Le « cri
du cœur de M. DJOTODIA »
S’il proclame que « l’Accord
de Nairobi est un accord exceptionnel », c’est bien à l’issue de cet accord
que le Médiateur kényan, rapporte Laurent Correau, lui a demandé de « s’engager à ne plus faire de
politique jusqu’à la fin de la Transition ».
Question du journaliste :
« Etes-vous prêt à prendre
cet engagement ? »
Réponse de M. DJOTODIA :
« Il fallait dès le départ
m’interdire d’être Centrafricain. J’aurais compris. Maintenant que vous avez
laissé passer ça, que je suis Centrafricain, c’est la mort seulement qui peut
m’interdire de prendre part à la vie politique de mon Pays. Moi, je suis
Centrafricain. Si je ne le suis pas, qu’on me le dise. »
A la manière d’Aristote M.
DJOTODIA demande à l’interrogateur
de fonder sa question ou de justifier l’exigence à laquelle on veut le
voir se soumettre : car «si tu prétends
qu'on ne doit pas philosopher, alors tu dois philosopher, ne fût-ce que pour le
prouver. »
(1)
Ou
à la manière de Paul aux chrétiens de Corinthe :
« Si j’annonce l’Evangile, ce n’est pas pour
moi un sujet de gloire, car la nécessité m’en est imposée, et malheur à moi si
je n’annonce pas l’Evangile !» (2)…
Voilà
le cri du cœur à fendre les cœurs : l’amour de son Pays fait un devoir à M.
DJOTODIA de faire de la politique ! Mais, -diable !- quel est cet
amour qui peut autoriser à tuer et à détruire ? Car c’est bien un des
paradoxes de la vie politique en République Centrafricaine : tous les
successeurs de BOGANDA ont proclamé qu’ils
s’inscrivaient dans la ligne du « rêve » du Père Fondateur de la République
Centrafricaine de relever notre Pays et de l’engager sur la voie du
développement et du progrès.
Cette
ligne a été la feuille de route du MESAN et, apparemment, a pu guider M. David DACKO et l’Empereur
BOKASSA 1er.
Le
RDC du Général André KOLINGBA, le MLPC de M. Ange-Félix PATASSE et le KNK du
Général François BOZIZE en furent des variantes…
Mais
le bilan économique et social de la République Centrafricaine, d’année en année
n’affiche aucun progrès. Bien au contraire il se détériorera même et le déclin
s’accélèrera au rythme des rébellions qu’affronta le MLPC jusqu’au coup d’Etat
qui renversa M. PATASSE ; puis jusqu’au coup d’Etat de la Sélèka qui chassa
M. BOZIZE et le KNK du pouvoir…
Le
« cri du cœur de M. DJOTODIA » en appelle au retour en Centrafrique
d’une paix civile longtemps et toujours incertaine. Elle a été mise en plus
grand péril par M. DJOTODIA lui-même et ses compagnons lors de l’expédition sur
Bangui avec la ferme décision de renverser M. BOZIZE et de prendre le pouvoir.
Le
rétablissement de la paix est toujours à l’ordre du jour et les forces
internationales qui y travaillent ont identifié les ennemis pratiquement
irréductibles de la paix en Centrafrique : la Sélèka et les Anti-Balakas,
les amis de MM. DJOTODIA et BOZIZE.
Le
« cri du cœur de M. DJOTODIA » le fait apparaître très ému et fort
sensible au malheur et au chaos advenus en Centrafrique. Un peu de mémoire et il
se souviendrait que tout ceci vient de l’invasion et de la mise à sac des villes
et villages de la République Centrafricaine par les mercenaires à qui il a
confié ces opérations de destruction et de massacre systématiques. On a peine à
trouver, dans les états d’âme de M. DJOTODIA autre chose que le souci pour ceux
qui lui sont proches : les Musulmans tués, leurs 465 mosquées détruites et
le Coran déchiré. Pourtant il y a eu des Eglises chrétiennes vandalisées et une
détermination affichée d’instaurer sur le vide créé l’Islam et la Charia. Et au
bout du compte la Politique qu’il envisage viserait à restituer aux Musulmans et
à eux seuls tous leurs droits. Des droits qui sont surtout des revendications
territoriales assez exorbitantes pour envisager une partition de la République
centrafricaine en deux parts égales : un Nord devenant République islamique
pour les Musulmans et un Sud constituant le « petit reste » pour les
Chrétiens.
L’unité
territoriale de la République Centrafricaine devrait en tout état de cause
résister et se maintenir ; mais la politique de M. DJOTODIA revenant aux
affaires n’en envisagerait pas moins de régler prioritairement la situation de
la Communauté musulmane ; et nous repartirions comme en quarante avec, au
choix, le tribalisme et/ou le régionalisme des Régimes politiques qui se sont
succédé depuis l’Indépendance en République
Centrafricaine.
« C’est la
mort seulement, dit M.
DJOTODIA, qui
peut m’interdire de prendre part à la vie politique de mon pays »…
J’ai compris que la politique en question n’est pas le souci pour un Pays, le
Centrafrique, mais le souci pour lui-même, pour la restauration des droits d’une
Région et de ses habitants réputés délaissés par la
République.
En ceci M. DJOTODIA n’innove point.
« Les hommes ne veulent pas
mourir » (3) et ce
désir d’éternité est prégnant dans les offres politiques que feront à la Nation,
comme ceux qui les ont précédés, tous nos candidats déclarés. Le Pays
n’intéresse pas grand monde : et à cause de ceci nous nous échinerons en
vain à trouver dans ces offres les aspirations retenues comme essentielles en
politique vers le dépassement de soi, la dignité et la
solidarité.
MANDEKOUZOU-MONDJO
15 mars 2015
(1)
Le Protreptique : # 6
(2)
Première Lettre aux Corinthiens, chap. 9, vers.
16
(3)
Un titre de Pierre-Henri Simon, 1953.