LETTRE OUVERTE A :

 

Madame Louise Mushikiwabo, Secrétaire générale de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF),

Monsieur Moussa Faki, Président de la commission de l'Union africaine (UA).

 

 

Le 24 juin 2022, à Melilla au Royaume du Maroc, 27 jeunes africains noirs ont trouvé la mort, battus et abattus par la police chérifienne. C'est un crime absolu, qui est tu, nié, enterré ! Pourtant, cette mésaventure barbare n'est pas la première. Déjà, en 2019, pareil drame est arrivé à d'autres jeunes migrants noirs africains, morts noyés en Méditerranée. Il avait inspiré une lettre ouverte à la secrétaire générale de l'OIF et au président de la Commission exécutive de l'UA. Cette adresse est demeurée lettre morte.

Nous la publions ci-dessous pour que les concernés prennent conscience de leur responsabilité et inaction.

30 Juin 2022.

 

 

Objet : La question migratoire nègre en Méditerranée est un problème africain.

 

                                                          Madame, Monsieur,

                                                      

En ce mois de juillet 2019, les événements de ces derniers jours sont une tragédie et une affliction pour tous les Africains.

Une fois encore, le ministre italien de affaires étrangères a interdit le débarquement de 135 migrants dans les ports du pays, en attente d'un accord européen de répartition. Toujours habité par son aplomb flegmatique, le président français Emmanuel Macron propose l'idée d'un « mécanisme de solidarité » entre 14 pays européens – pourquoi 14 et pas 28 ? - à condition que l'Italie ouvre ses ports et fait droit aux règles internationales de la mer.

Ce même jour, 110 migrants africains trouvent la mort au large des côtes libyennes.

En même temps, à Rouen en France, un jeune chercheur guinéen prometteur, Mamoudou Barry, est la victime d'un individu raciste, que l'on juge irresponsable. Le crime risque de rester impuni.

 

Face à ces drames, l'une et l'autre vous êtes demeurés taisant, comme si le problème était européen et ne vous concernait pas.

Votre silence est une humiliation pour les Noirs en général et pour les Africains en particulier. En effet, les migrants qui sombrent en Méditerranée sont, pour la plupart, des Africains qui fuient un continent qui ne leur offre aucune perspective d'avenir, sauf l'analphabétisme, la pauvreté, la misère et la mort.

Ils sont aujourd'hui des milliers à prendre le risque d'une traversée fatale. Demain, ils seront des millions à braver l'ignominie des traitements dégradants et inhumains en Libye, pays africain. Ces migrants, c'est de l'esprit d'entreprise en déshérence.

Pendant ce temps, les conciliabules des chefs d’État africains sont à l'image du « Conseil tenu par les rats », raconté par le moraliste français Jean de La Fontaine :

 

« Ne faut-il que délibérer,

La Cour en conseillers foisonne ;

Est-il besoin d'exécuter,

L'on ne rencontre plus personne ».

 

Tel fut le cas ce 11 juillet 2019 lorsque le président français invita la diaspora africaine à l’Élysée. Ils furent quatre cents à faire le déplacement. On délibéra doctement, sans plus (1).

A cette occasion, le président ghanéen Nana Akufo-Addo posa le meilleur diagnostic : « le destin de tous les Noirs partout dans le monde est lié à l'Afrique. Si le statut de l'Afrique s'améliore, alors votre statut s'améliorera ».

Ce mot juste, vous devez, Madame, Monsieur, le faire désormais vôtre. Il doit vous obliger à prendre le problème des migrants africains à bras le corps, et proposer à la jeunesse africaine les voies et moyens de « purger ce désir d'Europe » (2). La question migratoire nègre doit s'inscrire en tête de vos agendas respectifs, pour les mois à venir. Une grande conférence continentale sur le sujet semble un préalable, tout comme l’idée de faire de 2020 « l’année de l’immigration africaine » (3).

 

Je me permets de vous rappeler que la Conférence de l'Union africaine, qui s'est tenue à Accra au Ghana, du 1 au 3 juillet 2007, il y a déjà 12 ans, a déclaré « l'importance d'impliquer les peuples africains, dont les Africains de la Diaspora, dans le processus menant à la formation d'un gouvernement de l'Union ». Le moment est venu de joindre les actes aux paroles.

 

Dans l'intervalle, je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'assurance de ma très respectueuse et fraternelle considération.

 

Paris, le 27 juillet 2019

 

Prosper INDO

Économiste,

Consultant international.

 

(1)   – Prosper Indo : Convoqué par Emmanuel Macron à l’Elysée, le grand débat de la diaspora africaine et des afro-descendants est passé inaperçu. Paris, 13 juillet 2019. In sangonet.com

(2)   – Achille Mbembé : Vue d’Europe, l’Afrique est un grand bantoustan. In Jeune Afrique n° 3048, pp. 60-61.

(3)   – Prosper Indo : La loi sur l’asile et l’immigration en France est un leurre. Et l’Afrique dans tout cela ? Paris, 25 juin 2019. In sangonet.com