FLASH BACK SUR LES DEUX REPORTAGES DE France O EN CENTRAFRIQUE

 

 

   Tout à la gloire de l’armée française, le premier reportage fait par un journaliste « embedded » (embarqué) nous a permis de revisiter les lieux de nos vacances : Sibut, Dékoa, Bambari,  Ippy et Bria en coupant le son et en regardant ailleurs que de suivre le regard tendancieux du reporter qui a fini par nous agacer :

-par son simplisme : les bons blancs venus au secours des nègres cf Tintin au Congo

-par sa naïveté : il prend des enfants pour la population centrafricaine et confond leur enthousiasme avec celui de la population entière . Il ne sait pas que l’enthousiasme est l’arme des faibles par excellence .

-il ne pose pas les bonnes questions : que fait un jeune Soudanais de vingt cinq ans au cœur de la RCA ? Question subsidiaire : si le jeune Soudanais qui fait partie de la « Séléka » a failli être lynché, qu’en est-il du sort du Centrafricain lambda ?

-Pourquoi tous les chefs « Séléka » ne parlent-ils pas un traître mot de français et surtout de Sango, les deux langues officielles centrafricaines ? Se sont-ils exprimés davantage en Goula, en Rounga ou à tout le moins en Banda ou en Sara ? Non . Tous ont parlé Arabe, ce qui devrait en toute logique interpeller un bon journaliste .

Même les interprètes ne maîtrisent pas les deux langues officielles et la qualité de leur traduction en a pâti . On est dans l’approximation totale .

-La mission « Sangaris » était primitivement envoyée en Centrafrique pour désarmer les « Séléka » qui mettaient le pays à feu et à sang depuis plusieurs mois . Le reportage nous a montré des soldats français plus soucieux de désarmer les Antibalaka ( arcs, flèches, machettes, gourdins, masses, fusils déguisés-ga na pointe- piques…) que de débarrasser le sol centrafricain de lance- roquettes , de kalachnikovs, de grenades et de mitraillettes . A quoi joue Sangaris en Centrafrique ?

-Et ce ton différent en fonction des interlocuteurs ! Respectueux ( mon colonel donné aux tueurs de la « Séléka ») et condescendant s’agissant des Antibalaka et des populations locales . Tintin au Congo, on vous dit !

 

« Aujourd’hui, les Antibalaka ils sèment le trouble dans Boda, à Bangui, dans d’autres       localités et dans le pays et on va continuer à les combattre . »

                                       Général SORIANO devant le conseil musulman de Boda .  

 

  Si cela n’est pas une alliance objective, cela y ressemble beaucoup et cette alliance est faite sur le dos du peuple centrafricain .

  A Dékoa, le colonel Depuys a purement et simplement dupé les Antibalaka pour les désarmer, dévoilant au passage pour ceux qui ne l’ont pas encore compris, le double langage de Sangaris . Quand un Centrafricain lettré rappelle les liens historiques entre la France et la RCA ( seules raisons valables qui justifient l’opération Sangaris et la présence des soldats français dans sa ville), les soldats bottent en touche .

Enfin à partir de combien d’habitants doit-on parler de ville ? En France, c’est deux mille  habitants . Notre reporter a parlé des villages de Bambari et d’Ippy !

 

 

    Ce reportage complaisant est à opposer à celui réalisé sur la LRA à Obo qui a suivi . C’est le jour et la nuit :

-il est explicatif sur les origines du mouvement et son implantation en RCA

-il donne la parole aux acteurs : enfants enlevés, curé, parents, assistantes psychologiques, gendarmerie centrafricaine, instituteur…

-il est varié : Obo, Zémio, Dembia, Bangui, Washington, La Haye, New York .

-il est fiable avec des chiffres précis : 95 enfants enlevés en un an , 400 en tout et les témoignages émouvants des rescapés de Kony : Léa, 15 ans, esclave sexuel, Pascal de Dembia 10 ans, Yannick 16 ans devenu ingérable à cause des traumatismes subis et qui parle de suicide, Alexis 13 ans, Pélagie 17 ans esclave sexuel, Pierre, Emmanuel Daba qui fait des émissions                                                                                                                                         

 dédiées à ses « frères » de la brousse sur une radio locale . Tous parlent un français qui les honore et ceux qui ne le peuvent pas recourent au Sango ( Pélagie) ou à une langue locale .

    J’ai ressenti plus d’amour de la patrie centrafricaine à Obo  et à Zémio avec cette milice locale démunie face à la LRA mais débrouillarde qui mérite d’être aidée, la radio locale avec Daba, l’instituteur qui apprend le complément d’objet direct (COD) à ses élèves de Zémio, les religieuses centrafricaines qui prennent en charge les victimes féminines oubliées de la LRA en leur inculquant quelques notions de couture et SURTOUT la sœur Chantal, LA CENTRAFRICAINE,  l’ange gardien des rescapés, capable de faire des kilomètres pour enterrer une victime avant de revenir continuer son travail de soutien et qui montre en riant son tas de cailloux comme seule arme de défense contre les « tongo-tongo » du redoutable Kony . Sœur Chantal, je vous aime car vous aimez la RCA . Dieu vous bénisse .

 

    Qu’on ne vienne pas me dire que « la critique est aisée et l’art difficile »ou des balivernes de ce genre . Je ne critique pas pour critiquer . J’ai juste regardé deux reportages  consacrés à mon pays avec un regard différent, à l’aune des réalités centrafricaines . En définitive, les acteurs de Zémio et d’ Obo sont plus importants que les autorités de Bangui . Ils oeuvrent concrètement pour un meilleur avenir de la RCA avec des moyens rudimentaires . Les sœurs des deux localités méritent notre gratitude et notre soutien .

 

 

                             KOULAYOM-MASSEYO David

                             Reims le 16 Octobre 2014 .