LES LEÇONS DU SCRUTIN PRESIDENTIEL

 

 

 

 

   Quelques aventuriers, politiciens opportunistes, ayant eu maille à partir avec la justice, et qui croyaient que leur proximité avec les autorités de la Transition allait les propulser à la tête du pays, ont été écartés sans pitié. Ni les moyens colossaux mis à leur disposition, ni leurs promesses démagogiques, ni les efforts qu'ils ont déployés pour paraître présidentiables, n'auront suffi à retarder leur chute, et à entretenir l'illusion d'une victoire au second tour.

    Des hommes politiques chevronnés, très à l'aise sur les plateaux de télévision, et qui croyaient leur heure venue, ont été éjectés dès le premier tour. Même Ziguélé, le très disert, le grandissime favori, n'a pas été épargné par le sort. Il s'est effondré devant ses amis socialistes français, sans que ceux-ci n'aient levé le plus petit doigt ( officiellement ) pour l'aider, contrairement à ce que subodoraient les observateurs centrafricains.

   Cette déculottée me semble militer en faveur d'un scrutin transparent. Car je ne vois pas les Français tourner le dos à ceux qui se réclamaient d'eux ( les socialistes centrafricains ), pour faire élire, ou plutôt qualifier pour le second tour, le Premier ministre de l'homme qui apparaît de plus en plus comme leur bête noire. Une telle attitude manquerait de cohérence et pourrait même, à la longue, leur aliéner le peu d'estime qu'ils gardent encore dans ce pays.

     Mais en Centrafrique, il faut se méfier des apparences. Tout ce qui paraît blanc aujourd'hui, peut se révéler noir demain. Qui se serait douté, avant la révélation de Gouandjika, que la réélection de Patassé avait donné lieu à des tractations financières !

 

LES RAISONS D'UN ECHEC

 

     La défaite de Ziguélé est aussi celle des observateurs étrangers, qui l'ont décrété favori au pif, sans sondage, et probablement au motif que les ramifications de son parti, le MLPC, couvraient toute la République. C'était vrai avant la tornade Séléka, qui a déstructuré tout le pays, et donc aussi les partis politiques. J'en donnerais pour preuve la visite de l'écrivain Sékodé Ndeugbayi à Bambari, à l'approche de la présidentielle, pour réactiver les cellules du MLPC. Apparemment sans succès.

    Sur ce handicap est venue se greffer une perception un peu brouillée du personnage. Il serait l'homme de la France, le candidat de l'Angola, celui de l'Internationale socialiste.

    Comme tous les candidats, dans tous les pays démocratiques, Ziguélé a dû penser que le fait d'être reçu par un chef d'Etat, le << présidentiabiliserait >> un peu plus que ses concurrents. Il s'est donc prévalu de ses soutiens extérieurs, comme Karim Méckassoua. Malheureusement pour eux, leurs soutiens ne pouvaient se substituer au peuple centrafricain qui, seul, était habilité à choisir les deux compétiteurs du second tour. Donc exit le grand favori, exit le poids lourd Mékassoua : deux hommes politiques centrafricains de premier plan, lesquels me semblent tout à fait capables de renaître de leurs cendres. Surtout Ziguélé, qui dispose d'un parti politique, certes affaibli par des bisbilles intestines, mais qu'il pourra demain restructurer et redynamiser.

     Quant aux mauvais perdants, ceux qui ont contesté le scrutin, j'ai été consterné par leur disparité. Il y a, parmi eux, des gens qui ne pouvaient gagner que par la fraude, tant ils sont impopulaires. Il y a aussi des gens bien, qui pourront concourir à la prochaine présidentielle, comme l'ancien ambassadeur à l'ONU, M. Doubane, dont les courageuses prises de position ont interpellé le monde, sur l'instauration d'un régime sanguinaire en Centrafrique. Enfin, il y a parmi ces contestateurs, des inconnus, à propos desquels je n'ai rien à dire.

 

LES LEÇONS DU SCRUTIN

 

1.   L'argent, dans ce pays de miséreux, n'a servi à rien. Et pour cause : aiguisées par la souffrance, les consciences ne se sont pas laissées acheter.

2.   Les partis politiques. Ils ont soutenu tous les dictateurs qui ont dirigé ce pays. Pire : certains sont soupçonnés d'être derrière les groupes armés. D'autres étaient des groupes armés qui se sont reconvertis, avec pour seule idéologie le chantage permanent à la partition. Leur déclin qui se confirme ne fera pleurer personne, même si c'est une mauvaise nouvelle pour la démocratie.

3. Seuls les partis uniques gagnent les élections au premier tour. Dans un système multipartite, un parti ne saurait à lui tout seul gagner une élection. Il faut le transcender par un projet de société fédérateur. Il faut le transcender par un leader charismatique.

4. Pour être crédible, un homme politique doit se mettre résolument au service de son pays. C'est bien ce que vient de dire le scrutin, à tous ceux qui, s'étant installés à l'étranger, voulaient se faire élire président d'un pays qu'ils ne connaissaient pas, ou qu'ils ne connaissaient guère. Leur chance de réussite avant le scrutin était voisine de zéro. Leurs suffrages, après le verdict des urnes, sont restés dérisoires, et donc voisins de zéro.

 

 

                      GBANDI Anatole    (08/01/2016)