LE SYNDROME MATALAKI

    C’est une question posée par un religieux, le père Aurélio Gazzera, suite à l’attaque de la ville de Bocaranga qui a inspiré cet article . la question est : « comment est-il possible que soixante personnes terrorisent la ville de quinze mille habitants ( sans compter les déplacés ) ? »

      1 . Un rapport implacable

   Les messages du père et des sœurs de la mission de Bocaranga sont un concentré de vérité, de douleurs, d’ouverture d’esprit, de piété . Ils sont accablants pour la Minusca . Il faut les transférer dare-dare au Secrétaire Général de l’ONU car ils remplacent TOUS les rapports fallacieux, tendancieux et spécieux reçus jusque là par cette institution de la part de ses représentants en RCA . Alors que la Minusca et son scribe en chef Monteiro nous  endorment à longueur de journée avec des communiqués insipides, redondants et finalement lassants (la Minusca déplore, la Minusca regrette, la Minusca dénonce, la Minusca met en garde…), que son représentant à Bocaranga s’excuse de ne pas connaître qui est qui, qui est rebelle, qui est civil…les religieux osent parler de « peuple martyrisé » par des malfrats . Mieux, ils nomment les fauteurs de troubles à Bocaranga : « les Bororos » dit une religieuse, témoin oculaire, celle à qui l’un des assaillants a intimé l’ordre de rentrer . De la fenêtre, elle a assisté aux quatre heures de calvaire des habitants de  Bocaranga . « Les soldats de la Minusca n’ont pas bougé le petit doigt pour venir au secours de la population » conclue-t-elle amèrement . Pour ces courageux religieux, le représentant de la Minisca à Bocaranga profère des « paroles vides ». C’est tout dire …La méconnaissance des réalités sociologiques et anthropologiques centrafricaines, ajoutée à la couardise légendaire de la Minusca ont causé la désolation à Bocaranga . Pourquoi envoyer un contingent inapte à Bocaranga, une petite ville que l’on peut traverser en voiture en moins de quinze minutes ? Où se sont terrées ces troupes pour ne pas entendre les détonations pendant quatre heures ? Que dit le Représentant Spécial devant l’inaction et/ou la connivence de ses hommes ? Va-t-il continuer à les maintenir hypocritement et inutilement à Bocaranga ? Les députés de Bocaranga ( Ziguélé et Doléguélé ) savent ce qui leur reste à faire pour sauver leurs électeurs ! L’heure n’est plus aux négociations, aux conciliabules et à la diplomatie des petits pas . Qu’ils répondent à la question du prélat !

      2 . Quelles solutions ?

    L’interpellation des deux députés les plus en vue de Bocaranga ne doit pas exonérer les autres députés à travers tout le pays et par extension tous les Centrafricains . L’arbre ne doit pas cacher la forêt . Qu’une bande de soixante malfaiteurs sèment tranquillement la terreur pendant quatre heures, tuant, blessant, pillant, incendiant…avant de repartir tout aussi tranquillement avec son butin interroge chaque Centrafricaine, chaque Centrafricain sur notre centrafricanité . Quel peuple sommes-nous pour laisser des bandits apatrides, des mercenaires rentrer régulièrement dans nos foyers pour égorger nos femmes, nos enfants, nos voisins, parfois avec notre complicité ?

    La chanson éponyme Matalaki du grand auteur compositeur s’est imposée à moi comme une première esquisse possible de réponse .  Soit Matalaki, père de six enfants qui passe sa vie en revue et qui constate qu’il est allé de déboires en désillusions . Il pense au suicide . Oui mais qui va s’occuper de ses six enfants ? Alors il renonce au suicide et s’en remet à Dieu . L’espoir doit être le dernier à mourir . Voila ce que nous sommes . Ou croyons être et le poète nous a bien percés à jour .

    Puisque nous ne savons pas où nous allons, arrêtons-nous un instant et retournons-nous pour considérer le chemin parcouru . Faisons un bilan d’étape . Sollicitons l’histoire récente de notre pays . Elle nous apprendra que nos ancêtres Bangassou, Mopoï, Krikri, Yandzéké, Zaorollim, Tétimbou et Karinou pour le plus connu d’entre eux ont également affronté d’autres dangers dont l’impérialisme français . Karinou et ses alliés de l’ouest centrafricain ( Pana, Talé, Gongué, Gbaya, Lakka, Mboum…) ont tenu en échec pendant plus de trois ans l’armée française et ses supplétifs . Les grottes de Bouar, Bocaranga et Bozoum s’en souviennent encore : elles faisaient partie intégrante des différentes stratégies élaborées par les résistants paysans .  Comme le dit l’historien centrafricain Yarisse Zoctizoum, la guerre de Kongo-Wara a permis « un bond qualitatif » à l’histoire de la RCA . Elle a transcendé les frontières coloniales pour embraser une partie du Congo, du Cameroun, et du Tchad . La base militaire de Bouar est créée dans le dessein d’anticiper un autre éventuel soulèvement de ces populations turbulentes de l’Ouest centrafricain .

    Il faut aussi que les Centrafricains musulmans mêlent leurs voix à celle des autres pour démasquer, dénoncer et finalement combattre tous ces gangsters qui hypothèquent l’avenir de tous les fils et filles de la RCA . Que les fonctionnaires à la retraite, les jeunes diplômés, les anciens soldats de Bocaranga et d’ailleurs rejoignent leurs villages pour aider à la résistance . Les ligues d’antan contre le colonialisme, les sociétés Labi naguère très vivaces ne demandent qu’à se réveiller pour sauver un peuple en danger de mort . Cette tâche incombe à chaque individu centrafricain, où qu’il se trouve .

 

     Pour finir, chapeau bas aux religieux de Bocaranga qui se montrent plus courageux que toutes les troupes de la Minusca réunies mais royalement payées pour faire du tourisme dans cette belle région centrafricaine au doux climat . Leurs propos sont plus véridiques et leurs larmes plus sincères . L’hypocrisie onusienne en RCA doit cesser puisqu’elle est incapable de remplir la seule mission qui justifie sa présence sur le sol national : protéger les populations civiles . L’alternative est toujours simple : désarmer ou partir …

     En vérité, c’est aux Centrafricains de libérer leur pays, même sans les FACA .

 

                                                                Le 7 Février 2017

                                                                David KOULAYOM-MASSEYO .