LETTRE OUVERTE
AUX CHEFS D’ETAT
DE LA COMMUNAUTE
ECONOMIQUE DES ETATS
DE L’AFRIQUE
CENTRALE
(CEEAC)
Pour une
Conférence Nationale Souveraine ouverte à tous les acteurs politiques,
économiques et sociaux en vue de refonder la RCA
Le
pouvoir issu du coup de force du 24 mars 2013 n’est pas reconnu, ni par les
Chefs d’État de l’Afrique centrale, ni par l’Union africaine, ni par les autres
nations, ni par les partenaires internationaux de
« En
l’état actuel des choses, il est impossible de reconnaître un président
autoproclamé. Un collège élu par les forces vives de la Nation doit être à
la tête de la transition. Ce collège va jouer le rôle de l’Exécutif, et doit
élire en son sein le président de la transition dont le mandat ne doit pas
excéder 18 mois » a déclaré le président tchadien Idriss DEBY ITNO à
l’issue du sommet de N’djamena du 3 avril 2013. La mise en place d’un organe
législatif, chargé de rédiger la Constitution et jouer le rôle de l’Assemblée
Nationale, a été également décidée.
Le Conseil Supérieur de Transition (CST), comptant 97
membres, a fini par se transformer en un Conseil national de transition de 105
membres. Déjà pléthorique pour un pays laminé,
détruit et totalement appauvri, ce nouvel organe passe à 135 personnes
choisies, suite au dernier Sommet de Ndjamena. La constitution de ce CNT s’est
déroulée dans les conditions les plus
opaques.
Cet organe constituant et législatif, créé
hâtivement dans une totale opacité,
est très clairement chargé de n’« élire » que DJOTODJA
pour le rendre internationalement
fréquentable. Et comme il fallait s’y attendre, il a
été désigné Président de la République. Il n’y a pas eu d’élections. Seul
candidat et disposant de la force armée semant la terreur et les massacres dans
l’impunité totale, il a été « élu » par acclamation par le Conseil
national de transition. Il obtient ainsi un vernis institutionnel pour valider
sa prise de pouvoir par les armes. L’autoproclamé prendra donc la tête du
Conseil national de transition et se présentera à l’élection présidentielle
truquée qui suivra. Tout
comme son prédécesseur François
BOZIZE, arrivé lui aussi par les armes, il ne tiendra pas parole et se
maintiendra à tout prix au pouvoir, une fois la période de transition
terminée.
A la
question de M. Christophe
Boisbouvier de RFI lors de son interview du 10 avril 2013:
« Est-ce Michel Ndjotodja
qui présidera ce Conseil ? » Le Premier ministre Nicolas
TIANGAYE a répondu : « le
Conseil va l’élire comme chef d’État ». On ne saurait être plus
explicite. Habillage pour valider le
coup de force de NDJOTODJA, le Conseil
sera contraint de travailler dans un contexte qui lui enlève toute liberté de
manœuvre. L’alternance en cours
n’est pas crédible. Elle n’empêchera pas le
pays de continuer à sombrer dans l’anarchie totale, comme cela est tristement
constaté aujourd’hui.
Les
différents mouvements ethniques au sein de Séléka, composés de Centrafricains et
de ressortissants étrangers des pays voisins, seront incapables de gouverner
ensemble du fait des nombreuses dissensions et des intérêts antagonistes
entre ces groupes.
Comme
à l’époque de François BOZIZE, certaines pratiques unanimement condamnées ces dix
dernières années se perpétuent. Les
réflexes de clans se sont très vite
installés et ne laissent aucune place à la logique républicaine. La présence de
quatre membres de la famille de Michel NDJOTODJA dans le gouvernement de Nicolas
TIANGAYE n’en est que l’une des multiples illustrations. Le CNT est truffé de
ses partisans, alors que l’Exécutif est majoritairement dominé par les membres
du Séléka.
Pendant
qu’on se bat autour de la nouvelle mangeoire, l’insécurité s’aggrave à Bangui et
partout ailleurs dans le pays. Un
véritable carnage se poursuit à travers tout le territoire. Des tirs à l’arme lourde
fauchent les populations civiles, des roquettes pleuvent sur la ville, tuent des
enfants, atterrissent dans les églises en pleine messe du dimanche… les viols,
les tirs à bout portant se sont généralisés. Les habitants sont abandonnés à
eux-mêmes face à leurs bourreaux. Les gangsters armés se mêlent aux criminels
de la Séléka pour imposer leur loi en toute impunité.
La situation humanitaire se
détériore. «
Les communautés touchées par la crise ont un besoin urgent d’aide alimentaire,
de protection, de soins médicaux, d’eau et d’aide à l’assainissement ».
« Il y a de sérieuses préoccupations au sujet des violations généralisées
des droits de l’homme dans l’ensemble du pays », peut-on lire dans un communiqué
d’OCHA.
La
République Centrafricaine, déjà moribonde, est en train d’être achevée par la
rébellion Séléka. Il n’y a plus
d’administration, de police, de gendarmerie, de tribunaux, de prisons pour la
sécurité des populations ; il n’y a plus d’hôpitaux, de centres de santé,
de pharmacies, de stations d’essence, plus de commerces, plus de domiciles
privés… Il n’y a plus de pays à administrer.
Pour ma part, depuis le changement intervenu en
Centrafrique le 24/03/2013, je continue de dénoncer l’incapacité des
autorités de la transition à redresser le pays. Dans cette période douloureuse
et délicate, un processus de concertation générale préalable à toute décision
est nécessaire. Les instances de la
transition devraient émaner du choix du peuple à
travers une Conférence nationale souveraine.
« Il
n’y a jamais de solution humanitaire aux problèmes humanitaires, la solution est
toujours politique », a estimé M. Antonio
Guterres, Haut-commissaire des Nations-Unies pour les
réfugiés.
« Ce qu’il faut
absolument, c’est une solution politique, pour que la Centrafrique devienne un
pays en paix ».
L’organisation immédiate d’une CONFERENCE
NATIONALE SOUVERAINE est la seule issue de sortie de crise
globale et définitive pour notre
pays… Les décisions prises lors de cette Conférence permettront de restaurer
l’Autorité de l’État, la Paix et la Sécurité des
populations.
La Conférence Nationale définira les critères qui
prévalent à l’élection des personnalités qui ont pour charge de conduire la
Transition. Le profil des deux Présidents, celui du collège pour assurer
l’Exécutif et celui du Conseil National de Transition pour diriger l’organisme
législatif y sera défini : des
personnalités intègres, compétentes et ayant un sens élevé de
l’État.
La RCA doit sortir le plus rapidement possible de
cette période de transition afin de se doter d’une gouvernance stable et
d’institutions démocratiques. En effet, face aux lacunes des nouvelles
autorités dans la gestion quotidienne du pays, on peut s’interroger sur leur
volonté et leurs capacités réelles à rétablir la paix et la sécurité sur toute
l’étendue du territoire. Aujourd’hui, nous ne pouvons que constater
l’impuissance des dirigeants de Séléka à ramener l’ordre en RCA après y avoir
installé l’anarchie, la terreur et la désolation.
Pour accompagner la résurrection de la République
Centrafricaine, le pays a besoin d’une
force internationale d’interposition et d’observation pour la sécurité. Un
contingent combattant de 3000 à 5000 hommes en armes est nécessaire pour
sécuriser non seulement la capitale, mais aussi tout le territoire. Ce
contingent, rendra compte au
conseil des Chefs d’État de la CEEAC de ses résultats et sera responsable devant
lui. Il sera alors le seul garant pour protéger le peuple, accompagner la
transition vers les élections démocratiques transparentes, assurer le contrôle
de la sécurité en Centrafrique et aider à la refondation des Forces armées de
Défense et de Sécurité de la République Centrafricaine à l’issue de la
transition. Ce contingent combattant doit pouvoir user de ses armes en cas
d’ouverture d’hostilités par les bandes armées. Il peut être constitué de
soldats des pays de l’Afrique centrale, appuyé par les unités issues des autres
pays africains, et commandé par un officier général d’un pays de l’Afrique
centrale, au nom de ce pays. La France et les autres pays amis pourraient alors
nous apporter leur concours en appui à cet effort régional. La République Centrafricaine est en agonie,
elle a besoin de soins intensifs et immédiats pour se remettre
debout.
Toute autre voie que prendra l’attelage
Ndjotodja-Tiangaye ne peut être qu’illégitime. La légitimité ne peut passer que
par la Conférence nationale. Le statut de Président autoproclamé de Ndjotodja ne
l’autorise pas à signer des décrets et des ordonnances. L’ordonnance visant à
installer le Conseil National de Transition (CNT) chargé d’organiser la période
de transition est donc illégitime. Ce qui signifie que pendant 18
mois la République Centrafricaine risquerait d’être administrée par un Chef
d’Etat, un Premier ministre, un gouvernement et un Conseil National de
Transition illégitimes. Ce
serait alors une prise d’otage de Séléka, dominant sur l’ensemble du
pays.
Notre Constitution est la loi
fondamentale
approuvée par le peuple centrafricain. L’abroger au seul motif d’y intégrer des
éléments de revendications particulières de la Séléka, secrètes et étrangères à
la société centrafricaine (aujourd’hui connues), vide notre République
laïque de son sens.
Paris, le 19 avril 2013
Marie-Reine Hassen
Ancien
ministre,
Ancienne
candidate à l’élection présidentielle de 2011.