Centrafrique : Chroniques
douces-amères – 2
« Sans la
liberté de blâmer, il n’y a point d’éloges
flatteurs »
(Beaumarchais)
Michel Djotoia y croit
toujours.
Selon la dernière livraison de
l'hebdomadaire Jeune Afrique, Michel Djotodia est convaincu du retour au pouvoir
de la rébellion de l'ex-Séléka. L'ancien président démissionnaire de la
transition cède ainsi au syndrome du criminel, lequel revient toujours sur les
lieux de ses crimes. Voici Catherine Samba-Panza prévenue.
Mais le leader de l'ex-alliance
doit comprendre que le peuple centrafricain a maintenant apprit ce que coûte la
liberté. Il la fera désormais payer au prix du sang.
Chasser le naturel, il revient au
galop.
En représailles semble-t-il à
la mort de deux musulmans à Liwa, des éléments de l'ex-Séléka stationnés dan la
capitale de la Ouaka, renforcés par des éleveurs peuls, ont mené une action
punitive dans cette localité proche de Bambari.
Résultats : 22 morts, des
dizaines de blessés et plus de 130 maisons détruites ou
incendiées.
Sur le chemin du retour, la
phalange des ex-Séléka est prise à partie par des jeunes chrétiens à l'entrée de
Bambari. Pour se dégager, elle jette une grenade dans la foule et prend quatre
personnes en otages pour protéger ses arrières. Le lendemain, deux des otages
sont exécutés sur la place publique de Bambari ; sans doute en application
d'une prescription de la charia. Chasser le naturel…
Le général Zundeko, nouveau
chef d'état-major du groupuscule rebelle porte l'entière responsabilité de cet
acte de barbarie. Son état-major devra rendre compte devant le CPI de ces
exécutions extra-judiciaires qui, en droit international, sont un crime contre
l'humanité.
L'assemblée générale rebelle
reportée.
L'assemblée générale de
l'ex-alliance Séléka prévue pour le 12 juin
C'est le général Ramadan
Rizigala, coordonnateur adjoint de la coordination politique provisoire qui est
chargé de cette opération de recensement, en l'absence de son sup »rieur
hiérarchique, le général Abdoulaye Hissein. Ce dernier, en sa qualité de
conseiller à la présidence de la transition, accompagnait le premier-ministre
André Nzapayéké lors de sa visite de travail à Khartoum.
La présidente de la transition
peut dormir sur ses deux oreilles, elle est bien entourée.
Reconstitution de ligue
dissoute.
L'assemblée générale de
l'ex-alliance Séléka visait à la transformation du groupuscule armé en parti
politique. Théoriquement, cet objectif est
inatteignable :
-
l'article 21 de la Charte
constitutionnelle de la transition le leur interdit formellement, en ses alinéa
2 et 3.
La transformation d'une ligue
dissoute en parti politique place les dirigeants de cette instance sous le coup
de la loi. Le ministre de l'administration du territoire devrait se renseigner
avant d'accorder son agrément, au risque de se faire le complice de la
reconstitution d'une association de malfaiteurs en bande organisée en vue d'une
entreprise terroriste.
Une bonne nouvelle : les
préconisations du groupe des 30 incognito.
Le groupe des trente
personnalités réunies à huis-clos pour préparer le prochain dialogue politique
inclusif a délivré vendredi dernier 13 juin ses
recommandations :
-
instaurer un cessez-le-feu
préalable à tout dialogue ;
-
restaurer l’autorité de l’Etat
par la création d’un service civique national et une lutte efficace contre les
discriminations ;
-
reconstituer l’armée en
s’appuyant sur les états généraux de Défense et de sécurité de 1996 et sur le
dialogue politique inclusif de 2008 ;
-
restaurer le vivre-ensemble en
mettant en place une commission
vérité-réconciliation.
Sécurité, restauration de
l’état de droit, indépendance de la presse et de la justice, telles sont les
priorités préconisées. Autant parler de la grossesse d’une éléphante qui
accouche d’une souris. Quant à la liste des heureux congressistes, elle demeure
incognito.
Une mauvaise nouvelle :
Catherine Samba-Panza n’est pas candidate !
Madame Catherine Samba-Panza
n’est pas candidate aux prochaines à l’élection présidentielle de février
Et pour cause, la Charte
constitutionnelle de la transition l’interdit (art.101).
Sauf à commettre un parjure, la
présidente de la transition, tout comme les membres du gouvernement de la
transition et ceux du bureau du Conseil national de la transition, ne peuvent
être candidats.
Quel intérêt à diffuser une non
information ?
Grève des enseignants de
l’université de Bangui.
Les membres du syndicat
national autonome des enseignants du supérieur (SYNAES) ont décrété le lundi 16
juin 2014 une grève de 72 heures.
Sous le motif de « barrer
la route aux ennemis de la paix, ceux qui ne veulent pas de l’éducation de nos
enfants », le Synaes exige :
-
le paiement intégral des frais
de vacations et des heures supplémentaires de l’année académique
2011-2012 ;
-
l’intégration des enseignants
contractuels du supérieur dans la fonction
publique ;
-
l’insertion du corps des
auxiliaires dans la nouvelle grille
salariale ;
-
la consultation du syndicat
dans la prise des grandes décisions qui engagent la vie des enseignants du
supérieur.
Ce mouvement étonne. Le Synaes
n’ignore pas la situation dramatique du pays, au plan politique, économique,
financière et … sécuritaire. Comment comprendre l’exigence d’une
comptabilisation des vacations et heures supplémentaires d’une année déclarée
blanche avec les contraintes de l’heure ?
A lire les revendications du
Synaes, on pense à cette phrase du président déchu François Bozizé, maître
ès-cynisme, à l’occasion d’une précédente grève des enseignants :
« mes enfants n’ont pas fait l’université, cela ne les empêche pas d’être
ministres ».
Tentative de coup d’Etat ou
intoxication ?
Les autorités de la transition
sont convaincues d’avoir déjoué une tentative de coup d’Etat au lendemain de
l’attentat contre l’église Notre-Dame de Fatima, le 28 mai 2014. Et
d’énumérer :
-
29 mai 2014, barricades
dressées dans toute la ville de Bangui ;
-
30 mai 2014, marche de
plusieurs milliers de personnes en direction de la place de la République. Les
autorités affirment que les manifestants étaient payés et encadrés par des
éléments des forces armées centrafricaines en civil afin de permettre à la Garde
présidentielle de s’emparer du Palais de la
Renaissance ;
-
31 mai 2014, le
premier-ministre affirme détenir la preuve de la présence de mercenaires venus
de la République démocratique du Congo à Bangui dès la fin avril 2014 et dévoile
la découverte d’une cache d’armes appartenant aux anti-Balaka à proximité du
quartier PK5 !
C’est dans ce contexte de
clair-obscur que le procureur de la république de Bangui met à la disposition de
la presse un mandat d’amener à l’encontre du Ministre conseiller à la présidence
Jean-Jacques Demafouth pour « atteinte à la sûreté de l’Etat », mandat
non exécuté du fait de l’ingérence de l’exécutif. La mise en cause ne
bénéficiant d’aucune immunité, on s’interroge sur les raisons de cette entrave à
la justice dont l’indépendance est ainsi bafouée. Les mêmes autorités se
précipitent pour stigmatiser l’impunité ! Cynisme ou
pusillanimité ?
Un énième candidat à la
présidentielle de 2015.
La liste des présidentiables
s’allonge. Le 10 juin dernier, l’apôtre Théodore Kapou, 50 ans, ancien président
de la communauté des églises apostoliques de Centrafrique, a annoncé qu’il
allait se présenter à l’élection présidentielle de février 2015
prochain.
On connaissait les martyrs de
l’Ouganda. Mais c’est la première fois qu’un apôtre s’aventure sur le devant de
la scène politique, si l’on excepte l’engagement quasi messianique de Barthélémy
Boganda.
Le nom de l’apôtre Kapou
accroche la mémoire de mon enfance, celle de mon bel oncle Jean-Baptiste Kapou,
dont l’apôtre pourrait être le fils. Ce bel oncle maternel m’avait instruit de
l’histoire de Ngoutidé, rapportée plus tard par le chercheur Andrea Ceriana
Mayneri, dans « Sorcellerie et prophétisme en Centrafrique », selon
laquelle ce jeune homme de l’ethnie banda, converti au catholicisme, se lança
dans la destruction ostentatoire des gris-gris et autres fétiches cultuels
traditionnels afin de battre en brèche le poids de la sorcellerie dans les
violences intercommunautaires. Il fit si fort et si bien qu’ayant réussi dans
son entreprise de conversion et quelques miracles de guérison, il fût glorifié
comme « le plus grand des Banda ». Considéré à la fin de sa vie comme
un prophète, Ngoutidé ne se mêla point de politique. Gageons que l’apôtre
Théodore Kapou suivra ses pas.
Paris, le 17 juin 2014
Prosper
INDO