Centrafrique : une transition en
panne, qui va à vau-l'eau – « Catherine Samba-Panza s'est mise dans la peau
d'une présidente de la République, élue de la nation, qu'elle n'est pas. »
Par
Didier Niewiadowski - Jeune
Afrique, 24/11/2014 à 11:55
Didier
Niewiadowski a été conseiller de coopération et d'action culturelle à
l'Ambassade de France à Bangui (2008-2012).
Depuis
les Accords de Libreville du 11 janvier 2013, trois chefs de l’État, trois
Premiers ministres, quatre gouvernements, une centaine de ministres et autant de
conseillers-ministres ont eu la charge du pouvoir exécutif. L'impunité règne à
tous les niveaux, huit préfectures sur seize sont contrôlées par les ex-Séléka
et des centaines de milliers de Centrafricains sont en exode. Comment en est-on
arrivé là ?
Un
pouvoir exécutif surtout préoccupé par ses prébendes
Catherine
Samba-Panza s'est mise dans la peau d'une présidente de la République, élue de
la nation, qu'elle n'est pas.
Une
fois élue, le 20 janvier 2014, Catherine Samba-Panza est tombée dans les travers
du népotisme et du pouvoir personnel. De nombreux parents Banda-Gbanziri
et des vieilles connaissances ont été invités à la "mangeoire". L’affaire du don
angolais, qualifié pudiquement de "vice de procédure" par Mahamat Kamoun, n’est
qu’une des nombreuses affaires qui alimentent la chronique. Catherine
Samba-Panza s'est mise dans la peau d'une présidente de la République, élue de
la nation, qu'elle n'est pas. Des libertés avec la Charte constitutionnelle
avaient été prises dès le départ du Premier ministre André Nzapayéké et son
remplacement par Mahamat Kamoun. Cet ancien directeur de cabinet de Michel
Djotodia, dont le parcours au ministère des Finances s'était terminé, en 2007,
par un exil précipité aux États-Unis, est loin de faire consensus. Avec la règle
de l’inéligibilité, le gouvernement est essentiellement composé d’anciens
ministres qui avaient fait leur deuil de la vie politique et d’ambitieux, sans
expérience, mais proches de la chef de l’État. C'est ainsi qu'une assistante
d’éducation d'un lycée de Mantes-la-Jolie est ministre de l’Éducation
nationale.
La
légitimité contestée du Conseil national de la transition
(CNT)
La
plupart des 135 conseillers du CNT, nommés par le tandem Djotodia-Tiangaye, sont
soit proches de l’ex-Séléka soit des opposants notoires au président Bozizé.
Quant au bureau du CNT, il est présidé par un des premiers ralliés aux
ex-Séléka, converti à l'islam, qui avait accumulé les déboires en politique.
Entré en conflit avec le pouvoir exécutif, il contribue aussi à paralyser la
transition.
La
Minusca rencontre les mêmes difficultés que la Misca pour désarmer et arrêter
les criminels.
Les
erreurs d’appréciation d’une crise mutante
Le
médiateur, le président Denis Sassou Nguesso, l'ONU et la France essaient en
vain de trouver une sortie de crise. Sur le plan sécuritaire, la Minusca
rencontre les mêmes difficultés que la Misca pour désarmer et arrêter les
criminels. L'erreur du pouvoir exécutif est d'avoir la naïveté de croire qu'en
assurant leur impunité et en achetant leur neutralité, le processus de
sécurisation du pays pourra commencer. Les forces internationales n’ont que trop
tardé à utiliser "tous les moyens nécessaires" en application de la résolution
2149 du Conseil de sécurité des Nations unies. Des protagonistes majeurs de la
crise, pourtant sous sanctions internationales, sont toujours à la manœuvre en
toute impunité. On peut aussi se demander si les officiers supérieurs sont mieux
placés que les diplomates pour engager le dialogue politique. À Bangui, le
secrétaire général de l'ONU, la Commission de l'Union africaine et le médiateur
de la CEEAC sont représentés par des généraux.
Dans
un tel contexte, programmer des élections, en juin-juillet 2015, est un déni de
réalité*. Elles risquent fort de ne concerner qu'une partie du
territoire et qu'un pourcentage restreint de citoyens. La prolongation de la
transition jusqu’au 17 août 2015, permettra probablement aux autorités de la
transition de se maintenir au pouvoir, mais on peut craindre qu’à défaut
d’élections crédibles, un pas de plus aura été fait vers la partition du
pays.
_______
* Voir mon article "Comment
sortir de l’imbroglio en République centrafricaine" publié dans la revue
universitaire électronique Afrilex de l’université de Bordeaux, septembre 2014,
27 pages.
_____________________________________________________________________
20/11/2014
à 16:15 Par
Jeune Afrique
Le président centrafricain déchu François Bozizé
s'estime toujours indispensable à la résolution de la crise dans son
pays.
En
exil à Kampala (Ouganda), où il se morfond depuis son départ du Cameroun,
François Bozizé, l'ancien président centrafricain renversé en mars 2013, ne
décolère pas. "On veut m'enterrer vivant à ciel ouvert ! a-t-il confié à J.A.
lors d'un entretien téléphonique, le 13 novembre, mais je ne me laisserai
pas faire ; il faudra bien en passer par un dialogue avec moi, en présence de
tous ceux qui sont responsables de cette situation, à commencer par Michel
Djotodia. Sinon, je ne vois pas comment ils vont s'en
sortir."
Le
général Bozizé, qui affirme être en bonne santé et avoir bon moral, ne comprend
pas pourquoi il figure sur la liste des personnalités
visées par le comité des sanctions de l'ONU (gel des avoirs et
interdiction de voyager depuis six mois, ce qui ne l'empêche d'ailleurs pas de
se déplacer de temps à autre : il était ainsi à Kinshasa début novembre). "Je
n'ai fait de mal ni à mon peuple, ni à mes voisins, ni à la communauté
internationale. C'est de la méchanceté gratuite. Quand on voit ce qu'est devenue
la Centrafrique depuis mon départ, le mieux serait pourtant d'en revenir à celui
qui était au pouvoir avant et qu'on a chassé comme un pestiféré",
conclut-il.