LA RCA ET LES ELECTIONS : quel avenir ?

« Il vaut mieux une mauvaise élection qu’une transition chancelante. »

Idriss DEBY ITNO, Président du Tchad, Paris 5 octobre 2015.

 

Les élections législatives partielles du 15 mai 2016 viennent de mettre un terme à la plus longue séquence électorale de l’histoire politique de notre pays. Ce furent les élections les plus incertaines (reportées huit fois) et les plus chères (alors que l’objectif était d’en réduire les coûts) pour les organisateurs (Pouvoirs publics, ANE, Contributeurs) et pour les candidats (tous scrutins réunis) depuis 1981.

A titre personnel, et en tant que Secrétaire Général du Rassemblement Démocratique Centrafricain (RDC), c’est un satisfecit. Nous avons entre 2011 et 2015, gagné  près de 100.000 nouveaux électeurs. Passant de 51.469 voix pour notre candidat à la présidentielle de 2011 à 135.198 voix pour celui de 2015. La 3ème place de Désiré Nzanga Bilal KOLINGBA à la présidentielle du 30 décembre 2015 est un investissement pour l’avenir, un pari pour la renaissance de la République Centrafricaine. D’un député en 2011, le Rassemblement Démocratique Centrafricain est aujourd’hui à 10 élus. C’est le fruit du travail de restructuration du parti entrepris depuis son 4ème Congrès Ordinaire en février 2015. Beaucoup reste à faire, nous y travaillons.

Une affaire centrafricaine

Le financement du cycle électoral qui s’achève, a mis en évidence la faiblesse de la planification nationale. Bien qu’ayant toujours été partiellement subventionné par des contributions externes, le cycle finissant a connu de nombreuses interférences à cause de la faible contribution financière nationale d’une part et la persistance de la crise d’autre part. Ainsi, la biométrie fut abandonnée pour faire des économies et de nombreuses dérogations au code électoral autorisées pour que le délai imparti et ultimement prorogé de la transition, englobe l’organisation effective des élections. Se pose dès maintenant et avec acuité, la question du financement des prochaines consultations électorales avant la fin du quinquennat en cours : Municipales, Régionales et Sénatoriales. Et, au terme de celles-ci, le financement des prochaines élections législatives et Présidentielles de 2021. S’inspirant des limites du processus finissant et des difficultés connues, nous devons, dès maintenant, pouvoirs publics, partis politiques et forces vives, concevoir ensemble un mécanisme financier couvrant le quinquennat dont l’objectif est de faire avant tout, des élections, une affaire centrafricaine.

 

Consolider la démocratie

Bien qu’étant l’une des nations africaines ayant organisé le plus grand nombre de consultations électorales depuis l’indépendance, la consolidation de la démocratie centrafricaine demeure avec la Restauration de la République et son corollaire ; la Réunification territoriale, l’un des plus grands défis auxquels nous sommes appelés à répondre durant ce quinquennat.

1.                  Relire le code électoral :

Pour répondre à des exigences multiformes, le législateur transitoire, sur motivation de l’exécutif a procédé plusieurs fois à la relecture du code électoral et plusieurs dérogations furent adoptées. La consolidation de la démocratie voudrait que ces dérogations soient rapidement suspendues et l’esprit du code initial, rétabli. C’est le prix à payer pour organiser à l’avenir, des élections presque parfaites, gages de stabilité car l’exception ne saurait demeurer ad vitam aeternam, une normalité centrafricaine.

2.                  Revoir la Taille de l’Autorité Nationale des Elections :

Sept personnes ont eu la charge d’organiser le cycle électoral qui s’achève. Les difficultés d’organisation, en dehors du chapitre financier, proviennent de l’insuffisance de l’effectif. L’avenir serein des élections dans notre pays passe obligatoirement par l’augmentation de l’effectif des commissaires de l’ANE et sa véritable autonomie financière.

3.                  Elaborer un nouveau Cadre de Concertation :

Le cycle électoral qui s’achève a mis en lumière, le naufrage des « partis politiques sac-à-main », la mort des associations et plateformes politiques, l’émergence de nouvelles structures et l’expansion quasi-industrielle des Indépendants. Ces résultats appellent à la mise en place d’une nouvelle carte du Cadre de Concertation. C’est un impératif catégorique et une exigence démocratique. La mise en place de cette carte doit être précédée par la modification de la loi organique sur les partis politiques, celle de 1991 se relevant inadaptée au contexte présent.

 

Créer un équilibre politique

Les dernières élections municipales connues en Centrafrique remontent à l’époque du parti unique multi-tendanciel à la fin des années 80. Presque trente années plus tard, les maires et les conseils municipaux sont toujours nommés. La « délégation spéciale » est une anomalie démocratique et une incohérence pour une nation qui se veut du 21ème siècle. Nous devons, au cours de ce quinquennat, jetés les bases du Centrafrique moderne d’une part et transférer une partie des prérogatives Banguissoises aux collectivités territoriales. Dès lors, l’organisation des élections municipales, régionales et sénatoriales à mi-mandat au plus tard devient une obligation à laquelle nous devons répondre. En effet, la nature « existentielle » de la crise centrafricaine exige que nous reprenions tout à la base.

1.                  Légiférer :

Muets sur les critères d’éligibilité pour les municipales, régionales et sénatoriales, la relecture de la constitution et du code électoral par voie parlementaire pour y inclure les dispositions nécessaires à l’organisation de ces scrutins ainsi que le bon fonctionnement des institutions qui en découleront, est la première étape du processus de la création d’un équilibre politique entre Bangui et les régions d’une part et les forces vives de la nation d’autre part.

 

2.                  Elections Municipales et Régionales puis Sénatoriales :

Organisées au même moment, elles auront l’avantage d’inclure les collectivités territoriales dans le processus de « Renaissance » du Centrafrique. A mi-mandat, elles permettront d’aérer la démocratie, de servir de baromètre et d’insuffler une dynamique nouvelle.

3.                  Un scrutin, un découpage…exit le cumul des mandats :

a.                  Régionales :

Ø    Deux Conseillers Régionaux par sous-préfecture ;

Ø    Deux par arrondissement de Bangui ;

a.                  Sénatoriales :

Ø    Quatre Sénateurs par préfecture ;

Ø    Un par arrondissement de Bangui ;

                   

 

Conclusion 

Au-delà de nos divergences d’opinion, de contingences politique et/ou religieuse ; pris collectivement, notre ultime défi est de faire que du chaos post-mars 2013, émerge un Centrafrique nouveau. L’unique voie est de faire entrer notre pays dans le 21ème siècle en l’édifiant et en lui accordant les institutions adaptées d’une part à son histoire, ses crises et  l’espérance de ses populations d’autre part.

La période post-transition constitue une période charnière pour que du chaos, un soleil nouveau puisse briller sur nos populations. Période charnière pour que de la désolation, une espérance nouvelle mobilise l’énergie des filles et fils du Centrafrique aux quatre coins de la République et du monde à son édification. Période charnière pour que le « Plus Jamais ça » devienne enfin une réalité centrafricaine.

Travaillons-y !

 

 

 

Bangui, 20 mai 2016

 

 

Clément DE-BOUTET M’BAMBA

Secrétaire Général par intérim

du Rassemblement Démocratique Centrafricain