Il faut tourner la page.
par B. MANDEKOUZOU-MONDJO. 20 JANVIER
2016
Ils étaient trente à
aller à l’assaut pour la conquête de la toison d’or. Mais qui s’est souvenu que
Jason a eu à en passer par bien des épreuves, -sans omettre le recours à la
ruse-, pour obtenir le trésor convoité, qui était aussi le prix à payer pour que
son oncle quitte le trône de Thessalie ?
Ils étaient trente à prendre le départ, joyeux, sûrs d’eux et surtout confiants dans l’organisation que l’Autorité nationale des Elections mettait en place. Un candidat appelant à l’action citoyenne d’aller voter affirmait sans ambages que la date du 27 décembre était enfin la bonne. Il ne m’avait point convaincu : et il eut droit à cette réplique :
«… Votre appel à la belle action
citoyenne d’aller voter me séduit moins quand il n’y apparaît point la preuve
que, par delà la détermination administrative d’un chronogramme, les conditions
sont réunies pour des élections démocratiques, libres et transparentes. Qu’y a-t-il en effet de nouveau par
rapport aux échéances avortées de février et d’août 2015 fixées comme termes de
la Transition ? Les « seigneurs de guerre » font toujours régner
leur loi. C’est bien le comble de l’incongruité que d’appeler à poser un acte
citoyen et de faire voter une Population terrorisée, dispersée par monts et par
vaux : en pleine errance et déshérence !
A la vérité la logique qui a justifié les
reports antérieurs de février et d’août vaut pour les échéances de
décembre : sauf que tout le monde en convient désormais qu’il faut en finir
avec une Transition inopérante, inefficace et nuisible ».
(1)
Un petit glissement de trois jours conduisant à la date du 30 décembre 2015
s’imposa comme un temps supplémentaire et nécessaire pour former les
scrutateurs et garantir la meilleure tenue possible des bureaux de votes. Ce
fut, à l’usage, un coup d’épée dans l’eau : le temps supplémentaire et
nécessaire n’était point suffisant au regard des contentieux électoraux ouverts
depuis la proclamation des résultats du premier tour des élections
présidentielles et législatives.
Ils étaient trente à prendre le départ et presque autant
à découvrir que leur embarcation pouvait se révéler trop légère pour résister
aux récifs et dangers divers de la navigation en Démocratie centrafricaine. Les
bourrages et les omissions de comptage des urnes en sont les manifestations
ordinaires ; et nous savons que dans leur souci naturel du plus grand
profit les assureurs ne proposent de couverture que pour des risques
aléatoires !
Et, de bourrages en omissions de comptage des urnes,
comme de Charybde en Scylla, quand
la mélasse constituée devient et est nécessairement difficile à
désépaissir il faut être Hercule, fils de dieu et demi-dieu, qui dériva
les cours des deux fleuves : l’Alphée et le Pénée et réussit à désempuantir
les écuries d’Augias.
« Oh !
combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des
courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !
Combien ont
disparu, dure et triste fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans
lune,
Sous l'aveugle océan à jamais enfouis ! » (2)
Ils étaient trente à prendre le départ,
Et vingt-huit à se résigner à quitter la course
Car, pour cette fois, elle est bel et bien terminée.
Requiem pour les espoirs
envolés !
Ils avaient donné leur parole ; et cochon qui se
dédit !
Ils étaient vingt-huit à s’engager à accepter les
résultats défavorables des urnes.
Ils ne seront plus que vingt-sept : le
vingt-huitième, le candidat du MLPC manquera à l’appel.
Les chants des sirènes contre lesquelles la sorcière
Circé l’eût protégé comme elle sauva Ulysse et ses compagnons et les augures des
diseuses de bonne aventure et divers aruspices l’ont convaincu que c’est bien lui le prochain
Président de la République.
Le contraire, tout simplement, n’est ni convenable, ni
acceptable.
En foi de quoi le MLPC demande et insiste pour relancer
la campagne du premier tour.
C’est bien à cela que ressemble la collecte des
« preuves » pour montrer qu’il y a eu détournement des votes du
Peuple ; c’est bien à cela que ressemble la demande des comptages et
recomptages des bulletins pour rétablir la vérité des scrutins et la
proclamation de la victoire de M. ZIGUELE.
Il nous
avait prévenus pendant la campagne : « Le MLPC, c’est un coup et
KO !»
Ce que ZAO traduirait : « Avec le MLPC tout le
monde kadavéré ! »
Le contentieux ouvert par le MLPC complique un peu plus
encore les nœuds du problème en intimant aux Juges de trancher en faveur de
la seule thèse censée irréfutable de la victoire du MLPC. Rien ne permet de
penser qu’une justice prononcée dans ce sens et dans ces conditions fût acceptable et
acceptée effectivement. Le MLPC obnubilé par son combat d’ego, à force
d’insistance, ne peut que porter un coup fatal au rassemblement du Peuple
centrafricain qu’il convient d’engager désormais et définitivement vers une
marche en avant.
Il faut positiver. Quelles qu’aient été les
imperfections de l’organisation des scrutins auxquels a été appelé le Peuple
centrafricain je salue la sagesse des responsables politiques qui se sont
engagés non seulement à en accepter les résultats tels qu’ils auront été
publiés, mais ont encore surtout tenu parole.
Rien n’est parfait.
Rien n’est perdu.
Demain est un autre jour.
Tout est à venir tant que dure la
vie.
Il faut donc tourner la
page !
Toute l’histoire des souffrances de notre Pays est une
insistante demande de rassemblement.
Nous sommes appelés, à travers ces consultations du
Peuple, à tourner la page et à écrire une nouvelle et surtout belle histoire.
S’il est une preuve de l’existence de la Démocratie, je
la vois dans toutes les manifestations qui font apparaître que le Peuple est
bien le seul maître de son destin : sans exclure que la conduite de ce
destin fût déléguée. Sous contrôle naturellement !
La vie démocratique est l’histoire des choix des
générations successives : choix décisifs dans le temps et tout le temps
pendant lequel ils peuvent s’imposer comme tels ; choix révocables quand
ils cessent d’être pertinents.
Dans tous les cas le dernier mot est et doit être celui du Peuple souverain.
Il faut, en tout état de cause, en référer à lui et à
ses décisions pour retenir, recaler ou proroger tels ou tels choix
politiques.
Alain Peyrefitte dit du Général De Gaulle qu’il était
l’homme d’Etat qui avait compris que si elle ne veut pas être une aventure folle
toute politique doit être le choix de servir son Pays et de le conduire vers les
sommets : vers la grandeur et la dignité.
Ce choix doit être
placé au-dessus de toutes autres préoccupations.
C’est de cette manière que l’homme politique méritera de
la patrie.
B. MANDEKOUZOU-MONDJO
(1) « Vœux partagés » : Mail du 22
novembre 2015 en réponse à un tract du Ministre d’Etat Jean Willybiro
Sako : Elections 2015 en RCA :
Enjeux, Défis et Contraintes » (mail du
20/11/2015)
(2) Victor Hugo : Oceano nox. 1836 : Les rayons et les ombres