LA
RCA SOUFFRE DE L’ARROGANCE DE SES INTELLECTUELS
Publié par
CENTRAFRIQUE
LIBRE le 29 décembre 2015
Il y aurait encore
beaucoup à dire sur le rôle pervers de « l’intelligentsia »
centrafricaine. Mais il faut aller à l’essentiel pour ne pas lasser.
J’ai toujours pensé,
et continue à penser que notre pays souffre de l’arrogance de ses
intellectuels. La bêtise de cette
arrogance est inversement proportionnelle à l’assurance des intéressés d’être
seuls détenteurs du savoir et de la science, d’être par conséquent les sauveurs
de la patrie et des « petites » gens, inversement proportionnelle
aussi au mépris qu’ils ont pour tous ceux qui ne sont pas
« intellectuels » comme eux.
Il ne leur vient pas
à l’esprit que cette arrogance les coupe de la société, qu’elle les assèche
aussi sûrement que les branches flamboyantes privées des racines de l’arbre qui
les porte et, par conséquent, privées de sève nourricière ; que par leur
mépris jusqu’à l’égard de leurs propres parents qui, pourtant, se sont saignés
aux quatre veines pour les envoyer à l’école, ils se coupent d’une intelligence
des êtres et des choses propre à leur terre et qu’en fin de compte ils demeurent
de sombres incultes par delà leur instruction ; que précisément cette
instruction dont ils se targuent est plus aliénante que libératrice lorsqu’on
croit pouvoir y trouver des solutions toutes faites plutôt que la compréhension
des facteurs et dynamiques qui expliquent ces solutions, lorsqu’on est
persuadé de détenir avec elle une boîte à outils universelle faisant de soi
l’alpha et l’oméga de la société centrafricaine ; bref lorsqu’on est enclin
à prendre pour modèle ce qui est enseigné sur les bancs de l’école pour la seule
raison qu’il est ainsi enseigné et qu’il vient de sociétés prétendument
« supérieures ».
A vrai dire, je crois
profondément que pour notre progrès national les « intellectuels »
sont à former et à réformer plus que le peuple : nous avons besoin de
réapprendre à nous taire pour écouter, écouter pour entendre, entendre pour
connaître, et il serait assurément salutaire que chaque
« intellectuel » fasse un stage régulier au village, dans les vraies
conditions du village, des conditions qui mettent au contact de la terre, de la
nature, des femmes et hommes vrais qui constituent la sève de ce pays et son
intelligence, de leurs besoins, de leurs contraintes, de leurs raisons
d’être.
Cela non pas pour
oublier ce que ces « intellectuels » ont appris ailleurs, mais pour
être à même de le recontextualiser et donc de le relativiser. Alors, et alors
seulement, nous pourrons, nous « intellectuels », être d’une utilité
pour la nation centrafricaine, nous pourrons prétendre éclairer le chemin du
progrès collectif.
Pr Jean François AKANDJI-KOMBE, enseignant chercheur et Chroniqueur à Africa 24