LA RCA ET LES ARMES
HORS-LA-LOI
Pour piéger un pays, quel qu'il soit, il suffit d'y semer des armes à profusion. Et se contenter de regarder les conflits éclore comme des herbes folles, germer, se faner, retomber sur leur terreau pour se ressourcer et repousser. Une fois le mouvement impulsé, il se poursuit tout seul.
Prenons l'exemple de deux pays que tout oppose : l'un est une
superpuissance, l'autre, une espèce de République en lambeaux, affaiblie par des
guerres intestines. L'un est riche, prospère, l'autre se trouve sous perfusion
financière, grignoté par la pauvreté. L'un est démocratique, l'autre, abonné aux
coups d'Etat. En gros, l'un est un géant, et l'autre, un petit, d'une espèce
particulière : un nain politique, qui se complaît dans son nanisme, et même
qui semble s'être donné pour vocation de rétrécir. Ces deux pays sont si
éloignés l'un de l'autre qu'il serait vain de tenter de les comparer. Mais le sort qui vient de les
rapprocher en les mettant à la une des médias du monde entier, nous donne des
éléments de comparaison.
1.
ELEMENTS DE LANGAGE
D'abord le nain, qui a profité de
l'absence de sa présidente, partie le représenter à l'ONU, pour entrer une fois
de plus en ébullition, en éruption de colère et de courroux. Le prétexte annoncé
a été l'assassinat d'un homme, dont on s'est empressé de mettre en exergue la
confession, comme si le fait d'être un homme ne suffisait pas à souligner le
caractère odieux de ce crime, comme si dans un contexte de calme précaire on
voulait ranimer les brandons de la haine. Un homme est-il réductible à sa
religion ?
On ne peut récuser l'idée d'un conflit confessionnel en Centrafrique et
continuer de compter les morts en termes religieux. Exceptés les groupes armés,
tous les autres acteurs passifs de cette crise sont unanimes sur son nom :
<< Un conflit militaro-politique >>. Mais ils ne font aucun effort
pour mettre en adéquation cette appellation et les victimes des affrontements,
lesquelles sont immédiatement cataloguées ou instrumentalisées. Les hommes
politiques devraient combattre par des éléments de langage, tous ceux qui, par
des propos inconsidérés ou mûrement réfléchis, jettent de l'huile sur le feu.
Mais tout cela, ami lecteur, j'en conviens, ne fait pas une comparaison. Je vais
donc l'amorcer par les affaires du géant, et en ayant toujours à l'esprit
l'adage :
2.
COMPARAISON N'EST PAS RAISON
Depuis le début de l'année 2015 aux Etats-Unis, près de dix mille
personnes, neuf-mille-neuf-cent-cinquante-six très exactement, sont tombées sous
les balles, non pas de Daesh, non pas d'Al Qaida, non pas non plus de Boko
Haram, mais de leurs propres compatriotes. Ce bilan effarant et consternant pour
un pays civilisé, ferait croire à quelqu'un qui viendrait de Mars, ou d'une
exoplanète, que l'Amérique est plongée dans une guerre civile : Noirs
contre Blancs ou policiers blancs contre Noirs ou encore hispaniques contre
anglophones.
La nation la plus prospère du monde est secouée quasi quotidiennement et
périodiquement par des affrontements meurtriers et des tueries de masse. Les
fusillades ne se cantonnent plus aux rues et aux quartiers mal famés :
elles ont gagné les campus, les églises, les casernes et même les écoles
primaires. Tout le monde se souvient du massacre barbare des écoliers d'une
école primaire du Connecticut en 2012. La dernière fusillade, celle de
l'université de Roseburg, qui a fait dix morts, se situe juste après la flambée
de violence de Bangui et de Bambari. Ces tragiques événements, qui se déroulent
sur deux continents, ont pourtant des points
communs :
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Les armes qui connaissent aussi bien en RCA qu'aux USA une inflation galopante.
D'où proviennent les fusils et les canons qui terrorisent les
Centrafricains ? Combien d'armes circulent en Centrafrique dont la
porosité des frontières est connue de tous les aventuriers ? Ces questions
sans réponses ne se posent pas aux Etats-Unis, où il circule presque autant
d'armes que d'habitants. Des armes fabriquées par les Américains eux-mêmes et
commercialisées. Chaque citoyen a le droit d'en porter une. Mais en réalité, il
en portera plusieurs, pour se défendre contre son compatriote, lui aussi armé
jusqu'aux dents. Dans un tel climat, les forces de l'ordre sont sur les dents,
sur le qui-vive et multiplient les bavures orientées. La justice ne peut rien
contre les armes hors-la-loi. La police intervient généralement après
coup.
En Centrafrique où les forces de l'ordre n'ont pas les moyens de leurs
collègues américains, où elles ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes, les
canons se croient tout permis : ils attaquent même les commissariats et les
brûlent.
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L'incapacité des deux dirigeants à contrôler les armes. Dans les deux pays, les
deux dirigeants sont impuissants face aux armes
hors-la-loi.
Obama et son Congrès ne tirent pas dans le même sens, mais plutôt à hue
et à dia. L'un voudrait contrôler les armes, l'autre ne le veut point. Comme
Samba Panza et son opinion publique, incarnée par la société civile, qui réclame
à cor et à cri, le réarmement des FACA pour désarmer les groupes
armés.
Certes Samba Panza n'est pas Obama, un président élu ( réélu ), qui
dispose d'une puissante armée, d'une des polices les mieux outillées du monde,
en dépit de ses bavures orientées. Certes les institutions américaines sont
solides et stables par rapport à celles de la RCA. Mais force est de constater
que le président le plus puissant de la Terre ne peut rien contre les armes
hors-la-loi. On l'a vu au bord des larmes pendant l'allocution qu'il avait
prononcée, peu après le massacre des écoliers du Connecticut. On l'a vu, après
la dernière tuerie, en appeler aux journalistes et aux citoyens américains, pour
faire pression sur le Congrès. On l'a vu beaucoup moins puissant chez lui, que
la plupart des chefs d'Etat africains chez eux. Il n'est donc pas aussi puissant
qu'on le dit. Car aux Etats-Unis, tous les pouvoirs ne sont pas concentrés dans
les mains d'une seule personne.
Obama va bientôt terminer son second mandat, le dernier, et laisser la
présidence à un autre Américain. Il laissera aussi à son successeur le problème
des armes, à moins que le Congrès ne décide subitement, ce qui est fort
improbable, d'assouplir sa position. Les Américains, du reste, sont suffisamment
grands pour se dépatouiller tout seuls, contrairement aux Centrafricains dont
l'existence est sans cesse précarisée par ceux-là mêmes qui sont chargés de la
normaliser.
Anatole GBANDI (06/10/2015)