Pluies et vents sur la
République Centrafricaine
La République
Centrafricaine s’achemine clopin-clopant vers un referendum constitutionnel ce
dimanche 13 décembre, et des élections présidentielles et législatives à partir
du 27 de ce même mois. On applaudirait des deux mains à cet exercice
démocratique si les dés n’étaient pas pipés d’avance et les résultats
verrouillés.
1 - Le malentendu
constitutionnel
Le projet de
constitution soumis à referendum ce dimanche 13 décembre 2015 sera plébiscité,
sans véritable débat. Pourtant, c’était l’occasion rêvée pour poser les
questions de forme et de fond : de forme sur le serment du futur président,
de fond sur la création d’un sénat ou la problématique soulevée par la partition
du pays. Ces questions n’ont pas été débattues, hélas !
Cependant, le projet
qui sera adopté et promulgué est identique à la constitution de 2004 ainsi qu’à
la Charte Constitutionnelle de la transition en cours. Le projet soumis au vote
ne diffère de ces deux derniers textes que par l’introduction d’un sénat,
création dont le principe avait été rejeté par les recommandations du Forum
inter-centrafricain d’avril-mai 2015, il y à peine 7 mois !
Si cette constitution
est approuvée, alors le principe de l’indivisibilité du territoire prévaudra.
Nul ne peut prétendre à la sécession, sauf à déclencher une guerre civile. La
prétention du chef rebelle Nourredine Adam visant à l’instauration d’une
République du Logone s’inscrit dans cette logique. Celle-ci ne date pas
d’aujourd’hui. Dans les années 70-80, déjà, le futur président Ange-Félix
Patassé et ses thuriféraires en faisaient leur bataille politique. Cette idée
est à l’origine de la tentative du coup d’Etat avorté ourdi par le couple
Patassé-Bozizé en 1982.
Cette prétention
repose sur une mauvaise lecture historique ; les frontières de l’actuelle
RCA ne sont pas les mêmes que celles du territoire français de l’Oubangui-Chari
en 1930.
A cette époque, les
frontières nord du pays couraient jusqu’aux confins de Fort-Lamy, aujourd’hui
N’Djaména, capitale du Tchad. A la même époque, la frontière ouest ne comprenait
pas la région de Nola ou Carnot ; la Haute-Sangha faisait partie du
Moyen-Congo. Le nord-ouest était partagé entre le Cameroun et le Tchad. Par
contre, la frontière sud englobait bien la Basse-Kotto et le Mbomou,
contrairement aux assertions de l’ancien parlementaire Luc Appolinaire Dondon,
qui considérait les populations de ces zones comme
exogènes.
Les frontières
actuelles de la RCA résultent des conséquences tragiques de la construction du
chemin de fer Congo-Océan entre Brazaville et Pointe-Noire. Ce long chantier fit
plus de 15.000 morts et dépeupla le sud tu Tchad, région ou l’administration
coloniale recrutait, pour 2 sous (pata oussê, en sango), la main d’œuvre
nécessaire au tracé des voies et à la pose des rails.
Pour masquer cette
déperdition humaine et ne pas alerter l’opinion publique, le ministère des
colonies modifia le tracé des frontières et intégra le nord de l’Oubangui-Chari
au bénéfice du territoire tchadien. On camouflait ainsi un crime contre
l’humanité du fait des conditions sanitaires et de travail mortifères du
chantier Congo-Océan.
Nourredine Adam a
tort de revendiquer l’indépendance de la Vakaga et du Bamingui-Bangoran. Ces
régions ont toujours fait partie intégrante, hier de l’Oubangui-Chari,
aujourd’hui de la République Centrafricaine.
Bien au contraire, la
RCA serait fondée à réclamer la restitution de la région de Sarh et du Grand
Sidot. Las ! La convention de l’OUA de 1963, en invoquant l’intangibilité
des frontières héritées du colonialisme, rend caduques de telles exigences
territoriales.
C’est le débat qui
aurait du poser les discussions sur le fond du referendum constitutionnel afin
de couper court à toute velléité sécessionniste. En refusant le déploiement du
processus référendaire et électoral dans les zones sous contrôle des ex-Séléka,
Nourredine Adam impose un diktat aux populations de ces régions. Il leur
interdit de se prononcer démocratiquement et de manifester leur volonté, de
rester ou non, au sein de la communauté nationale centrafricaine. Ce faisant, il
tord le cou aux prédictions de son chef, le président autoproclamé Michel
Djotodia. Ce dernier prophétisait que les populations de ces régions voteraient
pour la partition si la parole leur était donnée. Par deux fois, celles-ci ont
dit non, hier au cours des consultations populaires à la base qui ont nourri les
recommandations du Forum inter-centrafricain de Bangui, aujourd’hui par la faute
de Nourredine Adam qui les bâillonne.
2 – Trente appelés et
15 tondus
Les folles rumeurs
concernant les candidatures pléthoriques aux prochaines élections
présidentielles se confirment : 45 postulants ont fait acte de candidature,
soit un candidat pour 100.000 habitants. Il y a plus de candidats-présidents que
de médecins en Centrafrique. Ce n’est plus une élection, c’est la basse-cour. Du
coup, les candidats crédibles ont préféré renoncer, pour ne pas rajouter au ridicule de la situation.
De tous ces
prétendants au fauteuil présidentiel, 15 ont été recalés. Mais les décisions de
la Cour constitutionnelle de transition ne sont pas toutes formellement
motivées, ce qui peut prêter le flanc à la critique. En effet, une chose est de
reprocher à François Bozizé de ne pas être inscrit sur les listes électorales,
une autre est de dire simplement le droit ; M. Bozizé ne peut concourir
pour trois mandats présidentiels consécutifs. Cela lui est constitutionnellement
interdit, soit par la loi fondamentale de 2004, soit par la Charte
constitutionnelle de la transition.
Les caciques du KNK
le savaient et ont néanmoins tenté un coup de bluff inutile et dangereux pour la
sécurité et l’ordre public.
A l’inverse du
président déchu, trente postulants ont fait valider leur candidature. Ce schéma
les rend tous inaudibles. On cherche d’ailleurs en vain leurs projets et leur
vision pour l’avenir de la RCA.
Ce sont tous
d’anciens premiers ministres ou ministres, à l’exception d’une palanquée
d’aigrefins. Ils partagent la responsabilité de l’effondrement du pays et de sa
descente aux Abysses.
Certains ont
participé à l’appel fait aux miliciens du chef rebelle congolais Jean-Pierre
Bemba pour mater les populations civiles innocentes appartenant à l’ethnie du
général André Kolingba, au prétexte du coup d’Etat avorté du 27 mai 2001
revendiqué par ce dernier. D’autres ont mis le pays en coupes réglées et
dilapidé les fonds publics à leur seul profit, dans le scandale du Zongo Oil ou
le détournement d’un prêt indiens de 20 millions de dollars. D’autres encore se
sont dévoyés en couvrant les prédations et exactions commises par les «
libérateurs » tchadiens ayant accompagné le général François Bozizé dans
son insurrection militaire de mars 2003. D’autres enfin se gargarisent d’avoir
prêté leur entregent à l’élargissement d’un assassin notoire, en échange de la
libération d’un prêtre polonais, enlevé comme otage et objet de troc
humain.
Faute de programme,
chacun se prévaut de ses soutiens extérieurs ; qui du Tchad, qui du Congo
et qui du parti socialiste français ou de l’internationale socialiste (IS). A
l’égard de ces derniers, nous seront charitables : Laurent Gbagbo se
réclamait de l’Internationale socialiste et comparait désormais devant la Cour
pénale internationale. « Nul n’est prophète en son
pays ».
Cette dispersion des
candidatures, qui rend tout rassemblement futur éphémère ou illusoire, ne vise
qu’un seul but. Chacun espère émarger au partage des rentes minières ou
forestières à venir, si maigrichonnes furent-elles.
En adoptant un code
de bonne conduite pour une campagne électorale apaisée, les uns et les autres
conviennent d’un pacte de non agression, et s’accordent une impunité réciproque.
On pousse la poussière sous le paillasson.
Quel que soit le
nouvel élu, la République Centrafricaine ne s’en sort pas gagnante, la
démocratie et la justice non plus.
Paris le 10 décembre
2015
Prosper INDO
Président du
CNR