LA
SIMILITUDE DES FORMES : BANGUI 4 MAI 2015
: VERSAILLES 5 MAI
1789
Il y a deux cent vingt six ans, le
roi Louis XVI se résolvait à convoquer les Etats Généraux face à la
déliquescence de l’Etat français ( déficit du trésor royal, crise économique,
mauvaise collecte des impôts, incapacité de la police à sécuriser les rues etc…)
. Des cahiers de doléances ont été préalablement rédigés par les trois ordres
qui ont envoyé les mille cent quarante cinq députés (270 pour la noblesse, 291
pour le clergé et 584 pour le Tiers-Etat ) .
Lundi dernier, 4 mai 2015,
le pouvoir de Bangui est contraint de réunir lui aussi six cent délégués
centrafricains eux aussi précédés des résultats des consultations populaires qui
ressemblent furieusement aux cahiers de doléances français . Quatre thèmes sont
retenus en RCA : Paix et Sécurité, Justice et Réconciliation, Gouvernance,
Développement économique et social .
A Versailles, les
représentants des deux ordres privilégiés sont accueillis avec faste et apparat,
tandis que ceux du Tiers-Etat sont ignorés et relégués dans la salle des menus
plaisirs . Pire, prétextant des travaux d’entretien dans la salle, les
représentants du Tiers-Etat sont purement et simplement exclus . Ce traitement
désinvolte provoque l’ire de ces derniers qui sont rejoints par quelques
représentants du clergé et quelques nobles . Ces mécontents vont
« squatter » la salle de jeu de paume . Sur proposition du député
Mounier, ils prêtent le fameux serment du Jeu de paume, à savoir « ne jamais se séparer avant d’avoir donné une
Constitution à la France » . Furieux, Louis XVI envoie le marquis de
Deux-Brézé pour dégager la salle et le marquis s’entend répondre par le député
Bailly :
« Allez dire à votre maître Monsieur, que la nation
assemblée
n’a d’ordre à recevoir de personne »
.
Cette
réplique extraordinaire pour l’époque sera suivie par celle de
Mirabeau :
« Nous
sommes ici par la volonté du peuple et nous ne partirons
que par la force des baïonnettes » .
Nous n’en
sommes pas là sur les bords de l’Oubangui, mais Radio Ndéké Luka nous apprend que certains délégués
commencent à trouver injuste le placement sélectif au premier plan de certains
candidats à l’élection présidentielle . D’autres délégués se retrouvent dans une
salle devant un écran noir alors qu’on leur avait promis autre chose . Un autre
fait remarquer que tout le matériel concernant les préparatifs du Forum est
confectionné au Cameroun ou soumissionné aux Camerounais
…
Si la période de maturation
de la crise est d’environ dix ans en France, c’est depuis l’indépendance que la
RCA patauge dans la sienne sans véritable perspective d’avenir démocratique .
Son horizon politique reste désespérément bouché . Le Forum de Bangui, précédé
de celui de Brazzaville, d’un autre à Libreville, d’un sommet à Ndjaména plus
d’autres, donne l’impression que le serpent centrafricain continue de se mordre
la queue dans une ronde infernale et sanglante .
Alors pourquoi établir cet
audacieux corollaire entre les Etats Généraux français du 5 mai 1789 et le Forum
de Bangui du 4 mai 2015 ? Pour constater que « comparaison n’est pas
raison » ? Ou pour rêver les yeux ouverts ? C’est
selon !
Une chose est
certaine et historiquement établie : pendant les Etats Généraux, la
majorité des députés a pris conscience qu’elle est le peuple en mouvement et que
rien ne peut l’arrêter . Alors qu’ils étaient partis pleins de bonnes intentions
pour le « bon roi Louis
XVI », cette prise de conscience politique les a transcendés pour en
faire un peuple souverain, capable de prendre son destin en main . C’est ainsi
qu’ils ont mis fin à l’Ancien Régime de monarchie absolue, remplacée par une
monarchie constitutionnelle, puis par la première République . La société
d’ordres et les privilèges sont abolis le 4 Août 1789 et les Révolutionnaires
ont pondu une « Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen » . Bref, ils ont démontré que la loi
est l’expression de la volonté générale et que la souveraineté réside dans le
peuple . Or le peuple c’est vous, chers délégués au Forum de Bangui .
David KOULAYOM-MASSEYO .
(07 mai
2015)