LES ATOUTS GAGNANTS DE
TOUADERA
Tout à leur joie de
recouvrer progressivement la sérénité, tout à leur satisfaction de s'être dotés
d'un nouveau président de la République, les Centrafricains ont quasiment
enterré à la sauvette la Transition. A quoi bon ressasser un passé sombre et
douloureux. Toutes les énergies doivent dorénavant s'investir dans la
reconstruction du pays.
Mes compatriotes auraient-ils la
mémoire courte ? Même la présidente n'est plus regardée qu'à travers le
prisme des élections. En oubliant que celles-ci ont été imposées, en désespoir
de cause, par les chefs d'Etat de la CEEAC, fatigués par les atermoiements des
autorités centrafricaines.
1. PAIX
ARMEE
L'embellie que vit le pays
ne doit pas nous faire oublier qu'il est assis sur un baril de poudre. Les
observateurs centrafricains avaient écrit, dès l'annonce du retrait des troupes
françaises, que celles-ci se retiraient sans avoir accompli leur mission.
Aujourd'hui c'est le général Desportes qui abonde dans le même sens :
<< Nous quittons la Centrafrique non pas parce que la mission est remplie,
mais parce que nous n'avons plus assez de troupes et qu'il faut les projeter
ailleurs. >>
Quelles que soient les
motivations de ce retrait, il nous enseigne à d'abord compter sur nous-mêmes.
Quelles que soient les motivations de ce retrait, il fragilise la paix armée,
que le président de la République devra consolider coûte que coûte. C'est la
priorité des priorité.
Pour asseoir
définitivement la paix, Faustin Archange Touadéra bénéficie d'un atout
majeur : l'embellie qui perdure, et qui découle, me semble-t-il, d'un
concours de circonstances.
D'abord la
lassitude : née probablement d'une prise de conscience lucide de
l'absurdité de ce conflit. Pourquoi nous battons-nous comme des chiffonniers,
comme des barbares ? Pourquoi détruisons-nous notre pays comme des
vandales ? Pourquoi produisons-nous des orphelins au lieu de patates
douces ? Pourquoi fabriquons-nous des veuves quand nous ne sommes pas
capables de prendre soin de nos retraités ? Pourquoi achetons-nous des
armes quand nos enfants manquent de professeurs ? Pourquoi nous entre-tuer
quand nous sommes, à quelques exceptions près, tous des croyants
monothéistes ?
C'est dans ce contexte
de questionnement existentiel qu'est intervenue la visite du pape. Serait-il
venu si le conflit centrafricain n'avait été qu'une simple guerre civile ?
Je pose la question autrement : le pape serait-il venu s'il n'avait pas
compris que la religion était instrumentalisée dans le conflit
centrafricain ? Sa visite a conforté tous ceux qui, de plus en plus
nombreux, aspiraient à la paix, tous ceux dont les aspirations étaient étouffées
par les fracas des armes, et qui reprenaient du coup du poil de la
bête.
La présence du souverain
pontife a déminé le ciel des élections, que tous les observateurs voyaient se
couvrir de gros nuages noirs. On peut ne pas aimer les élections, mais les
interdire aurait attiré sur les fauteurs de guerre les foudres du monde
entier.
Donc une fin d'année faste
pour la RCA, qui a renoué avec la paix, grâce à une conjonction
d'événements.
J'avais peur que ces
élections ne contribuent à réveiller les vieux démons, d'une République couturée
sur toute son étendue, et sujette à des réactions épidermiques. Maintenant que
les jeux sont faits, je ne reviendrais pas sur les échanges, enrobés de boules puantes, que je mettrais sur
le compte de l'apprentissage de la démocratie.
2. LES ATOUTS
GAGNANTS DE TOUADERA
1. Le paiement régulier
des salaires. Qui n'est pas rien, dans un pays où les allocations familiales
n'existent pas, même pas pour les familles nombreuses.
2. L'absence de
casserole financière. Dans un pays où il suffit de gouverner pendant deux ans
pour en traîner quelques-unes. Les adversaires du nouveau président en étaient
réduits à le chicaner sur ses heures
supplémentaires !
3. Une discrétion
assumée.
4. L'absence d'un parti
politique, et donc d'un carcan réducteur.
5. Le ralliement de la
plupart des recalés du premier tour.
6. La profession de son
adversaire. Un paradoxe que je vais expliquer sans qu'il soit nécessaire de
refaire les élections.
Maintenant que les jeux sont
faits, il ne servirait plus à rien d'accabler Anicet Georges Dologuélé, qui peut
d'ores et déjà se consoler d'être passé premier au premier tour de la
présidentielle, en attendant de se représenter dans cinq ans. Il n'aura alors
que soixante trois ans.
Je voudrais revenir sur un
texte de Jeune Afrique, publié entre les deux tours, et qui a polarisé
l'attention des observateurs centrafricains. Ce texte de François Soudan, LE
BANQUIER ET L'INGENIEUR, est un petit bijou, non pas de désinformation ( ce
serait un comble pour le directeur de J.A. ), mais de parti pris pro-Dologuélé.
Ce n'est pas tant la prise de position que sa forme qui m'a poussé à chicaner
son auteur.
L'adversaire de
Dologuélé : le texte ne le
désigne pas nommément. Il apparaît pour ainsi dire furtivement, accidentellement
dans l'avant-dernier paragraphe, dans une phrase qui résume à elle seule une
démarche manichéenne : << Surtout, il [ Dologuélé ] a été le seul
pendant cette campagne a réellement tenir un discours de rassemblement, alors
que les partisans de son adversaire pour le second tour développent un discours
clivant sur fond de tension entre chrétiens et musulmans.
>>
Mais escamoter le visage du
challenger ne rehausse que partiellement celui du << favori >>. Pour
mieux le << présidentiabiliser >>, François Soudan va le mettre sur
un même piédestal qu'un président en exercice, << qui présente >>,
écrit-il, << un bilan social difficilement contestable.
>>
L'éloge d'un
banquier : le problème que
pose ce texte, que j'ai lu sur un site d'informations, est celui de sa
réception. Comment a-t-il été pris dans les quartiers périphériques de la
capitale et dans l'arrière-pays où sévit la misère ? Je comprends que
François Soudan souhaite, pour le développement de la Centrafrique, le meilleur
des candidats. Mais quel intérêt y a-t-il à faire, dans la maison quasi écroulée
d'un indigent, l'éloge d'un banquier ?
La Centrafrique aura besoin
de capitaux pour se reconstruire. Mais nous savons tous que les banquiers ne
donnent jamais rien sans contrepartie. Les prêts du FMI par exemple sont
toujours assortis d'une lourde conditionnalité.
Confrontés à une
misère endémique, les Centrafricains regardent généralement d'un œil soupçonneux
les banquiers, sur le dos desquels ils prennent parfois plaisir à raconter des
histoires.
Les autres textes
que Jeune Afrique a publiés sur les élections centrafricaines sont plus
objectifs, et donc conformes à son image de grand hebdomadaire
africain.
GBANDI
Anatole