L'exécution sommaire, pratique courante en Centrafrique
Critiquées par les Nations unies mais approuvées par une grande partie de la population, les exécutions sommaires de délinquants par la police se poursuivent en Centrafrique, pays où la peine de mort n'est plus légalement appliquée depuis 1981.
Pour le seul mois de juillet, l'Office central de répression du banditisme (OCRB), dirigé par le redouté et populaire commissaire divisionnaire Louis Mazangue, a ainsi abattu plus de 10 malfrats dans la capitale Bangui, dont l'unique prison, celle de Ngaragba, a été ravagée lors de la mutinerie militaire de 1997.
Certaines victimes de cette justice expéditive ont été montrées à la télévision nationale ou interrogés par la radio, avant que le commissaire Mazangue ne livre ses "derniers commentaires".
Ce dernier, célèbre à Bangui pour ne "prévenir qu'une fois" les délinquants récidivistes, avait promis début juillet de sévir face à la recrudescence des agressions et braquages constatée lors de la pénurie de carburant. Promesse largement tenue.
La semaine dernière, l'OCRB a torturé puis abattu un jeune braqueur présumé qui avait défié la police, allongeant sa liste déjà longue d'exécutions extra-judiciaires.
Récemment, à Pétévo, un quartier sud de Bangui, un jeune homme ayant tué son père à coups de poing à la suite d'un litige foncier, avait été arrêté puis abattu, en l'espace de moins de deux heures.
Un ressortissant congolais, suspecté de braquages a également été poursuivi et tué par balles dans un autre quartier, et son corps jeté dans la rue, malgré les protestations de sa famille qui menaçait les policiers de se venger.
Des cas semblables ont été recensés dans plusieurs quartiers de Bangui, parfois en présence de curieux venus assister au spectacle.
Le 7 juillet, le Conseil de sécurité de l'ONU s'était déclaré "gravement préoccupé par l'augmentation des informations faisant état d'exécutions sommaires et sans jugement, ainsi que par l'impunité apparente des auteurs de ces graves violations des droits de l'homme". Apparemment en vain.
Mamadou Diakité, chef de la section droits de l'homme du Bureau de l'organisation des Nations unies en Centrafrique (BONUCA), a indiqué à l'AFP avoir "personnellement rencontré le commissaire Mazangue" pour lui demander "d'arrêter ces exécutions et laisser la justice faire son travail". Mais les exécutions continuent", a-t-il déploré.
Le représentant du secrétaire général de l'ONU à la tête du BONUCA, Cheick Tidiane Sy, s'est aussi dit préoccupé par cette situation, estimant qu'"il n'appartient pas à un officier, aussi respectable soit-il, de décider si un individu doit vivre ou non".
Le représentant de l'ONU à Bangui a ajouté avoir abordé la question avec le chef de l'Etat, Ange-Félix Patassé, et obtenu la promesse que "des mesures seront prises".
"Nous allons maintenir la pression jusqu'à ce que ces exécutions extra-judiciaires s'arrêtent", a assuré pour sa part le président de la Ligue centrafricaine des droits de l'homme (LCDH), Me Nicolas Tiangaye.
Selon un officier de police judiciaire qui a requis l'anonymat, le commissaire Mazangue serait "couvert par des textes pris au niveau supérieur de l'Etat". "Les mêmes personnes qui critiquent publiquement les exécutions sommaires avouent qu'elles ont fait reculer les cas de braquage à Bangui", a estimé ce policier.
Depuis 1997, on estime qu'au moins une cinquantaine de personnes ont été exécutées sommairement par l'OCRB.
La RCA n'a pas ratifié la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants, rappelle-t-on.
La peine de mort y toujours en vigueur, mais n'a plus été appliquée depuis 1981, année de l'exécution de neuf proches de l'ex-Empereur Bokassa 1er.
(AFP, Bangui, 18 août 2000 - 17h45)