LA RCA EST MORTE, VIVE LA RCA 


L'histoire explique le présent et permet de le comprendre. Elle sert à préparer l'avenir et est le seul ingrédient de la vie sur lequel l'homme dispose d'un contrôle complet. Si la RCA de 2014 est devenu un territoire où il y a des morts et des mourants car aucune loi n’est respectée, cela est inscrit dans son histoire.

Tout, absolument tout fut dit pour justifier la naissance et la folle aventure des Khmers rouges centrafricains appelés SELEKA. La principale justification réside dans l’abandon des préfectures de la Bamingui et de la Vakaga qui forment avec la Haute Kotto, la région n° 5 dite du Fertit.
La Bamingui Bangoran et la Vakaga, ce sont 104.700 km² soit 16% du territoire national pour quatre-vingt-quinze milles quatre cents quatre-vingt-quatre(95484) habitants soit 1,90% de la population nationale constitués des tribus Aiki(roungarisés), Arabes (Heymat, Ta'aisha et Rizaykat), Banda, Fer (Kara), Gèmé, Gùlà, Haousa, Litos, Mvang (vang), Nduka, Rounga, Sara dunjo, Sara Kaba, Wada et Yulu. C'est par cette région que l'islam fit son entrée sur le territoire de l'actuelle RCA entre les 16 ème et 18ème siècles. 

En 1891 Mohamed El Senoussi, un Rounga originaire du Soudan est installé à Ndélé comme Sultan par son oncle Rabah qui a déposé le Sultan Kober, un Nduka, fondateur de la ville de Ndélé. Les Rounga sont un groupe ethnique originaire du Salamat (Tchad) et du Darfour/Kordofan (Soudan), ils sont une sorte de dérivés des Banda et des Saras. Entre 1890 et 1900, Mohamed El Senoussi déporte environ 6000 esclaves par an vers le Moyen-Orient via le Tchad et la Libye soit 60.000 (
1) personnes essentiellement des Gula, Banda, Mandja et certains Rounga. Cette razzia a modifié durablement la démographie de la région et les stigmates sont encore visibles de nos jours. Ainsi la préfecture de la Bamimgui Bangoran qui fait 58.200 km² dispose d'une densité de moins d'UN habitant au KM²(0,7) soit la plus faible de toute la RCA. Le Dar El Kouti « le Pays des Végétations denses » (1890-1911) fut le dernier grand état esclavagiste de toute l'Afrique (Afrique du Sud incluse). Ndélé était à son apogée, la 1ère véritable cité cosmopolite du territoire qui deviendra l'actuelle RCA grâce au commerce des esclaves. Atteignant déjà à l'époque près de 30.000 habitants au moment où Bangui en comptait à peine 10.000.

À l'instar des quatorze autres préfectures de la RCA, la Bamingui et la Vakaga sont restées à l'âge de la pierre taillée du développement post-révolution industrielle. Même les préfectures où l'on extrait du diamant depuis 90 ans, l’étranger qui y pénètre a de la peine à croire que c'est bien de ces endroits là que proviennent les diamants de Centrafrique qui rendent tant de personnes folles. Bria, Berberati et Carnot sont en 2014 de gros villages.
Il n y a pas eu en RCA depuis 1958(proclamation de la République) certaines régions développées au détriment d'autres. Avant Djotodia, la RCA connut cinq chefs d'état. Si l'on se rend aujourd’hui à Mokinda (Dacko), Berengo (Bokassa), Kembe (Kolingba), Paoua(Patassé) et Benzambé(Bozizé) ; on verra des villages figés au stade primaire de l'évolution. 

Aujourd'hui, ici et là, naissent des structures supposées défendre « les musulmans ». Ailleurs, ce sont des individus autoproclamés « généraux » c'est à dire jouissant d'une promotion illicite, ce qui est interdit à la fois par le Coran et la Bible, donc « une promotion HARAM » qui réclament l'application des accords (promesses) de Ndjamena encadrant les démissions de Djotodia et Tiangaye. Une Libanisation en douce du pays c'est à dire une répartition des fonctions politiques sur une base religieuse, enterrant de fait, le caractère LAÏC de la RCA.
Il y a peu avec Bozizé, nous déplorions sa tendance à la gestion clanique du pouvoir. Avant lui, le même reproche fut fait à Patassé lorsque les trois premières personnalités du pays pendant quatre ans (1999 -2003)  étaient originaires du même groupe ethnique et de la même ville. Avant Patassé, c'était à Kolingba que ce procès fut intenté au civil et au militaire. 
Avec la Seleka, nous passons du procès en « tribalisme » au procès en « religion », de l'alibi ethno-régional à l'alibi religieux. Et pourtant Gazambeti, Neris, Kodegue, Mboli Goumba et tralala ne sont pas à ce que je sache, originaires de la Vakaga ou de la Bamingui et encore moins des musulmans. 
Aujourd'hui certains Seleka prétendent défendre les musulmans, ce qui n'était pas le discours entre décembre 2012 et mars 2013. Au nom de cette défense catégorielle, ils exigent une Libanisation du pays ou sa division. A côté, le Gabon à majorité chrétienne est dirigé par des musulmans depuis 1967. La Côte d'ivoire à majorité chrétienne est dirigée par un musulman mais dans ces deux pays, on ne parle pas de Libanisation du processus politique. Pourquoi l'arrivée de Djotodia au pouvoir fut-elle le point de départ de l'utilisation de l'alibi religieux et sa démission, l’élément déclencheur du chantage à la partition?

Sans s'en rendre compte, depuis le début de cette crise, on ne parle presque plus des ethnies. Gbanou, Mbati, Langbassi, Mbemou, Ngama, Dagba, Ali...le discours ethnique ou son apologie a disparu. Est-ce le début de la naissance de l'identité centrafricaine ? Ce sentiment que l'identité nationale dépasse les locales dont elle est la somme ? Je formule les vœux qu'il en soit ainsi !

Revenons aux Khmers rouges centrafricains, oups, la Seleka. Loin de défendre les musulmans de Centrafrique, nous sommes là en face d'une entreprise purement criminelle dont les méthodes rappellent la traite negro-orientale avec Rabah et El Senoussi. Voire avec les vrais Khmers rouges du Cambodge.

Une entreprise criminelle qui est parvenue à prendre le pouvoir car la gestion de l'ordre politique en RCA depuis la restauration de la République en 1979 a créé les conditions de la liquidation de toutes les institutions nationales (Ce n'était guère mieux de 1958 à 1979).

Il y a une dizaine d'année, j'évoquai la théorie des dates clés. C'était avant la rébellion des Ex Libérateurs (Sabone&Co) en 2006. Il s'agissait d'une réflexion autour de certaines dates centrales liées à des événements dont les conséquences cumulées font de la RCA de 2014, UN ETAT NEANT :

-1946 : la 1ère élection de Boganda (le 10 novembre)
-1956 : la Loi Cadre (23 juin)
-1966 : le Coup d’État de la St Sylvestre (1er janvier) 
-1976 : la proclamation de l'empire centrafricain (4 décembre)
-1986 : la constitution du 28 novembre
-1996 : les 3 mutineries (18 avril, 18 mai, 15 novembre)
-2006 : la Rébellion des ex Libérateurs (avril)

Nous ne nous sommes pas réveillés un bon matin pour nous retrouver au fond du trou. La descente fut une belle, lente et progressive trajectoire avec quelques moments d’éclaircis qui nous donnèrent l'illusion d'être dans une société normale. Jamais nous n'avons voulu rattraper les précédentes erreurs et à chaque changement, l'impulsion espérée se transforme rapidement en immobilisme amplifiant le défaut originel.

Alors que les problèmes centraux ne sont pas encore résolus:
1. sécurité, assistance humanitaire et pacification ;
2. réunification territoriale du pays;
3. Remise en ordre de l'administration et de la justice ;
Nous voilà déjà en train de préparer le prochain bal des dupes appelé « dialogue » ou le bal des conjurés nommé « élections ».
La situation est trop grave pour qu'on continue ainsi de nous amuser et de fatiguer ceux qui veulent aider la RCA et ses populations.

Nous devons accepter de faire le deuil de ce pays que nous avons toujours cru Riche, Uni, Unique, Béni des dieux, convoité pour son sol et son sous-sol, pays avec une seule langue nationale, pays de Boganda...Ce pays-là n'a été qu'une illusion ou a cessé d'exister. C'est le prix à payer pour obtenir la Renaissance. Pour cela, la RCA doit mourir pour espérer revivre car c’est un nouveau pays que nous devons FONDER. En effet la RCA n’est un pays normal et ses réalités sont anormales. Continuer de croire au contraire, nous fais passer à côté de l'essentiel en prolongeant notre agonie.

LA RCA EST MORTE, VIVE LA RCA. 

 

 

Clément DE BOUTET-M'BAMBA

Post-Scriptum :
pour ceux qui veulent savoir, les principaux sites du marché aux esclaves de Centrafrique (1870 - 1911) se situaient à :
- Site de Mbonzo et port de Mongoumba, rassemblement des esclaves
- Tata (Palais) du sultan Senoussi à Ndélé 
- Sites de kaga Yara et de Kaga Poungoubou à Ndélé, refuges d’esclaves
- Zériba (entrepôts) des Sultans Bangassou 
- Village des esclaves – Bamingui-Bangoran
- Marché aux esclaves de Yamando

1 : Les razzias esclavagistes débutèrent sur le territoire de l'actuelle RCA par le bassin de l'Ouéle et de l'Oubangui vers 1850 sous les ordres du pacha Zubeyr, un bahara du Haut-Nil dont Rabah était un Lieutenant. Les estimations sur le nombre d'esclaves originaires du territoire de l'actuel Centrafrique ne se limitent pas à la période de 1890 – 1900 mais sur une période plus longue. Le sous peuplement du Haut Mbomou, de la Haute Kotto, de la Vakaga et de la Bamingui trouve ici explication.