C’est
encore possible… de bâtir la République de Boganda
(1ere
partie)
Nous
commémorons aujourd'hui un évènement qui restera dans l'histoire comme le plus
regrettable que notre pays ait connu : la perte tragique du père fondateur
de notre nation, Barthelemy Boganda. Il y a 55 ans de cela en effet, ce grand
homme qui nous couvre encore aujourd'hui de son ombre symbolique fut brutalement
arraché à notre affection par un accident d’avion, avant même qu’il ait pu mener
à bien son projet de réaliser l’émancipation sociopolitique et économique de la
République Centrafricaine qu’il venait de proclamer trois mois plus tôt
(1er décembre 1958).
Cette
proclamation historique faisait briller, comme le soleil annonçant un jour
nouveau, la lumière de l'espérance aux yeux de nombreux centrafricains meurtris
qui étaient en proie à de grandes souffrances et des injustices sociales les
plus criantes de l’administration coloniale. Ce fut l’aube joyeuse sensée
marquer la fin de la longue nuit d’asservissement et de misère. Mais cette mort
brusque dont c’est le triste anniversaire ce jour apparait jusque-là comme la
fin d’un rêve voire de l’aspiration de tout un peuple au bien-être et au
progrès socioéconomique.
Car
aujourd’hui force est de constater que nous sommes loin d’être un pays que
Boganda aurait voulu construire. Aujourd’hui, force est plus que jamais de
constater que les populations centrafricaines pour lesquelles Boganda a donné sa
vie sont loin de connaitre le bonheur et la prospérité dans l’unité et la paix.
Aujourd’hui, force est de constater que les dirigeants qui se sont succédé à la
tête de l’Etat centrafricain ont failli à leur mission de construire et
maintenir un Etat à la hauteur de la vision et du combat de Boganda.
En
ce jour solennel où nous marquons cet évènement douloureux, plus de la moitié de
la population centrafricaine vit une très grande souffrance dans des situations
infrahumaines, en dehors de leurs propres maisons et de leur pays. Et la
République Centrafricaine, notre pays, vit une situation d’éclipse totale de
leadership et de faillite totale de l’Etat où les fondamentaux de souveraineté
sont tout simplement inexistants. Mais nous ne saurons croire que c’est la fin
définitive de l’aspiration de Boganda et de nos parents qui ont bravé toute
sorte d’épreuves pour que nous devenions un peuple libre et heureux qui jouisse
des nombreuses richesses dont regorge notre pays dans l’unité, la concorde et la
paix.
Il
est grand temps que nous prenions la mesure de l’urgence du moment et du risque
que nous encourons comme peuple à disparaitre, et que nous puissions réagir de
façon judicieuse pour sauver ce qui reste de notre nation. Il est plus que
jamais temps de tirer notre nation des griffes des démons de la division, la
haine, la violence et de la guerre civile qui la minent en ce moment. Il est
temps de sortir de notre pays des sables mouvants de la mauvaise gouvernance, du
népotisme, de l’incompétence au sommet, du mépris du bien commun et de
l’injustice sociale qui ont jalonné sa vie depuis les premières heures de la
disparition de notre père fondateur jusqu’à la tournure dramatique que connait
le pays au lendemain de la prise du pouvoir par les rebelles de la
Séléka.
En
ce jour solennel de commémoration de la disparition de notre père fondateur, je
viens humblement par cet écrit crier haut et fort que c’est encore possible de
bâtir la République de Boganda…
C’est
encore possible de choisir comme peuple et comme individu de permettre à la
vision, à la pensée politique, aux projets de société et aux idéaux de Boganda
de prendre corps en nous et se concrétiser dans nos choix, nos gestes et nos
actions.
C’est
encore possible de faire place à l’injonction de Boganda, « Zo Kwe Zo. Zo
Ake Zo », et reconnaitre avec notre fondateur le caractère sacré de la vie
humaine et la valeur de la vie de chacun de nos compatriotes, quelque soit leur
religion.
C’est encore possible de vivre selon
l’esprit de notre devise hérité de Boganda qui nous appelle à vivre dans
l’Unité, et de se ré-unir pour voir comment nous en sommes arrivés à nous haïr
et nous entretuer de cette manière et corriger ce qui mérite de l’être pour le
bien commun – avons-nous par hasard
fait l’objet d’une manipulation quelconque ?
C’est
encore possible de retrouver la dignité que nous avons d’une certaine manière
perdue avec ces nombreuses années de crise assortie de la paupérisation
socioéconomique et anthropologique de notre pays et notre peuple, et qui a
trouvé son paroxysme dans l’évènement Séléka et tout ce qui s’en est suivi
jusqu’aujourd’hui.
C’est
encore possible de créer les conditions d’un retour rapide à la normale où
chaque centrafricain pourrait s’atteler par un travail acharné à l’œuvre de la
reconstruction nationale et de la relance économique de notre pays qui a
quasiment tout perdu, y compris de sa souveraineté.
C’est
encore possible de bâtir un Etat digne de ce nom, un Etat de droits, où la bonne
gouvernance, la justice sociale, le respect des droits fondamentaux de l’Homme
et la promotion du bien commun prennent le dessus sur le népotisme, le
clientélisme, l’affairisme au sommet, l’inconscience et l’insouciance
gouvernementales…
C’est encore possible de mettre fin par
nous-mêmes à cette situation d’insécurité rampante et à l’excès de souffrances,
violences, afflictions et brutalités qu’on fait subir à nos populations qui ne
demandent qu’à vivre en paix et œuvrer en toute quiétude pour leur bien-être et
celui de leurs enfants.
C’est
encore possible de sauver notre pays et notre peuple. Pour paraphraser Boganda,
« sauvons la Centrafrique et la population centrafricaine maintenant. Dans
quelques mois, ce sera trop tard. »
C’est maintenant qu’il faut songer au relèvement du pays et poser des
gestes susceptibles de garantir une paix durable en
Centrafrique.
Oui !
C’est encore possible de poser les bases d’une République Centrafricaine digne
de Boganda et de son sacrifice, si chacun de nous ose poser les actes
nécessaires… maintenant.
Que
Dieu dans sa miséricorde nous prenne en grâce et nous
bénisse.
Paterne
A. Mombe SJ [31 mars 2014 01h57]