IL EST TEMPS DE METTRE EN PLACE UNE ORGANISATION JURIDIQUE ET POLITIQUE ENTRE L’ETAT ET LES RELIGIONS EN CENTRAFRIQUE

 

Clotaire SAULET SURUNGBA

Il y’ a un peu plus de 21 mois, en janvier 2012, j’ai mis sur la toile ainsi que dans les colonnes de la presse nationale, un Plaidoyer sur la « laïcité centrafricaine ». A l’époque, la secte Boko Harem venait de commencer à s’illustrer dans des actes de violence et de barbarie à l’endroit des communautés chrétiennes du Nigéria et notre pays, la République Centrafricaine n’avait pas encore connu ce que nous vivons aujourd’hui.

Depuis mon retour sur les rives de l’Oubangui, il y a quelques mois, non seulement j’ai pu me rendre compte de la pertinence de cette analyse- et je ne veux pas verser dans un quelconque sentiment d’auto satisfaction-, mais aussi et surtout, je suis convaincu que l’heure est venue, à la faveur de cette Transition qui doit jeter les nouvelles bases du « Centrafrique qui vient », de doter notre pays d’une loi qui définisse clairement notre laïcité.

Je me propose ici, pour mieux étayer mon propos et pour une meilleure gouverne, de soumettre à notre sagacité, la quintessence de la plaidoirie sur la laïcité de 2012. D’emblée, j’avoue ici mon étonnement en constatant que dans un décret pris le 22 août 2013, il est fait mention du titre d’un ministre du culte qui est entré dans le gouvernement de la République. Cet étonnement s’est accru au cours d’un entretien que j’ai eu avec un vieil ami, patron d’un organe de presse, qui, à ce propos, n’a pas trouvé mieux de me dire qu’« ici, tu sais, on ne tient pas compte de ça »…Pour ma part, j’estime que rentrer dans un gouvernement n’est pas entrer dans un temple, dans une église ou dans une mosquée, pour que l’on spécifie « pasteur » Tartapion, « abbé » Tartapion ou « imam » Tartapion. Le croyant que je suis, n’est toujours pas sorti de son étonnement dans ses premiers pas de parlementaire de Transition. Oui, il m’a été donné de constater, par moments, quelques dérives oratoires qui font confondre, parfois, la tribune du Palais du Peuple à la chaire d’une église, d’un temple ou d’une mosquée.

Je poursuis mes propos en faisant un retour au mardi 27 décembre 2011. A cette date là, le ministre de l'Administration du Territoire et de la Décentralisation avait invité les populations centrafricaines à observer trois journées de jeûne et de prières. Au lendemain de la publication de cette décision gouvernementale, le président d’un parti politique d’opposition, en invoquant des dispositions constitutionnelles, notamment les articles 8 et 18 qui garantissent la liberté de conscience, le libre exercice des cultes et le caractère laïc de l’État, lança un appel pour une désobéissance civique en demandant aux populations de vaquer normalement à leurs occupations pendant les trois derniers jours de l'année 2011. Les réactions de l'homme de la rue furent mitigées.

Peut-on raisonnablement, en République centrafricaine, évoquer un certain crime de « lèse-laïcité » pour une telle action initiée par le Gouvernement ? Les républicains sont-ils en droit, en pareille circonstance, de monter au créneau pour dénoncer une violation de la Constitution ? Doit-on, le plus naturellement du monde, banaliser les titres des ministres du culte qui auraient dû se faire appeler « Monsieur » dès lors qu’ils sont appelés à habiter les fonctions temporelles de ministre de la République ?

Je n'ai nullement l'intention, à travers cette réflexion, de fustiger la décision du ministre appelant à l’observation de trois journées de jeûne et de prières, ni celle de l’opposant politique qui conseille le contraire. Par contre, je voudrais, à la lumière de ce que je pense être les réalités centrafricaines, participer à la définition de la « LAICITE CENTRAFRICAINE » telle que nous devons la comprendre et la pratiquer pour que le peuple Centrafricain soit « fier de son unité nationale, linguistique et de sa diversité ethnique, culturelle et religieuse qui contribuent à l'enrichissement de sa personnalité » et pour qu’il vive dans un Etat laïque, démocratique, un et indivisible. Je veux humblement, par patriotisme et avec réalisme, apporter ma contribution à la résolution de cette problématique qui, aujourd’hui, se pose de manière claire.


I - QUELQUES REPERES HISTORIQUES

Depuis l'évangélisation de l'Oubangui, conduite par Mgr AUGOUARD qui, en février 1894 a fondé la mission Saint-Paul des Rapides à Bangui, puis la mission Sainte Famille de Ndjoukou en septembre de la même année, le Christianisme s'est implanté peu à peu, depuis les régions riveraines du fleuve Oubangui jusqu'à la partie septentrionale de l'Oubangui-Chari. L'implantation du Catholicisme, en raison de l'engagement de ce missionnaire, a été telle que les chapelles ont été édifiées avant la construction des bâtiments administratifs par les autorités coloniales. Cette évangélisation, tout en accompagnant la colonisation, n'a pas été exempte de déviance.
En effet, à l'époque coloniale, les missionnaires propagèrent un christianisme - je dis bien un christianisme ou mieux, un type de christianisme - qui avait contribué à asseoir l'hégémonie de la France et la puissance coloniale. C'est ainsi que, Mgr AUGOUARD, lors d'une conférence en 1890 à Poitiers, déclara :

« Notre apostolat s'exerce essentiellement auprès des enfants, par eux nous conquérons l’Oubangui pour la France et pour Dieu. »

Ce Christianisme ou encore, ce catholicisme a été caractérisé par l'ethnocentrisme et la domination du Blanc et le clergé missionnaire avait fait montre, tant en Afrique Occidentale qu'en Afrique Équatoriale, de mépris et de rejet de la culture locale. Au point où le pape Benoît XV, le 6 janvier 1920, prit une instruction pour recadrer l'action missionnaire en ces termes :

« Les missionnaires veilleront à éviter d’introduire parmi les populations en cours d’évangélisation les lois et usages particuliers à leur patrie personnelle [...]. Ils auront grand soin au contraire qu’en tout et partout ce soit la discipline ecclésiastique telle qu’elle est en vigueur dans l’Église universelle qui soit introduite et fidèlement observée. Les missionnaires auront également souci de bannir toute idée de préparer la voie parmi les populations qui leur sont confiées à une pénétration politique de leur nation, afin de ne pas passer pour rechercher le bien de leur patrie terrestre, non celui de Jésus-Christ et du royaume céleste ».

Du côté des Protestants, le pasteur anglais GRENFELL avait, quant à lui, atteint la région de Bangui dès 1884, avant les expéditions françaises. Vers la fin des années 1920, les premiers pasteurs américains de la Baptist Mid-Mission, conduits par le pasteur HAAS, arrivèrent en terre oubanguienne. M et Mme ROSENAU s'installèrent à Sibut, M et Mme YOUNG à Kaga-Bandoro et Mme Rowena BECKER à Bangassou. Les missionnaires protestants, il faut le souligner, furent les premiers promoteurs de notre langue Sango à travers la traduction du Nouveau Testament entre 1927 et 1937, puis un peu plus tard, celle de l'Ancien Testament. Et nos Albert WILLYBIRO PASSI et universitaires linguistes dont Marcel DIKI-KIDIRI sont en train de faire le titanesque travail de codification de cette langue nationale, devenue langue officielle au même titre que le français, suite à une proposition de loi du député Hubert SAULET-YAVRO, à l'époque du monopartisme multi - tendanciel du RDC du général André KOLINGBA. Ainsi, il n'est pas erroné de dire que les Protestants avaient précédé les Catholiques en Oubangui. A la fin des années 1940, les Protestants comptaient déjà 200 églises avec des pasteurs et évangélistes oubanguiens, alors que l’Église Catholique ne disposait que de 22 paroisses avec 64 prêtres dont un seul oubanguien.

L'action des missionnaires Protestants n'avait pas non plus été sans poser quelque problème, comme celle des missionnaires Catholiques. Ainsi par exemple, le pasteur Simon-Pierre BOYMANDJA SEREMANDJI (1874-1989), originaire de Kaga-Bandoro, fut amené le premier à dénoncer une attitude paternaliste de certains missionnaires occidentaux opposés à l'émergence des autochtones.

Toutefois, l'action missionnaire Chrétienne (Catholique et Protestante) a donné naissance aux premières écoles et centres de formations en Oubangui-Chari. Ces missionnaires dont certains sont médecins, vont accompagner leur action évangélique par la création des dispensaires et des hôpitaux...

Bien que le Territoire de l'Oubangui-Chari soit juridiquement né le 29 décembre 1903, l'administration coloniale avait attendu l'année1905 pour ouvrir la première école. Et ce n'était qu'une école du soir, destinée exclusivement aux employés des Européens ; car ces employés devaient savoir lire, écrire, compter pour bien servir leur maître. Alors que, entre 1894 et 1920, des centaines d'enfants Oubanguiens étaient formés par les paroisses de Saint-Paul de Bangui et Sainte Famille de Ndjoukou.

C’est donc grâce au Christianisme que l'Oubangui-Chari va avoir ses premiers lettrés et ses premiers cadres, dont certains étaient techniquement compétents et politiquement conscients, à l'instar de Barthélemy BOGANDA, Fondateur de la République Centrafricaine. Ce dernier fut, de surcroît, le premier prêtre oubanguien. Pierre KALCK dira de lui qu'il était le plus prestigieux et le plus compétent des hommes politiques équatoriaux.

La première partie de la vie du Fondateur de la République centrafricaine, lequel fut recueilli d’abord par l’administrateur colonial MEYER, a été placée sous la protection et la direction des autorités religieuses qui l'ont encadré dès l'âge de huit ou neuf ans. Elles l'ont formé et conduit à la prêtrise et à l'apostolat. Son véritable mentor spirituel a été Mgr Jean-René CALLOC'H qui, pour lui, a été un modèle. A 36 ans, et avec le soutien de Mgr GRANDIN, vicaire apostolique de Bangui, BOGANDA va se lancer dans la bataille politique et va créer le Mouvement de l’Evolution Sociale de l’Afrique Noire (MESAN). Ecclésiastique qui lutta pour l'émancipation des Africains et bête noire des milieux coloniaux, Barthélemy BOGANDA n'a pas été non plus en odeur de sainteté au sein de la congrégation des Spiritains où il a connu la ségrégation raciale. Il finira par quitter l’Église catholique de l'Oubangui tout en gardant une foi inébranlable en Dieu.
En réponse à Mgr CUCHEROUSSET qui a succédé à Mgr GRANDIN après la mort de ce dernier, et qui l'a suspendu de ses fonctions sacerdotales le 25 novembre 1949, BOGANDA écrivait :

« J'ai été suspendu par mesures politiques, racistes et arbitraires beaucoup plus que religieuses. Et vous avez ainsi fait le jeu du colonialisme et de la réaction dont nos missions ont toujours été, hélas, le plus ferme bastion...Si dans nos missions on ne m'avait pas exaspéré par des attitudes, des injustices, des injures dont '' sale cochon de nègre'' n'est qu'un exemple entre mille, je n'aurais peut-être jamais songé à vivre avec une française de la métropole pour contrarier mes confrères racistes et ils sont légion ».

Ce bref rappel historique de la vie de BOGANDA que nous revendiquons tous ou presque l'héritage, montre que la République Centrafricaine, telle qu'il la voyait, ne pouvait et ne devait être qu'un espace de liberté, de démocratie, de paix, de prospérité et où la liberté de conscience et la liberté des cultes devaient être garanties. Victime du racisme et d'une « collusion missionnaires catholiques - colons », BOGANDA, en raison de sa volonté de '' sortir son pays et ses frères de la situation où ils se trouvaient '' ne pouvait pas faire en sorte que le Christianisme devienne un outil d'avilissement culturel ou de servilité.

Le cinquième paragraphe du Préambule de la Constitution du 5 décembre 2004 fait référence explicitement au Père fondateur de la République centrafricaine, Barthélemy BOGANDA dont la foi en Dieu avait amené, en 1959, peu avant le voyage sans retour de Berberati, à faire remarquer à l'un de ses mentors spirituels, le père FERAILLE, ce qui suit :

« Nous avons oublié, dans le texte de notre Constitution, de mettre notre pays sous la protection de Dieu. » Puis il ajoutait : « Mais cela va de soi. » (1). BOGANDA parlait de la première Constitution de la République, celle du 9 février 1959.

L’abbé Benoît Basile SIANGO, dans son ouvrage sur Barthélemy BOGANDA, écrivait :
« N' eût été l'initiative providentielle du colonisateur et du missionnaire à la croisée de son chemin, l'histoire de BOGANDA fut passée inaperçue, comme celle de tant d'autres petits orphelins de son village dont les parents ont aussi fait les frais des exactions du colonialisme ».

Le Territoire de l'Oubangui-Chari qui prit l'appellation de République Centrafricaine en devenant État membre de la Communauté le 1er décembre 1958, eut donc une histoire intimement liée avec celle de la pénétration de la religion chrétienne et ce nouvel État était loin, très loin de pouvoir tendre vers une forme quelconque de théocratie. Tout en paraphrasant, à ma manière, l’abbé SIANGO, je dirai que le Centrafrique d'aujourd'hui, tout en se voulant laïc congénitalement, est irrigué par un breuvage vital qu’il a bu à la source du colonisateur et du missionnaire.

Qu'en est-il de l'Islam dans notre pays ? Selon l’abbé Richard FILAKOTA, l'Islam en Centrafrique s'est longtemps montré discret du fait que l'espace socioreligieux était monopolisé par les confessions religieuses chrétiennes (Catholique et Protestante). Pour la première fois, cette religion est sortie de l'ombre suite à la conversion de Bokassa en 1976 au terme de sa rencontre avec le colonel Kadhafi. Aujourd'hui les données ont énormément changé suite à la montée en puissance de l'Arabie Saoudite, la révolution iranienne, la montée de l'islamisme dans le monde arabo-musulman... Les musulmans de Centrafrique représentent entre 15 à 17% et occupent une place non négligeable dans l'économie centrafricaine (élevage, commerce de gros et petit bétail, commerce de pierres précieuses et des produits de premières nécessités, import et export), dans la fonction publique, dans les représentations diplomatiques et dans les organismes internationaux tels que BONUCA, PNUD pour ne citer que ceux-là. Les Centrafricains convertis à l'islam ne représentent qu'une minorité (2 à 3%) de cette population musulmane à dominante tchadienne.

Depuis toujours, une paisible cohabitation existe entre les religions du pays que sont le Protestantisme, le Catholicisme, l'Islam et l'Animisme bien que le Christianisme (Catholicisme et Protestantisme) demeure la religion de la majorité des Centrafricains. Et j'affirme ici que notre « centrafricanité » consiste aussi en la préservation de cette paisible situation socioreligieuse qui ne doit tolérer ni accepter une quelconque forme d'intégrisme, comme nous le voyons avec la LRA de Joseph KONY avec ses tongo tongo qui écument le Mbomou et le Haut-Mbomou ou les adeptes de Boko Haram. Et nous sommes rattrapés aujourd’hui par ces abattages de porcs avec des armes de guerre et ces interdictions dans certaines régions de l’arrière-pays, de la vente de la viande boucanée par certains éléments de la défunte Coalition SELEKA...

II - BOGANDA, PRECURSEUR DE LA THEOLOGIE DE LA LIBERATION ?

Comme nous l'avons dit précédemment, pour Barthélemy BOGANDA, le Christianisme n'est pas un outil d'avilissement culturel ou de servilité. Et des faits corroborent cette assertion. En effet, très jeune, BOGANDA avait pris la décision de devenir prêtre et voici ce qu'il raconte, lui-même :

« Le 24 décembre 1922, je devenais chrétien. J'avais douze ans. Etre chrétien signifiait pour moi s'émanciper des coutumes ancestrales, devenir frère de l'humanité. J'ai été tellement déçu depuis. Le 25 décembre, après la première communion et la confirmation, je me présentai chez Mgr CALLOC'H pour lui exprimer ma volonté de faire tout ce qui dépendait de moi, de me soumettre à toute sorte de discipline, pour pouvoir, un jour, sortir mon pays et mes frères de la situation où ils se trouvaient. Une seule porte pouvait m'être ouverte, rendant possible cet idéal : le sacerdoce. Encore, j'en étais pas sûr, n'ayant jamais entendu dire qu'il existait des prêtres de ma couleur. Je me hasardai : '' Monseigneur, je veux travailler pour mon pays et mes frères''. Il connaissait déjà mes idées et mes dispositions. La réponse fut sèche : ''C'est dur et c'est très long.'' J'ai timidement répliqué : '' Je serai dur pour moi-même et je mettrai les bouchées doubles.'' Et je le fis ».

En exprimant sa déception d'une vision qui signifierait que le chrétien devait s'émanciper des coutumes ancestrales, Barthélemy BOGANDA rejoignait ainsi la congrégation de la Propagande, qui, en 1659, avait déjà publié l'instruction suivante à l'intention des missionnaires de l'époque :

« Ne mettez aucun zèle, n'avancez aucun argument pour convaincre ces peuples de changer leurs rites, leurs coutumes et leurs mœurs, à moins qu'ils ne soient évidemment contraires à la religion et à la morale. »

BOGANDA voulait donc devenir prêtre pour aider son pays et libérer ses frères qui ployaient sous la servitude coloniale des sociétés concessionnaires et de l'administration dont la plupart des missionnaires catholiques étaient alliés. Plus tard, alors qu'il effectuait ses activités sacerdotales à Grimari, il réussira à mobiliser les fidèles de sa paroisse pour qu’ils se prennent en charge. L’homme devant manger à la sueur de son front, des plantations de manioc, de bananes et autres, des ateliers de fabrication de meubles en rotin, grâce à une vision socio-économique de l’Église, virent le jour. Cette action, combinée à la SOCOULOLE, la Société Coopérative de l'Oubangui, Lobaye et Lessé, qu'il mit en place en 1948, et qui devait se préoccuper de l'alimentation, de l'habillement, du logement, des soins médicaux et de l'enseignement, démontrent clairement que l'action évangélique de BOGANDA est sous-tendue par une théologie qui convie les populations à prendre en compte leur contexte social immédiat et les conditions concrètes dans lesquelles elles vivent. Les termes de la lettre qu'il adressa à son évêque, éclaire davantage sa vision du Christianisme. Car pour lui, l'action religieuse doit être inséparable de l'action sociale.

« A mon ordination sacerdotale, écrivait-il, je me suis mis entièrement entre vos mains pour travailler à l'évangélisation de l'Oubangui. Aujourd'hui, comme au jour de mon ordination, je reste fermement décidé à faire tout ce qui dépend de moi pour contribuer au progrès moral, intellectuel et social du pays qui est le mien. En cela, je ne crois pas m'éloigner du point de vue de l’Église catholique ».

Pour toutes ces raisons, je pense que l'abbé Barthélemy BOGANDA, Fondateur de la République centrafricaine, a été, avant l'heure, un partisan de la Théologie de la Libération qui verra le jour dans les années 1970, en Amérique latine avec les Helder Camara, Gustavo Gutierez ou Léonardo Boff.
Il y' a lieu de préciser que les théologiens de la Libération, par définition, se veulent solidaires des plus pauvres et visent à expliciter la foi des communautés chrétiennes qui vivent l'oppression et la misère, mais qui sont portées par l'espérance évangélique. Loin d'être l'opium du peuple, le Christianisme bien compris et bien mis en pratique, est la Libération, laquelle est la manifestation de Dieu envers les opprimés et une exigence pour le chrétien. Cette Libération est donc tout ce qui vise à desserrer l'étau de l'exploitation économique et de la domination politique qui entrave la liberté du citoyen.



III - BOGANDA, CHRETIEN POLITIQUEMENT A GAUCHE ?

Abbé dérangeant, Barthélemy BOGANDA a été aussi un homme politique dérangeant par son non - conformisme, son franc-parler et une inaltérable soif de combattre l'injustice, l'oppression et la ségrégation sous toutes ses formes. Ainsi avait-il dénoncé en termes appropriés la négrophobie ambiante en Afrique Équatoriale Française et en Oubangui-Chari en écrivant :

« Jusque dans les églises, à la communion et à l'autel, et certaines prétendues maisons d'éducation religieuse sont de véritables camps de concentration où les jeunes gens et jeunes filles sont soumis à des châtiments corporels exagérés, contrairement aux termes de la Constitution et respect de la personne humaine ».

Aussi fustigeait-il encore le célibat hypocrite des prêtres, célibat qui n'est prescrit nulle part dans la Bible et qui n'est qu'une règle imposée par un homme, un mortel. Dans les autres religions, l'Islam par exemple, le mariage est autorisé. A ce propos, l’apôtre Paul qui vivait le célibat, dans l'une de ses épîtres, ne demandait pas à tout le monde de faire comme lui. C'est une option facultative pour tous ceux qui optent pour le sacerdoce. D'ailleurs, tout pasteur protestant doit obligatoirement être marié et nul ne peut être diacre dans les églises protestantes s'il est célibataire. De ce célibat donc, BOGANDA disait :

« Le Bon Dieu ne nous récompensera pas pour avoir fait des vœux ou fait semblant de les pratiquer. J'estime qu'il est plus digne de vivre avec une femme, que de faire un vœu auquel on manque constamment. Car le peuple aéfien n'est pas dupe! Nul n'a jamais cru à notre chasteté et il y a certainement plus de scandale à accrocher une femme souvent à l'occasion du Ministère de la Confession que d'en avoir chez soi, officiellement, au vu et au su de tous ».

« Libérer l'Afrique et les Africains de la servitude et de la misère », telle avait été la profession de foi de Barthélemy BOGANDA. Il fut alors membre en France, du Mouvement Républicain Populaire (MRP) aux côtés de l'Abbé GROUES, plus connu sous le nom d'Abbé PIERRE, pour mener en métropole son combat politique. Mais très tôt, il réalisa, comme nous le rapporte l’abbé Benoît Basile SIANGO dans son ouvrage précité, que le M.R.P. ne prenant pas en compte les problèmes sociaux de l'Oubangui, BOGANDA démissionna de ce parti d'obédience chrétienne et fit une fracassante déclaration au groupe parlementaire de l'Assemblée nationale :

« Depuis bientôt quatre ans, je vous ai suffisamment exposé l'état de servitude dans lequel vit le peuple Oubanguien depuis le début de la colonisation. J'ai imploré le concours de tous nos amis du groupe. J'ai écrit. Ma voix a été étouffée par les intérêts.

Depuis plus de deux ans, le ministre des Territoires d'Outre-Mer est M.R.P. Et mon pays vit toujours dans la servitude. Le M.R.P. a abandonné le monopole de la justice sociale Outre-Mer au Parti Communiste.
En m'abandonnant seul dans la lutte que j'ai entreprise pour la libération de l'homme noir, le M.R.P a renié sa mission humaine, nationale et catholique.

Je vous prie d'accepter ma démission. Candidat de l'Evolution Sociale en 1946, je reste indépendant et continue ma lutte pour la justice sociale. J'enverrai désormais à l'O.N.U. tous mes rapports sur cet état de servitude et d'injustice permanent dont le M.R.P. n'a jamais voulu s'inquiéter. J'espère en une justice meilleure ».

Toutes les prises de position de BOGANDA ainsi que son action politique montrent qu'il fut, à n'en pas douter, non seulement un panafricaniste, mais aussi et surtout, un humaniste que je n'hésiterai pas à classer politiquement à gauche.



IV - LE CENTRAFRIQUE PEUT-IL DEVENIR UN PAYS THEOCRATIQUE ?

Dans son communiqué du 28 décembre 2011, le président du parti politique qui avait contesté l’institution des journées de jeûne et de prière, écrivait :
:
« Le MDREC rappelle fermement au Ministre Josué BINOUA, au Premier ministre Faustin Archange TOUADERA et au Général président député François BOZIZE que le Centrafrique est un État laïc et non théocratique ».

Il est nécessaire de rappeler, à ce stade de notre exposé, que le terme théocratie, dans son acception première, désigne uniquement l'idée que Dieu gouverne et il a été inventé pour justifier un désintérêt des croyants pour la politique. Dans la mesure où la politique est la vie de tous les jours et que, par essence, le chrétien ou disciple du Christ doit être « sel et lumière du monde », cette première définition équivoque a évolué et aujourd’hui, le vocable théocratie est employé pour désigner des régimes politiques fondés sur des principes religieux ou gouvernés par des religieux. Je ne voudrais pas lancer ici un débat sur la thématique du « chrétien et la politique » bien que je sois partisan de ce que dans un pays comme la République Centrafricaine, il est nécessaire, voire utile que des croyant-e-s pratiquant-e-s et cohérent-e-s avec leur foi, soient le levier de l'activité économique, sociale et culturelle ou accèdent aux plus hautes fonctions de l’État pour que de bonnes décisions soient prises et exécutées dans l'intérêt des populations et, en même temps, je pense qu'il est très dangereux, voire suicidaire pour notre pays, que les ministres des cultes que sont les abbés, les pasteurs ou les imams cumulent les fonctions politiques et ecclésiastiques...

Dans notre pays, nous avons tous ou presque entendu parler de Ngakola, de Kanda, de Nzambé, des Urukuzu, des Toro, des Likundu etc. Et la croyance à l'existence d'un au-delà, d'une vie après la mort, la croyance aux relations entre les vivants et les défunts ou entre les vivants et Dieu, tiennent une grande place dans notre vie concrète et quotidienne. Même si nous n'avons jamais mis pied dans une église, dans un temple ou dans une mosquée, nous n'hésitons pas à crier Nzapa ! ou Allah ! , en cas de danger ou pour clamer notre innocence en cas d'accusation, qu'elle soit fondée ou non. Nous, Centrafricain-e-s, sommes caractérisé-e-s par une religiosité et une spiritualité que nous ne pouvons pas nous en départir. Elles sont notre ADN. Et c'est pour cette raison, je crois, que nous avons été convertis sans peine au Catholicisme, au Protestantisme, à l'Islam ou que certains d'entre nous, minoritaires, certes, sont encore animistes ou athées...

Nous nous souvenons sans doute de l’époque KOLINGBA où la journée du 30 juin a été décrétée, chaque année, journée nationale de prières et de jeûne. Nous devons encore nous souvenir que durant ces journées, la chanson « é yé téré na popo ti é » nous incitait à l'unité et le message « si mon peuple sur qui est invoqué mon nom s’humilie, prie et recherche ma face, s'il revient de ses mauvaises voies, moi, je l'écouterai des cieux, je lui pardonnerai son péché et je guérirai son pays - 2 Chroniques 7/14 » était commenté dans toutes les églises chrétiennes. Les musulmans, de leur côté, observaient également cette journée.

Pourtant, à cette époque-là, il n'y avait pas de véhémente réprobation car les politiques, les athées ou les animistes s'accommodaient de cet état de fait. Et les travailleu-rs-ses Centrafricain-e-s, durant la crise sociale 2000-2001, à l'ère du Changement de PATASSE, avaient pris l'habitude de faire dire des prières, à l'ouverture et à la levée des assemblées générales qui se tenaient les samedi à la Bourse du travail. La plus grande marche pacifique des travailleurs, organisée par la Coordination Nationale des Centrales Syndicales (CNCS) le vendredi 24 novembre 2000 et qui avait été couverte par un envoyé spécial de la radio panafricaine Africa N°1, avait démarrée après qu’une prière fut dite et les leaders syndicaux Théophile SONNY-COLE, Jean-Richard SANDOS OUALANGA, Sabin KPOKOLO, Louis-Salvador NGHO, Jean-Marie NGUIMA et tous les marcheu-rs-ses n'avaient pas quitté la Bourse du travail, à l’issue de cette marche, sans qu'une syndicaliste eût remercié Dieu !

Nous avons appris de la bouche même du Chef de l’Etat de Transition que lors de l’avancée de la défunte Coalition SELEKA sur Bangui en mars dernier, les combattants devaient jurer sur la Bible ou le Coran qu’ils ne devraient pas se livrer à des actes contraires aux principes énoncés dans ces LivresSaints. Le 02 septembre 2013, en recevant les FACA et les SELEKA qui devaient être dissous ce même jour, il a rappelé cet engagement en ajoutant que tous ceux qui ne respecteraient pas ce type d’engagement devaient mourir ! Il est vrai que cela n’a pas empêché toutes ces horreurs que nous avons connues et il ne serait pas intellectuellement honnête et juste de ne pas tenir compte de la crainte de Dieu ou Allah, si ouvertement exprimée. Lors des opérations d’identification des combattants de l’ex Coalition, un collègue Conseiller National représentant de la Coalition SELEKA et membre de la Commission Défense et Sécuritéque je préside, m’a confié qu’en sa qualité d’officier, il a également juré sur le Coran pour répondre aux questions liées à l’enregistrement des combattants qui, eux aussi, devaient également le faire la Bible ou le Coran avant de déposer…

Ainsi donc, je pense profondément que notre pays vit à sa manière ''sa laïcité'' et que les manifestations officielles au cours desquelles Dieu ou Allah est invoqué ne transformeront jamais la République Centrafricaine en un cinquième pays théocratique après le Vatican, l'Arabie Saoudite, la République des Maldives et la République Islamique d'Iran. Puis-je rappeler qu’aux États-Unis, avant d'entrer en fonction, le président élu prête serment sur la Bible et le pays de Georges Washington et de Barack Obama n'est pas théocratique pour autant !

Nous devons tout mettre en œuvre pour préserver cette spécificité religieuse centrafricaine, tout en étant vigilants. Aussi et surtout, nos Autorités ecclésiastiques, à savoir la Conférence Episcopale Centrafricaine (CECA) et l’Alliance des Evangéliques de Centrafrique (AEC) se doivent de demeurer la sentinelle de nos âmes et persévérer dans la dénonciation des dégradations morale et spirituelle ainsi que les injustices sociales et les conséquences de toute cette folie humaine qui a embrasé notre pays. Elles le font déjà si bien et, pour ma part, je ne peux que me réjouir de toutes les actions qu’elles entreprennent pour éradiquer le fléau qui s’est abattu sur nous, pour panser les plaies de nos cœurs brisés, pour nous consoler, pour nous aider à nous réconcilier et ramener une paix durable dans notre pays qui n’a que trop souffert depuis la première alternance politique, pourtant démocratique, de 1993…

En revenant à la sortie du MDREC évoquée au début de mon intervention, je pense que loin d'être inopportune si nous considérons tout ce que nous venons de voir, cette réaction viserait à freiner et éradiquer, en dernière analyse, un cléricalisme rampant qui semble gagner notre pays et pour lequel il faut, ici et maintenant, contrer en organisant juridiquement et politiquement les relations entre l’État et les religions, tout en tenant compte de nos réalités. Et ce, pour préserver la République, le « Berceau des Bantou et Terre de nos Ancêtres » de toute dérive sectaire aux conséquences incommensurables pour la Paix et l'Unité !

Aujourd’hui, les destructions, les saccages et les vols des biens des communautés chrétiennes, notamment la destruction du Foyer de la Bible au Centre Protestant de la Jeunesse (CPJ) par les combattants de la défunte Coalition SELEKA, confirment, s’il n’en est encore besoin, de la nécessité de tuer dans l’œuf les velléités d’affrontement inter religieux. Et les récents et graves évènements de Bossangoa, Bouca, Paoua, Markounda et Bohong où les partisans de l’ancien régime ont pris comme bouclier humain les populations chrétiennes tout en massacrant les populations musulmanes et les combattants de la défunte Coalition SELEKA en ont trouvé là, une occasion rêvée de « casser »-permettez-moi le terme- encore et toujours du chrétien. Nous devons condamner sans équivoques tous ces actes qui ont atteint le sommet de l’ignominie par le fait de brûler père, mère et enfants de même famille dans des cases ou d’égorger des créatures divines comme des moutons !

V - NECESSITE D'UNE ORGANISATION CLAIRE DES RELATIONS ETAT-RELIGIONS

Je voudrais, avant de poursuivre cette plaidoirie, ne pas faire preuve d'un certain nombrilisme en parlant de moi, en proclamant ma foi de chrétien protestant, baptisé à l’Eglise Evangéliques des Frères des Castors, membre des Eglises Apostoliques de Centrafrique (Avenue de France 1 puis Kpéténé), ancien UJCiste et ancien Président de l’Association de la Diaspora Africaine Chrétienne en France (ADAC). Je souhaite ardemment que l'on ne se méprenne pas sur les motivations qui sont les miennes, à travers ce que je me propose de continuer de dire, en tant que citoyen de la terre et citoyen du ciel.

Qu'il me soit permis de livrer ici cette anecdote. Dans les années 80, lors de la correction des épreuves de sciences physiques du baccalauréat D au centre d'examen du lycée Marie-Jeanne Caron de Bangui, je me retrouvai devant une copie d’un-e candidat-e qui, visiblement, avait fait une impasse. Ce candidat s’est mis à prêcher la Parole de Dieu ! Ce n'était ni de la chimie, ni de la physique que je découvris dans cette copie ! Je n'hésitai pas à coller la note zéro sur vingt, quand bien même j'avais devant moi, à travers cette copie, un frère ou une sœur en Christ ! Notre candidat-e s'imaginait qu'en procédant ainsi, il ou elle pouvait, par une intervention divine, combler ses lacunes...

Au cours de cette même période, en République Centrafricaine, on assistait à ces situations invraisemblables où, certain-e-s croyant-e-s se livraient à des révélations pseudo-prophétiques du genre : « Dieu m'a dit que la femme ou l’homme avec qui tu vis n'est pas celle ou celui qu’Il a prévu-e pour toi... » Ou bien, « Dieu m'a dit que je dois venir te voir, mon cher frère, ma chère sœur, pour que tu me résolves tel ou tel problème ! » etc.

Ces exemples que j'ai cités et qui sont légion - vous conviendrez avec moi - sont la manifestation d’une mauvaise interprétation de la Parole de Dieu et de dérives sectaires de certains groupes religieux qui, par une manipulation mentale, détruisent non seulement leurs adeptes sur le plan physique ou psychique, mais aussi la famille et la société à partir d'une triple escroquerie intellectuelle, morale et financière.

Le 24 février 2009, le ministre de l'Administration du Territoire et de la Décentralisation, Elie OUEFIO, avait interdit de culte l' « Eglise évangélique homme temple de Dieu » pour ''pratiques immorales''. De source gouvernementale, cette « Eglise » dans laquelle la Bible était interdite (!), le gourou se livrait à des pratiques ''mystiques'' qui portent atteinte à la personne physique et morale de ses fidèles. Il avait été découvert qu'un jeune homme, adepte de cette secte, s'était coupé le sexe de retour d'un culte pour « obéir aux pratiques de l’Eglise » !

Je vais appuyer mes propos par cette autre réaction, celle d'un responsable d'église qui avait juré d'obtenir le départ du gouvernement d'un ministre de l'Intérieur, Michel Paulin BONDEBOLI, qui, le 29 octobre 2003, avait pris des mesures contre la prolifération et l'implantation anarchique des Eglises protestantes. Selon ces dispositions réglementaires, pour être juridiquement reconnues, les Eglises protestantes doivent entre autres avoir un minimum de 1000 adhérents et être implantées dans au moins trois des 16 préfectures que compte le pays. Le ministre a aussi stigmatisé les ''diverses ramifications'' des Eglises évangéliques qui font suite, pour la plupart, à des querelles à connotation tribales, matérielles, ainsi que pour des raisons ''mercantiles''.

Comment un responsable d’Eglise peut-il vouloir faire démissionner un ministre de la République qui, par définition, est le garant du respect de l'ordre public dans un pays où la Constitution stipule clairement que toute forme d'intégrisme religieux et d'intolérance est interdite ? Dieu n'est-il pas un Dieu d'ordre ? Et que signifie l’expression « à César, ce qui est à César et à Dieu, ce qui est à Dieu » ?

VI – APPROCHE DE DEFINITION DE LA LAICITE CENTRAFRICAINE


Dans le traditionnel message des Evêques de la CECA du 03 janvier 2012 aux chrétiens, aux hommes et femmes de bonne volonté (Le Citoyen N° 3783-11/01/12), nous lisons :

« L’Eglise de son côté et de par sa vocation s'engage toujours dans le domaine de l'éducation selon ses moyens, avec la contribution des parents et le soutien de l’Etat, afin d'offrir une éducation qualitative basée sur les valeurs chrétiennes et morales. En tout état de fait, l’Eglise ne pourra en aucun cas se substituer à l’Etat par rapport à cette charge qui relève de sa souveraineté...Que l’Etat prenne ses responsabilités... »

Ces extraits du message des prélats Centrafricains, desquels nous devons retenir le principe fondamental de séparation ou mieux, de précision des ''domaines de définition'' ou ''espace de validité'' de l’Etat et de l’Eglise mais qui peuvent interagir sans pour autant empiéter sur leur respective première attribution, nous amènent à entrevoir la définition de la « laïcité centrafricaine » que nous allons affiner grâce à nos réalités.

Comme nous l'avons vu au début de cette plaidoirie, Barthélemy BOGANDA, Fondateur de la République centrafricaine, fut un précurseur de la théologie de la Libération et avait à cœur le progrès social.des Africain-e-s et de ses frères et sœurs de l'Oubangui-Chari. Pour ma part, je pense pouvoir établir sans peine une certaine similitude entre le combat politique de Barthélemy BOGANDA et le socialisme de Jean JAURES. En effet, pour le père du socialisme français, la République correspond à l'articulation entre le combat laïque (séparation de la sphère privée et de la sphère publique, tant sur le plan religieux, institutionnel, qu'économique) et le combat social (luttes contre les injustices et les inégalités), tous deux porteurs des principes républicains. Le socialisme de JAURES étant une alliance de la République sociale et du combat laïque, il en est de même de la philosophie politique de Barthélemy BOGANDA et la République centrafricaine se doit de tout mettre en œuvre pour barrer la route aux dérives intégristes de groupuscules religieux qui n'acceptent pas le primat des lois et règlements de la République, comme ce ministre du culte qui veut faire démissionner un ministre de la République !

Aujourd'hui, nous avons assisté et assistons encore, à l'apparition d'une forme de cléricalisme, c'est à dire, l'ingérence ostentatoire des ministres du culte dans les affaires de l’Etat. Le processus électoral qui a abouti aux élections sujettes à caution de 2011 a été une belle illustration de cette nouvelle donne dont les premiers signes sont apparus depuis les élections de 2005. Et il nous faut maintenant recadrer la ‘’ cohabitation Etat – Eglise ‘’. Nous avons l’impérieuse nécessité de nous atteler à cette tâche. Sinon, la situation que nous venons de vivre à Bossangoa et qui a failli ouvrir la porte à un mal plus pernicieux et plus dévastateur que le tribalisme, le régionalisme, l’égoïsme, la division et l’absence de sentiment national. Si nous n’agissons pas courageusement maintenant, le fondamentalisme et l’intégrisme religieux vont provoquer une implosion nationale …

Les évènements en République Démocratique du Congo où le président de la Commission Electorale Nnationale Indépendante (CENI), le pasteur Daniel NGOY MULUNDA a été mis en cause dans la confiscation de la volonté du peuple congolais, et qui ne sont pas sans rappeler un « 23 janvier 2011 » en République centrafricaine, devraient nous inciter à mieux penser notre laïcité qui, tout en nous permettant, dans notre vie religieuse, d'établir un pont entre la sphère privée et la sphère publique, et de faire en sorte que les religions ( Protestantisme, Catholicisme, Islam) soient républico-compatibles dans le Centrafrique de Barthélemy BOGANDA.

CONCLUSION

Nous pouvons dire que dans la laïcité centrafricaine, l’Etat est en intelligente interaction avec les religions, les ministres de la République ne doivent pas devenir ministres des cultes et réciproquement, et que la vie religieuse du citoyen ne relève pas obligatoirement du domaine de la vie privée qui, elle, peut se confondre à la vie publique, dans les limites qu’une LOI doit préciser…

Je lance un appel à mes collègues Conseillers Nationaux intéressés par cette question ainsi qu’à toutes les bonnes volontés de se manifester pour poursuivre la réflexion par l’élaboration d’une proposition de loi, à l’instar de la loi de 1905 qui réglemente les associations cultuelles en France.


Centrafricainement vôtre.

Clotaire SAULET SURUNGBA

NOTES :
Théologie de la libération :
La théologie de la libération est un courant de pensée théologique chrétienne venue d’Amérique latine, suivi d’un mouvement socio-politique (la praxis), visant à rendre dignité et espoir aux pauvres et aux exclus et les libérant d’intolérables conditions de vie. Enracinée dans l’expérience biblique du peuple juif guidé par Dieu au-delà de la mer Rouge et à travers le désert-d'une terre d'esclavage (Égypte) à la Terre promise (Exode, XII), elle est un cri prophétique pour plus de justice et pour un engagement en faveur d’un « Règne de Dieu » commençant déjà sur terre.
( http://fr.wikipedia.org)

Laïcité :
La laïcité est le caractère de ce qui est indépendant des conceptions religieuses ou partisanes. C’est un système qui exclut les Eglises de l’exercice du pouvoir politique ou administratif, et en particulier de l’organisation de l’enseignement public.
(Larousse)


BIBLIOGRAPHIE :

• Arrêté N° 038/MATD/DIR.CAB
• Communiqué N°08/MDREC/2011
• Constitution de la République centrafricaine (27 décembre 2004)
• Cahiers d’études africaines, 175/2004 – Barthélemy Boganda et l’Eglise catholique en Oubangui-Chari- Côme Kinata (http://etudesafricaines.revues.org)
• Laïcité
• (http://fr.wikipedia.org)
• Trilogies- entre le cosmique, l’humain et le divin
• (www.trilogies.org)
• Les « laïcités africaines » face au défi de l’intégration- Colloque Eglises et Immigration-
• Clotaire Saulet Surungba – Paris, mars 2006
• (www.sangonet.com)
• Le Citoyen – N° 3783 du 11/01/2012
• Barthélemy Boganda – Benoît Basile Siango- Bajag-Meri
• La laïcité – Un combat pour la paix – Jean Glavany – septembre 2011- Editions Héloïse d’Ormesson
(www.editions-heloisedormesson.com)
• Décret N° 13.296 du 22 août 2013.



Par
Clotaire SAULET SURUNGBA

Conseiller National
Président de la Commission Défense et Sécurité
Représentant de la Diaspora-Zone Europe au CNT

Lundi 16 Septembre 2013