination des peuples qu’il a colonisés, différente de
celle utilisée aux Comores en 1975. Grâce à sa colonisation de peuplement, des
ressortissants du peuple du pays colonisateur et des communautés régionales
« installées » pour travailler dans les mines, pourront s’exprimer sur
le devenir du peuple et du pays Kanak !
Depuis
la modification de la loi en 2018, les électeurs ayant le statut de « droit
coutumier » ne représentent que 39%. Sur la population totale de
268 700 habitants, le collège électoral est de 210 105 personnes dont
174 000 sont appelées à voter lors du référendum. C’est donc la
quasi-totalité des électeurs présents qui pourront s’exprimer. Mina Kherfi,
militante de la cause kanake ne décolère pas : « Ils ont truffé
la liste électorale de métropolitains récemment arrivés, au-delà de ceux admis
par le FLNKS dans les accords de Matignon et de Nouméa. Aucun des recours
engagés par les indépendantistes pour dénoncer des cas flagrants n’a abouti. La
France est juge et partie dans l’affaire ».
Ce
19 septembre à la Bourse du Travail de Paris, devant une assemblée de nombreux
militants, André Forest président du l’USTKE (Union syndicale des travailleurs
kanak et des exploités) rappelle les nombreux soulèvements populaires qui ont eu
lieu entre 1917 et 1980 contre sa situation de domination et de marginalisation.
Il dénonce la nouvelle manipulation des listes électorales où manquent nombre de
Kanaks alors que des Français nouvellement arrivés y figurent. En 1983 quand
l’idée d’un référendum est évoquée les indépendantistes ont accepté le vote pour
les descendants des bagnards, de leurs gardiens et des agriculteurs des
premières colonies de peuplement. Aujourd’hui d’extension en extension, le
peuple colonisé est devenu minoritaire. La composition des parties appelées à
négocier induit déjà le compromis final : Indépendantistes
- Loyalistes - État français (qui se prétend l’arbitre). Si les
indépendantistes sont représentés dans les instances mises en place dans les
accords de 1988 et 2018, ils y sont minoritaires. André Forest dénonce la
tentative d’assimilation. « L’acculturation est la question cruciale pour
dissoudre les Kanaks dans un peuple calédonien. Or l’identité de notre peuple
est importante, elle traverse toute notre vie ». Rock Haocas, du Parti
Travailliste évoque la déshérence des jeunes dont seulement 3% disposent d’un
diplôme supérieur. Ceux qui viennent se former en France ne trouvent que des
emplois d’exécution à leur retour. Il dénonce le manque de visibilité des Kanaks
dans la fonction publique, les entreprises de transport locales sont éliminées
dans les zones portuaires, la paupérisation particulièrement importante dans les
îles où ils sont majoritaires. Quant aux trois usines du sud, elles rejettent
leurs acides dans le lagon classé au patrimoine de
l’Humanité.
Le
peuplement, un classique de la colonisation Pierre Mesmer, un expert du genre,
dans sa circulaire de 1972 donnait des instructions claires au haut-commissaire
en Nouvelle-Calédonie : « faire du blanc ». Aujourd’hui les
Kanaks représentent 39,05% de la population (contre 44% en 1996), les européens
27,241%, les populations océaniennes de Wallis-et-Futuna 8,16%, de Tahiti,
d’Indonésie, du Viet Nam et du Vanuatu 5,43% les autres ou non déclarées
20,14%.
Après
avoir ajourné la tenu du référendum d’une dizaine d’années Le tour est joué, à
la notion de droit du peuple colonisé à s’autodéterminer, la France coloniale
substitue la notion de droit du peuple calédonien à s’exprimer. Le FLNKS qui a
signé les accords n’en remet pas en cause les applications pernicieuses.
Compte-t-il sur la clause étonnante de la tenue possible de deux autres scrutins
à deux ans d’intervalle si les 2/3 des membres du Congrès de la Nouvelle
Calédonie le réclament dans le cas du rejet de la « pleine
souveraineté » lors de ce scrutin ? Pour leur part, l’USTKE et PT
appellent à l’abstention... La division affaiblit indiscutablement le mouvement
indépendantiste, mais les militants assurent que la lutte ne s’arrêtera pas le 4
novembre 2018.
Michèle
Decaster