Centrafrique : le miracle
n'aura pas lieu.
Ce samedi 6 août 2022,
le régime du président centrafricain Faustin-Archange Touadéra organise une
« marche pacifique » en faveur d'un projet de réforme
constitutionnelle. Cette manifestation est sensée promouvoir l'idée d'un soutien
populaire à un troisième mandat. C’est une lapalissade, un truisme, une
tautologie. La manœuvre a déjà servi, à Kigali, à Conakry ou
Abidjan.
1 – Le
contexte.
En mars 2016, un vent d'espoir s'était levé en
Centrafrique après l'élection comme président de la République de
Faustin-Archange Touadéra. Cependant, au terme de ce premier mandat, chahuté,
très chahuté, les rébellions étaient aux portes de Bangui, la capitale du pays.
Sans le monitoring des instructeurs militaires russes, les forces armées
centrafricaines (FACA) eurent été défaites.
Bien entendu, comme à leur habitude, les forces de
maintien de la paix – les Casques bleus de l'ONU – n'ont pas
bougé.
C'est donc dans des circonstances exceptionnelles que
le président sortant est réélu pour un second mandat, en mars 2021, sans qu'on
sache où il entend mener le pays, sauf à répéter inlassablement sa profession de
foi de travailler avec tout le monde, tout en faisant le contraire, replié sur
son clan familial, ses affidés et ses milices.
Un seul exemple : la nomination de Gabriel
Chantal Koyambounou comme président du Comité de suivi des recommandations du
Dialogue républicain, avec rang et prérogatives de ministre d’État à la
présidence de la République (1).
2 – La perspective d'un échec assuré.
Sous d'autres cieux, le chef de l’État aurait demandé
au premier ministre et au gouvernement, seuls responsables devant le Parlement,
d'assurer la mise en œuvre des préconisations issues du Dialogue républicain, à
charge pour le chef du gouvernement de fixer, par lettre de mission adressée à
chaque ministre, les objectifs, moyens, délais de réalisation et critères
d'évaluation, des recommandations relevant de son
département.
En nommant un Comité de suivi, Faustin-Archange
Touadéra reproduit une pratique constante, qui fait de la présidence de la
République, le distributeur automatique de « la manne céleste »
espérée des partenaires techniques et financiers de la RCA. L'échec est
assuré !
Pis ! Mû par le seul moteur du culte de la
personnalité, le président de la République vient de commettre trois erreurs
majeures :
-
la création d'une
cryptomonnaie nationale, sans consulter ses partenaires de la Communauté
économique et monétaire en Afrique centrale, lui qui se prétend
Panafricaniste ;
-
l'émission d'un mandat
d'arrêt international à l'encontre d'un journaliste étranger – camerounais –
pour offense au chef de l’État, une incrimination fallacieuse qui n'a pas sa
place dans un État de droit, pour lui qui se dit
Démocrate ;
-
le projet de réforme
constitutionnelle ou d'écriture d'une nouvelle constitution, pour briguer un
troisième mandat, lui qui se déclare Républicain.
3 – Un gouvernement à la godille et un pays à la
dérive.
Pendant ce temps, les ministres sont à la peine et
sont accusés d'escroquerie, soit en Corée du sud où il est retenu, comme le
ministre de la jeunesse, des sports et de la promotion de l'éducation citoyenne
(!), soit en Suisse comme la ministre du commerce et des petites et moyennes
entreprises.
Apparemment, ces personnalités, peu douées sans doute,
mettent en pratique la devise du ministre conseiller spécial du président de la
République : « On ne devient pas ministre pour vivre
pauvre » !
Dans le même temps, le pays est à la
dérive :
-
Bangui est en proie à des
inondations récurrentes, faute de l'assainissement et du curetage régulier des
réseaux et canalisations d'évacuation des eaux fluviales et
usées ;
-
les incendies intempestifs
des bâtiments publics, comme le Complexe sportif, don de la Yougoslavie au temps
de Bokassa, ou bien l'annexe de la centrale électrique de la capitale, en
l'absence d'une maintenance préventive et curative de tous les
instants ;
-
les prévarications,
malversations financières, sur de fausses déclarations d'évacuation sanitaire ou
de prise en charge du rapatriement des corps de nationaux décédés à
l'étranger.
En l'occurrence, tout est prétexte aux détournements
des fonds publics.
Que peut réussir Faustin-Archange Touadéra avec un
3ème mandat présidentiel qu'il n'a pu réaliser en 15 ans : cinq années
comme premier ministre du président François Bozizé (2008-2013), et deux mandats
présidentiels (2016-2021 et 2021-2026) ?
En tout état de cause, il faut se rendre à
l'évidence : le miracle du 3ème mandat n'aura pas
lieu !
Paris, le 6 juillet 2022
Prosper INDO
Économiste,
Consultant international.
(1) –
M. Koyambounou a été successivement premier ministre du président Ange Félix
Patassé et président du Contrôle général d’Etat. Cette nomination n’a d’autre
but que d’affaiblir le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC),
dirigé par le député Martin Ziguélé, dont le nouveau promu est un vice-président
en rupture de ban.