ELUCUBRATIONS
N° 5
Par
David KOULAYOM-MASSEYO
Des
syndromes centrafricains
Plus on observe la RCA, plus elle apparaît comme un pays perclus de syndromes
depuis l’indépendance jusqu’à nos jours. De fait, la « Séléka » avec
ses pratiques moyenâgeuses, ses tueries de masse, ses destructions ciblées, son
programme caché, son intégrisme rampant etc…a servi de révélateur aux maux
profonds qui minaient sourdement la société centrafricaine. Les
« Sélékistes » n’ont eu qu’à se baisser pour ramasser le pouvoir à
Bangui. Pourquoi une telle déliquescence ? Qu’est-ce qui n’a pas tourné
rond dans le pays de Boganda pour qu’une poignée d’aventuriers sans foi ni
loi s’en emparent sans coup férir en ce début du XXI ème
siècle ?
1
. Le syndrome Matalaki
Tout le monde connaît ce célèbre chanteur centrafricain qui a si bien capté la
mentalité de ses compatriotes dans sa chanson « Matalaki ». Soit un
homme (Matalaki) dépassé par les évènements de la vie et qui décide d’en finir
avec cette même vie malgré les conseils des parents, amis et religieux qui
tentent de le raisonner en lui serinant à longueur de journée la notion de
destin particulier à chaque individu. Les conseils généreux glisseront sur
notre homme…jusqu’à ce qu’il se souvienne de ses enfants qu’il ne veut pas
laisser orphelins car personne d’autre ne s’en occupera après lui . Et notre
homme de renoncer définitivement au suicide.
Cette
chanson contient tous les ingrédients constitutifs de la mentalité
centrafricaine. Elle dit clairement que l’homme centrafricain voudrait bien
accomplir des actes de bravoure, se sacrifier s’il le faut pour la bonne cause
mais qu’il n’ose pas à cause de ses responsabilités familiales. Elle révèle par
ailleurs que les liens sociaux se sont tellement délités que les orphelins
deviennent des parias aujourd’hui, alors qu’auparavant, ils n’étaient pas
abandonnés. Vus sous cet angle, les enfants apparaissent comme de parfaits
alibis pour ne pas agir et continuer de subir la vie quelle qu’elle soit .
2
. Le syndrome de Stockholm
C’est le nom donné à un phénomène psychologique où des otages (Centrafricains)
partageant longtemps la vie de leurs geôliers (Séléka ) finissent par
développer une sorte d’empathie, voire de sympathie si ce n’est d’amour
. Des nouvelles surprenantes nous
parviennent sur cette relation étrange qui pousse les victimes à collaborer avec
leurs bourreaux. Ainsi, dans
l’arrière- pays centrafricain, des « Sélékistes » désargentés, ayant
fini de tout voler en RCA et de vendre bottes, treillis et autres gadgets
militaires pour se nourrir en seraient venus à solliciter de menus travaux
domestiques auprès de la ménagère centrafricaine pour subsister. Et la femme
centrafricaine, d’abord mère, ensuite sœur et parfois copine, bref généreuse
serait ainsi en train de nourrir ses tortionnaires qui n’attendent que des jours
meilleurs pour rééditer leurs forfaits !
Jusqu’à
preuve du contraire, la terre centrafricaine reste toujours fertile et ne
demande qu’à être mise en valeur. Pourquoi ces porteurs d’armes ne lui
prouveraient-ils pas leur attachement en la défrichant pour produire de quoi se
nourrir ? Quelle meilleure preuve de leur patriotisme ? Au lieu de
quoi, les gueux continuent à s’accrocher comme des puces ou des sangsues à leurs
proies, même agonisantes. Pour combien de temps
encore ?
3
. Le syndrome de Wasa
Ce syndrome est l’exemple pédagogique illustrant un ensemble de problèmes de
communication et de gestion qui peuvent affecter un projet mal ficelé. En
l’espèce, il s’agit du vaisseau royal commandé par le roi Gustav II Adolf de
Suède qui a coulé en 1628 le jour de son lancement . Ce naufrage est le résultat
du manque de communication des responsables de la construction du navire :
les architectes hollandais obligés d’ajouter un pont supplémentaire, le
responsable des canons qui en a trop mis, le responsable du lest qui s’est
trompé et le roi lui-même qui poussait à la roue pour achever les travaux et en
imposer dans sa guerre contre la Pologne …
Ne
voyez-vous pas de similitudes entre le Wasa et la RCA ? Voilà un pays où
quand la Présidente tire à hue, le Président de l’Assemblée tire à dia .
L’exécutif pléthorique, bicéphale et familial par la seule volonté de sa
« cheffe » ne réussit même pas à coordonner ses actions . Un
«forum » est en préparation pour permettre aux Centrafricains de se parler
(enfin) et clamer ( fort) leurs doléances et voilà que le Président de
l’Assemblée transitoire se permet de rédiger seul dans son coin ce qu’il ose
appeler une Constitution au lieu de se contenter de contrôler le
gouvernement ! Littéralement, il met la charrue avant les bœufs alors qu’on
ne lui demande rien. L’ANE ( la bien nommée ) se réveille à quelques mois
des élections pour crier misère . Les multiples candidats à la
présidentielle cachent soigneusement leurs programmes comme une maladie
honteuse. Où a-t-on vu de telles pratiques donner des résultats probants ?
Après on s’étonne que la RCA coule comme le Wasa depuis l’indépendance
!
Quel médecin appeler au chevet d’une RCA ainsi percluse ? Quel messie
viendrait la libérer du joug de l’incompétence, de l’obscurantisme pour lui
permettre de jouer sa partition dans le concert des nations ? La RCA traîne
dans les bas-fonds alors qu’un petit pays comme le Rwanda, sans ressource, qui
vient de sortir des horreurs du génocide, caracole en tête des pays à forte
croissance ! Ne croyant pas un seul instant à l’Homme providentiel, je
dirai que l’avenir de la RCA appartient avant tout aux seuls CENTRAFRICAINS. A
eux de choisir ceux qu’ils estiment dignes de présider à leurs destinées. De
toute façon, la vraie transition commencera le lendemain de l’élection
présidentielle.
La
suite au prochain numéro.
PS :
Avez-vous
remarqué que la Présidente de la Transition est sortie de son bunker pour aller
promettre monts et merveilles à Ndélé ? Que son conseiller est à Paris et
sur toutes les ondes ? A quoi correspond cette soudaine agitation à la
veille des élections ? Seraient-ils déjà en campagne ? Les femmes de
Ndélé portaient des pagnes à l’effigie de CSP, dame de paix ! Wait and see
…
(26 mars 2015)