Et nous voici gros Jean comme devant !
(1)
« Une large concertation pour
trouver les voies et moyens de sortir de la crise » : c’est
la dernière pirouette de Mme
SAMBA-PANZA.
Une bonne lecture en ferait un aveu : c’est tout
comme si elle revenait sur le Forum national pour chercher à en corriger les
loupés ! On reproche en effet à l’organisation du Forum national d’avoir
omis de lui donner la dimension d’un « débat inclusif ». Et on eut
tout loisir et presque raison de voir dans la folie meurtrière qui s’est
déclenchée les 26/27/28 septembre 2015 l’intervention d’un malin génie, la main
et la signature de tous ceux qui auraient pu s’estimer écartés d’un jeu et d’un
enjeu qui les concernaient et les concernent toujours : eux aussi. Et de
brandir tout aussi vite, dans un premier temps, la thèse éculée du complot des
saboteurs des conclusions du Forum national et, par voie de conséquence, celle
du complot des ennemis de la construction du « vivre ensemble » et de l’avènement
de la paix en Centrafrique.
Il semble maintenant et dans un second temps plus juste
et plus raisonnable de se raviser et de penser qu’une concertation la plus large
possible se substituant au Forum national serait la bienvenue et qu’il
faudrait très rapidement « la mettre en musique », accorder nos
violons et gommer toutes les fausses notes et dysharmonies diverses.
Mais voilà… A ce niveau de ma réflexion, je vois se
profiler l’ombre de Sisyphe et le schéma de son supplice de condamné à une
course sans fin ou à un éternel recommencement : Sisyphe doit remonter vers
les sommets un rocher qui ne s’y
maintiendra pas, mais, bien au contraire, redescendra chaque fois dans la
plaine.
« Tout au bout de ce long effort mesuré par
l’espace sans ciel et le temps sans profondeur, le but est atteint. Sisyphe
regarde alors la pierre dévaler en quelques instants vers le monde inférieur
d’où il faudra remonter vers les sommets. » (2).
Je ne puis m’empêcher de voir dans la « large concertation » qu’on veut
ouvrir un remake des « dialogues politiques inclusifs »
que la République Centrafricaine a convoqués plusieurs fois par le passé :
avec le secret espoir d’y trouver la panacée pour se sortir de ses crises à
répétition. L’histoire de la République Centrafricaine, chaque fois, a fait la
démonstration que ce recours était inefficace et vain. Peut-être n’y avons-nous
jamais mis la manière, ni trouvé la bonne méthode pour conduire un dialogue
politique garanti du succès souhaitable au bout du parcours ! En tout état
de cause, recourir aujourd’hui au dialogue politique –même en souhaitant très
fort qu’il fût « inclusif » est une gageure à tout le moins, et une
supercherie plus surement et en toute vérité : car Mme SAMBA-PANZA au pouvoir
s’est montrée experte en diversion et en louvoiement. J’ai eu l’occasion de penser
–mais aussi d’écrire- qu’elle était une piètre joueuse de
bonneteau : « pas vu, pas pris ; et je vous
embrouille ! »
La gestion de Mme SAMBA-PANZA est de la nature du
mouvement brownien invoqué parfois en philosophie pour illustrer l’Atomisme
philosophique affirmant que l’ordre du Monde est né d’un désordre initial. En
transposant, on en viendrait à imaginer qu’à une entrée toute de confusion comme
nous apparaît la gouvernance de Mme SAMBA-PANZA répondrait une cohérence à la
sortie. Non, -hélas !-… Le Peuple est abreuvé de projets sans programmes
d’actions, quand ils ne sont pas, souvent,
immédiatement desservis par des actions contraires ou
contradictoires.
Au hasard -et pour illustrer ces
propos- :
Signalons, face
au projet et à l’engagement politique
d’instaurer la paix et la sécurité dans tout le Pays l’incohérence du
« laisser faire » et de
l’impunité accordés aux milices
armées qui tuent et poursuivent encore et toujours leur sale besogne.
En question subsidiaire : Qu’est-ce que le Pouvoir
attend pour faire aboutir les poursuites contre MM. BOZIZE, DJOTODIA et
consorts, régulièrement cités comme des menaces pour la paix et la stabilité du
Pays ?
Signalons, face
au projet politique et l’engagement de sauvegarder l’unité du Pays et de
développer le « vivre
ensemble » l’incohérence du maintien de zones ou Régions dédiées :
à BANGUI : le PK5 pour les Musulmans, les 4ième et
8ième Arrondissements
pour les Anti Balaka ; ailleurs, le Centre et le Nord sous la férule de la
Sélèka aujourd’hui avec la création des Régions militaires, en attendant de
passer demain, à l’avènement de la partition, en héritage aux descendants de
RABAH et de SENOUSSI.
Signalons que
ce Pays n’a pas le contrôle des richesses de son sol ni de son sous-sol que
nous savons complètement investies par des prédateurs sans scrupules ; que
l’exploitation de son diamant, par exemple, est l’objet de toutes les alertes et
condamnations internationales. Mme SAMBA-PANZA n’ignore pas que c’est le trafic clandestin organisé
autour du diamant centrafricain qui alimente l’armement des milices et
entretient l’état de guerre. Saura-t-on jamais pourquoi, dans un tel contexte,
elle a entrepris de demander l’assouplissement du Processus de Kimberley et de
son embargo sur le diamant de Centrafrique ?
Signalons
enfin que l’appel lancé aujourd’hui à
Sangaris pratiquement en fin de mission et à la Minusca par Mme SAMBA-PANZA pour
leur rappeler que leur mission en Centrafrique leur enjoignait de s’impliquer
effectivement dans la protection de la Population et la sécurisation du Pays
sonne comme un réveil tardif. Tout autour de Mme SAMBA-PANZA le Pays et
l’opinion internationale ont posé cette question : « Que fait la France en
Centrafrique ? » ; « Que fait l’ONU en
Centrafrique ? ». Notre Présidente de Transition donne à voir
qu’elle a vécu le temps bien trop long de son mandat en somnambule et ne semble
pas avoir enregistré qu’il était dans ses attributions d’y veiller pour vérifier
et garantir l’efficacité du partenariat constitué pour sortir la République
Centrafricaine de la crise.
Les reports successifs que nous avons connus et
connaîtront encore sont la sanction de la gestion chaotique de Mme SAMBA-PANZA
et de ses « sorties de
routes » intempestives. Elle a choisi de faire fi de la feuille de
route qui lui avait été donnée et de jouer hors-champ : plus à l’aise dans
la représentation que dans l’élaboration et l’exécution d’un projet politique
qui présente quelque cohérence. Les reports successifs, qui font s’étirer la
Transition en longueur sont encore un choix délibéré parce qu’ils lui ouvrent
une voie royale pour durer et se
maintenir le plus longtemps possible au pouvoir.
Je ne serais pas surpris si la « concertation la plus large »
souhaitée aujourd’hui se révélait comme la sollicitation d’une Nième caution populaire :
l’antidote prisé de Mme SAMBA-PANZA pour s’affranchir de toute mauvaise
conscience. La Transition, en
effet, va prendre prétexte des événements des 26/27/28 septembre 2015 –et jours
suivants- pour se donner les raisons d’une nouvelle prolongation. Et les
élections annoncées, une fois de plus, seront alors reportées aux calendes
grecques.
De ceci le Peuple centrafricain n’est point dupe. Mme
SAMBA-PANZA savourera jusqu’à plus soif les avantages d’un contrat qu’elle sait
« à durée déterminée »,
mais dont elle sait aussi que le terme effectif n’est point fixé et peut encore s’étaler
dans le temps. Et tant que n’aura pas retenti la fin de ce jeu qui n’amuse plus
qu’elle, nous voilà bien « gros Jean comme devant.»
MANDEKOUZOU-MONDJO
10/10/2015
(1) Jean de
la Fontaine : La Laitière et le pot
au lait.
(2) Albert Camus. Le mythe de Sisyphe. Essai sur
l’Absurde. Gallimard.