L'échec de la
démocratie représentative en Centrafrique.
Dans un précédent
article, nous avions mis en avant le concept de préférence qui exprime « la
capacité, pour un individu, à ordonner l'ensemble de ses choix possibles, en
fonction de leur utilité croissante ou décroissante »
(1).
Le journal
centrafricain Corbeau News vient de prendre une initiative qui illustre ce
concept. Il a ainsi noté l'ensemble des membres du gouvernement du
Premier-ministre Simplice Sarandji. Bien que les critères généraux et
analytiques de cette évaluation n'aient pas été objectivement explicités, on en
tirera les conclusions ci-après :
-
huit membres du
gouvernement sur 24 obtiennent une note égale ou supérieure à 10 sur 20, soit un
tiers seulement de la classe ;
-
le total de toutes les
notes attribuées, rapporté sur le nombre des ministres du gouvernement,
s'établit à 8,25 sur 20, soit une appréciation globale
médiocre ;
-
les ministres régaliens
(défense, affaires étrangères, finances) ou ceux des priorités sociales
(éducation, santé publique, énergie, mines, etc.) sont les plus mal notés, à la
limite de la note éliminatoire de 6 ;
-
le chef du
gouvernement, Simplice Sarandji, arrive péniblement au 15ème rang de ce
classement, avec une note de 7 sur 20 ;
-
la note la plus élevée est celle attribuée au
ministre de l'économie nationale et du plan, qui s'élève à 13,5 ; elle ne
tutoie pas l'excellence.
Bien entendu,
l'exercice du journal Corbeau News est un acte gratuit, qui ne porte pas à
conséquence. On voit mal en effet le chef de l'Etat centrafricain remanier son
« gouvernement de remerciement » à partir de cet exercice de style.
Cependant, cette initiative est une réponse, parmi d'autres possibles, à la
crise que traverse la démocratie représentative partout dans le monde, en
particulier en Centrafrique, et qui exprime la défiance des peuples vis-à-vis de
leurs élites, ou entérine le divorce entre gouvernants et
gouvernés.
On assiste donc depuis
quelque temps à la multiplication des propositions pour renouveler le
genre.
Ici, certains
préconisent la mise en place d'un 49-3 citoyen, c'est-à-dire la capacité pour
une proportion élevée de citoyens à dénoncer un projet de loi ou une mesure
gouvernementale.
Là, d'autres proposent
l'adoption d'un référendum récusatoire, qui viserait à soumettre à intervalles
réguliers, le mandat du gouvernement ou des députés, à la validation du corps
électoral.
D'autres encore
recommandent le tirage au sort des citoyens qui auraient la mission de la
représentation parlementaire, à l'exemple des jurés d'assises (2).
Enfin, surfant sur la
vague de la « démocratie numérique », à travers l'essor des réseaux
sociaux, les derniers contempteurs de la démocratie représentative envisagent de
soumettre toute proposition de loi à l'arbitrage direct des citoyens, désormais
« électeurs électroniques », la i-démocratie. Ce dispositif viendrait
compléter le système de votation suisse ou référendum d'initiative
populaire.
Pour de multiples
raisons, la démocratie représentative est bien malade. En Centrafrique, elle
n'existe plus, assassinée par la médiocrité, la corruption et l'impunité
(3).
Une voie de
régénération consisterait à adopter le concept de préférence pour le choix des
responsables politiques. Chaque électeur classerait l'ensemble des candidats
selon un ordre décroissant en
fonction de ses préférences personnelles propres. Serait désigné le candidat le
mieux classé en première position. On éviterait ainsi les débats partisans et
les promesses évanescentes si vite reniées.
Paris, le 07 mai
2017
Prosper
INDO
Economiste,
Président du
CNR.
1 – Prosper INDO :
Analyse économique de la crise politique en Centrafrique, in Sangonet du 27
février 2017.
2 – Cette proposition
est à rapprocher de la décision du nouveau président du Ghana qui a formé un
gouvernement de 101 ministres, justifiant cette mesure par la multiplicité des
priorités à conduire dans son pays. Tous ministres ? Il s'agit en réalité
d'une stratégie politique visant à inclure les représentants de tous les clans
et groupes ethniques dans une vaste coalition afin d'exclure personne du
mécanisme de confiscation et de redistribution des rentes économiques
nationales. C'est moins un acte démocratique qu'une négation de la démocratie,
une déviante de la démocratie représentative.
3 – De ces trois maux,
l'impunité est la pire lorsqu'elle permet le retour de criminels notoires dans
les arcanes du pouvoir, au sein des institutions de la République, en
particulier sous la bannière des agences des Nations Unies en
Centrafrique