LA
VIE AU VILLAGE (1) DE BOZIZE
S'il
y a deux livres dont je dois
recommander la lecture pour cette année finissant, ce seront
certainement :
Pourquoi ?
Mais de quoi suis-je en train de
parler ?
Place à un article de
presse(2) : « Le plus grand
crash financier de l'histoire du géant nucléaire français cache-t-il la plus
grande opération de retro-commission de la décennie?
7
ans après. Longtemps le rachat d'Uramin, jeune start-up minière immatriculée aux
Iles Vierges Britannique par Areva pour 2,5 milliards de dollars, est demeuré en
dehors des radars de la justice. Si bien que ses architectes, ou supposés tels,
n'ont eu qu'un mot à la bouche. «Prescription». Un signe de fébrilité de plus en
plus prononcé ces dernières semaines. L'enquête sur cet OPA acté par une
entreprise publique française sur les seconds marchés boursiers de Londres et de
Toronto entre les deux tours de la présidentielle de 2007 a enfin démarré. La
cour des comptes en examinant la gestion du nucléaire français a d'abord sonné
l'alarme. Une alerte adressé directement au parquet national financier pour
faux, usage de faux, présentation de faux bilan etc…
Les
investigations préliminaires ont attendu la fin du procès Brero, du nom de
l'affaire «d'espionnage» interne à Areva pour frapper. Les premières
perquisitions.
Et les premiers témoins se
dévoilent. Dans Le Point
(5/6), sur deux pages, un ancien conseiller du président
Centrafricain se livre. Saifee Durbar parle pour la première fois depuis 5
ans à la presse. Evoquant l'intervention de
Patrick Balkany, du roi des mines congolais (et
ancien consul de France au Katanga) Georges Forrest et de son ancien employé
Daniel Wouters (recyclé entre 2006 et 2011 à
Areva), l'homme dénonce un scandale
d'Etat, tout en assurant se tenir à la disposition de la justice.
Mais
le «Rajah», surnom de l'intermédiaire indo-pakistanais n'a pas été avare de
confidences pendant son silence médiatique. Notamment nvers un homme, que
Bakchich avait déjà rencontré : Vincent Crouzet, l'auteur de Radioactif, roman
espionnage qui retrace l'affaire. Où Uramin devient Urafrik, Anne Lauvergeon
Henri de Nogaret, Sarkozy, Balkany et Guéant deviennent les rois mages. Mais le
«Rajah» demeure le «Rajah», un homme rond, roublard, capable de passer du
service d'un président centrafricain (Patassé) à celui qui le putschera (Bozizé)
sans perdre d'influence. Surtout Durbar a été récipiendaire d'un secret qu'il a
su monnayer. L'ancien vice-ministre des affaires étrangères de Bangui a assisté
la construction de la mécanique de la vente d'Uramin, ses bénéficiaires, ses
intermédiaires.
Autant de détails qu'il a livrés
en 2009 à Vincent Crouzet. « La scène que
je raconte dans le roman est authentique. J'ai été contacté par une connaissance
commune qui m'a proposé d'aller rencontré Saifee Durbar à Londres. Comme mon
héros, j'ai passé une journée avec lui, dans sa maison, et il m'a conté sa
version de l'histoire d'Uramin». Ou comment la direction du
géant nucléaire français a décidé, pour se maintenir en poste sous un président
qui ne l'apprécie guère, de cacher sous la plus grande opération d'Areva à ce
jour, une gigantesque entreprise de retrocommissions. 2,5 milliards de dollars répartis entre les clans au
pouvoir en Afrique du Sud, en Namibie et en Centrafrique, celui qui allait
prendre le pouvoir en France, la direction d'Areva et les fondateurs
d'Uramin. «Il m'a dit
avoir les documents chez ses avocats, des doubles et des clés USB. Il savait que
j'avais des entrées hauts placées dans les services de renseignement et
l'appareil d'Etat. J'ai transmis le message». En échange de son
silence Durbar souhaite que son passage dans les prisons françaises soient le
plus court et le plus confortable possible. Condamné à trois ans de prison pour
escroquerie, l'homme ne passera que trois mois au quartier VIP de la prison de
la Santé, du 2 décembre 2009 au 18 février 2010. Son bracelet électronique lui
sera enlevé dès septembre suivant. «Pendant tout ce temps, je l'ai accompagné et j'ai
continué à suivre le dossier. Je ne crois pas qu'il m'ait menti ou manipulé. Il
avait trop à perdre à ce moment-là», assume Crouzet. «Une fois qu'il a quitté la France, il m'a lancé
comme une boutade tu devrais en faire un roman». 4 ans après Vincent
Crouzet l'a fait, sans en avertir sa source. « Je n'ai pas demandé son autorisation et c'est vrai
que j'ai un peu poussé le trait sur son rôle dans Uramin. Il en a été le témoin
pas forcément la matrice».
Et les informations livrées par
Durbar parsèment son roman. Le montant des commissions rétribuant chacun des
clans touchant à l'affaire est détaillé avec précision. 490 millions de dollars
au clan Mbeki qui faisait miroiter à Areva l'achat de 12 EPR, 573 pour la
bande à Sarkozy, idem pour la direction d'Areva, 49 destinées aux poches de
Bozizé, 49 pour son homologue namibien et enfin 656 à l'endroit des fondateurs
d'Uramin.
Avec
en prime l'identité du répartiteur: le Hollandais volant, civilement connu sous
le nom de John Deuss. Un broker spécialisé dans les matières premières très
implanté dans les paradis fiscaux des Maldives aux Antilles néerlandaises si
chères à Patrick Balkany, acteur trop méconnu du deal Uramin dès 2007.. Dont les
atours laisse augure d'un des plus grands détournement d'argent public du
siècle, concocté dans les coulisses de l'élection présidentielle
2007. »
L'article de presse ne vous a pas
convaincu ?
Extraits du roman (3) (Saifee Durbar = Fahad Khan = Le Radjah.
Bozizé Yangouvonda = Brother = Bro= Mon frère) :
« Brother.
Mon frère. Tu es comme mon frère. Plus qu'un ami. Nous partageons le fric, les
poules, les comptes à numéro, nous mélangeons tout, mon jet est celui du
Président, mon appartement à Londres celui du fils du Président, je baise la
sœur de sa putain, tu sais, je peux te faire gagner une montagne de dollars, mon
frère, et demain je baiserai ta putain, écoute-moi, Brother, écoute-moi et je te
ferai roi de tout, chez toi, il y a de l'or, et des diamants, et il y a plus, il
y a dans le cœur du centre de l'Afrique, écoute ce que je te murmure, ma parole
vaut ton or, et tes diamants, et plus et mille fois plus que toutes les voix de
tes courtisans, regarde ma peau, Bro, elle est cendrée, je suis comme toi, je ne
suis pas comme eux, chez les Blancs, pour les Blancs, je reste un colored, un
métèque, je suis comme toi, Black de Black, mon cœur est comme le tien, mais
vois-tu, regarde, regarde, mon Falcon, ma villa à Monte-Carlo, celle où loge ta
première dame cette nuit, mon écurie de Formule 1, regarde le solitaire sur
l'index de ma fiancée, et maintenant regarde mes yeux, je te dis la vérité,
parce que tu es mon frère, je sais faire du pognon comme eux, et parce que nous
à la vie à la mort, toi, moi, nous allons prendre leur fric, nous allons nous
gaver, nous le méritons, nous méritons de leur prendre, tu es mon frère, mon
Président.
Le
Radjah a embobiné le patron de ce petit pays africain. En l'espace d'une seule
nuit. La totale. Désormais, il décide de tout ce qui touche à l'économique et au
financier, au grand dam des ministres n'ont plus voix au chapitre, et ont pour
instruction de passer par la case du Radjah, dans sa ville, zone PK11, résidence
présidentielle. Le super conseiller spécial met ce qui ne l'était pas encore en
coupe réglée. L'ambassadeur de France n'y voit que du feu, le poste DGSE n'y
voit que du feu.
…
Pourtant.
Se
préparait un blasphème sans nom dans la touffeur de Bangui. Dans les palais
présidentiels africains tout est lenteur, hormis le démarrage des cortèges. Sous l’œil
assoupi de sentinelles désinvoltes, on y croise des courtisans inquiets accablés
par la canicule, des militaires galonnés adipeux, un jeune clergyman porteur de
valise qui va et vient, et puis un vieux conseiller blanc assommé depuis
longtemps par le whisky chambré et les répétitives fellations sans limite d'âge,
des ambassadeurs désorientés, une délégation chinoise vorace et quelques putains
de haut vol griffées LVMH. Enfin, dans le bureau du patron, dans l'ombre, il
existe le premier chuchoteur qui propage les rumeurs, détruit les carrières,
assure la fortune. Toujours porteur des bonnes nouvelles, il délimite
farouchement son territoire autour du régnant en consacrant l'essentiel de sa
ruse, tout son temps, et ses talents. C'était bien dans le murmure que le Radjah
dispensait ses avis au Président centrafricain... »
Pour
la suite...c'est par ici RADIOACTIF, Paris, Éditions Belfond, coll.
« Domaine Français - Policiers », 2014, 496 p. (ISBN
978-2-7144-5651-9)
Bonne
lecture.
Clément
De Boutet-M'bamba
1 :
Village de Bozizé = Centrafrique sous Bozizé, 2003-2013
2 :
Uramin-Areva: le roman de 2,5 milliards de dollars, www.bakchich.info/soci%C3%A9t%C3%A9/2014/06/06/uramin-areva-le-roman-de-2-5-milliards-de-dollars-63417
3 :
Radioactif, pages 25-26-27