Lettre ouverte
aux hommes politiques centrafricains.
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Cette lettre ouverte n'a pas d'autre
but que celui de vous contraindre à l'action politique.
La situation chaotique de la République centrafricaine, proche d'une
évolution à la somalienne où les régions se constituent en zones balkanisées,
appelle à la mobilisation générale pour sauver ce qui reste des idéaux de
Barthélémy Boganda.
Au regard de la situation qui
prévaut aujourd'hui, d'aucuns, par simplification abusive ou paresse
intellectuelle, mettent sur le compte de l'alliance Séléka la responsabilité de
cette dégradation politique, économique et sociale. C'est faire peu de cas de
l'histoire récente du pays.
D'autres au contraire, pour cacher
leurs turpitudes et incompétences en un réflexe quasi pavlovien, ont trouvé un
bouc-émissaire commode en la personne du Président Idriss Déby, son pays le
Tchad et son peuple,les Tchadiens. Hier, ils auraient accusé le colonialisme
français !
Nous savons tous désormais qu'il
s'agit-là, en l'occurence, de prétextes et d'excuses. Nous devons tous admettre,
intellectuels, hommes politiques, hommes d'affaires, militaires et
écclésiastiques de toutes réligions, la responsabilité de ce qui advient à la
République centrafricaine et en porter la responsabilité, individellement et
collectivement.
Nous avons en effet, par faiblesse intellectuelle, validé tous les
projets d'ajustements structurels imposés par les institutions de Bretton-Woods,
sans nous poser la question de leur pertinence, sans en mesurer les conséquences
économiques et sociales sur la vie quotidienne de nos
compatriotes.
Nous avons, par faiblesse morale, fermé les yeux lorsque des militaires
se sont substitués à nos responsables politiques démocratiquement élus, par
simple goût du pouvoir et animés par le seul esprit du
lucre.
Nous avons bien au contraire, par égoïsme et vanité, multiplié les
micro-partis politiques, fondés sur le clanisme, le régionalisme et le
tribalisme, mais dépourvus de doctrine et de tout projet de société, à seule fin
de participer aux cénacles des puissants, ouvrant ainsi la voie à tous les
aventuriers et démagogues. Ceux-ci désormais s'entre dévorent et poussent les
Centrafricains sur le chemin de l'intolérance et de la guerre, civile,
réligieuse et aux frontières.
Or ne voilà t-il pas que ceux qui, hier, ont semé le fiel de la haine,
par leur comportement sectaire lorsqu'ils exerçaient les pouvoirs de l'Etat,
viennent aujourd'hui se poser en sauveurs du pays, cachés derrière le masque de
nouvelles associations caritatives ou de nouveaux micro-partis politiques. Ils
se prévalent du soutien de quelques milieux politiques étrangers, principalement
français, à un moment où la France elle-même se débarrasse de la
« françafrique » et de ses réseaux mafieux ! Chacun se présente
comme seul capable de diriger le pays, là où il faudrait l'ardeur de tout un
peuple.
Pendant ce temps, les grandes
formations politiques qui ont oeuvré pour l'indépendance du pays se taisent ou
restent inactives.
Les raisons de ce mutisme sont
multiples. Deux d’entr’elles me semblent essentielles pour expliquer ce
silence : la disparition des leaders naturels de ces partis politiques
d'une part, et la résignation ou la fuite d'un certain nombre de leurs militants
d'autre part, lorsque ces derniers n'ont pas cédé aux sirènes de quelques
« acheteurs de conscience », contre la promesse d'un ministère ou des
espèces sonnantes et trébuchantes.
L'heure est venue, pour les grandes
formations politiques d'antan, de reprendre le flambeau de la lutte contre le
sectarisme, le tribalisme et l'esprit de division, comme hier elles se sont
mobilisées contre le colonialisme et pour l'évolution sociale des peuples de
l'Afrique noire. L’heure est venue, comme l’a si bien chanté Barthélémy Boganda
en écrivant l’hymne de la Renaissance, de « brandir l’étendard de la
Patrie » !
En reprenant la devise du mouvement
d'émancipation sociale en Afrique noire (Mesan), « Zo kwè zo », le
moment est venu de rassembler tous les Centrafricains et Centrafricaines de
bonne volonté autour d'un projet collectif commun. Après le projet
d'émancipation sociale voulu et défendu par le fondateur de la République
centrafricaine, il est temps de proposer un projet d'évolution socialiste de la
RCA.
Ouvert à tous les hommes et femmes
épris de liberté, de justice et de paix, ce projet commun doit porter l'exigence
d'unité du peuple centrafricain. Il doit les réunir dans un vaste rassemblement,
démocratique et républicain.
Cette exigence posée, le projet
commun doit viser à la satisfaction des besoins élémentaires et immédiats du
peuple centrafricain, selon la voie taxinomique tracée par Barthélémy
Boganda : éduquer, soigner, nourrir, vêtir, loger.
Aujourd'hui, ces besoins
élémentaires ne sont pas atteints. Bien au contraire, au lieu d'être un pays
émergent, au seuil du développement industriel et culturel, la République
centrafricaine est devenue un pays « détergent », c'est-à-dire voué à
engloutir les produits usagers ou les articles d'occasion dont se déchargent les
pays industrialisés dits développés, à travers justement les associations
autochtones ou celles issues de la diaspora qui se prêtent au
jeu.
Dans le même temps, ceux qui se
prétendent les dirigeants du pays se nourrissent des subventions versées par les
institutions internationales ou s'accaparent les richesses naturelles du
pays.
Seul un grand parti politique
populaire, fondé sur un fort mouvement de masse, implanté partout en
Centrafrique, peut mettre fin à ces errements.
Une fois encore, ce grand parti ne
peut naître que de la fusion organique et programmatique du mouvement
d'évolution sociale de l'Afrique noire (Mesan) et du rassemblement démocratique
du peuple centrafricain (RDC). Cette fusion est la nécessité de l'heure, le RDC
étant issu du MESAN par scissiparité.
Il appartiendra à ce grand parti,
une fois porté sur les fonts baptismaux, de s'ouvrir et d'intégrer les
micro-partis qui ont éclos depuis : ADP, MDD, etc. Ils partagent les mêmes
idéaux philosophiques et les mêmes principes d'action.
Il faut mettre à profit la période
actuelle de transition, qui doit conduire à terme le pays à de nouvelles
consultations électorales, présidentielles, législatives et municipales ou
régionales, pour donner vie et consistance à cette grande formation politique,
et préparer ses militants aux prochaines échéances.
Dans le contexte actuel, le FARE ou
front pour la reprise des élections, n'a plus aucune utilité. Structure
hétéroclite, provisoire et bancale, promue en 2011 pour contrer les visées
hégémoniques de l'ex-président François Bozizé à travers son parti, le KNK,
cette alliance de circonstance n'a jamais été capable de produire et conduire un
mouvement de masse. Si tel avait été le cas, les exactions, vols, viols et
massacres que l'on reproche aujourd'hui à l'alliance Séléka n'auraient pas eu
lieu. Vous voilà prévenus.
Vous serez donc désormais seuls
comptables du sort du peuple centrafricain si, au lieu de mettre à profit
l'espace de transition pour vous moderniser et ouvrir un débat républicain avec
la jeunesse centrafricaine, vous vous contentez de vivre sur vos maigres acquis,
en caressant la nostalgie d'un passé révolu.
A bon entendeur,
salut !
Paris, le 26 septembre
2013
Prosper
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