Tensions à la frontière Cameroun/RCA: l'ONU dépêche une mission


Une mission de l'ONU été envoyée mercredi à l'est du Cameroun pour évaluer la situation de la région frontalière avec la Centrafrique où sont apparues récemment de vives tensions" entre les forces armées des deux pays, a-t-on appris jeudi à Yaoundé de source officielle.

Cette mission, dépêchée depuis Bangui à la demande du secrétaire général de l'ONU Kofi Annan et composée de deux officiers supérieurs français et béninois, doit étudier les fondements de cette querelle territoriale rendue publique mercredi par la radio nationale camerounaise.

Elle devra également veiller à ce que cette querelle ne se transforme pas en affontement ouvert, ont précisé de hauts fonctionnaires camerounais interrogés par l'AFP.

Le différend territorial a pour origine les accusations des autorités centrafricaines selon lesquelles le Cameroun a déplacé la frontière, a expliqué le gouverneur de la province de l'Est, Martin Tanyi Tiku Baye Arikai, dans une interview publiée jeudi par le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune.

"La frontière ne peut être déplacée facilement", a ajouté le gouverneur qui s'est rendu également mercredi sur place, estimant que "la partie centrafricaine s'agite inutilement".

Selon la même source, les Centrafricains réclament une bande de 100 mètres de large située à la frontière entre les deux pays et présentée comme "zone tampon" leur appartenant.

Les autorités locales affirment de leur côté que cette zone, peuplée de Camerounais et sur laquelle se trouvent des installations de la compagnie nationale d'électricité, fait bien partie du territoire camerounais.

Selon ces mêmes autorités, les soldats centrafricains ont mené des "provocations" en détruisant un poste frontière camerounais et en invectivant leurs forces de sécurités camerouanises.

A ce propos, le gouverneur provincial a affirmé que le préfet de la ville de Bouar (ouest de la Centrafrique), ayant le grade de colonel, a traversé la frontière avec ses hommes et a "apostrophé le sous-préfet camerounais de façon discourtoise".

Dans un communiqué publié jeudi, le ministre camerounais de l'Administration territoriale (Intérieur), Ferdinand Koungou Edima, a par ailleurs démenti que la frontière soit fermée au niveau de Garoua-Boulaï, comme l'avaient laissé entendre des sources administratives et militaires locales.

(AFP, Yaounde, 8 mars 2001 - 12h41)

A suivre...


Le journal du jeudi 08/03/2001

Agitation à la frontière Cameroun-RCA : le gouverneur de l'Est rassure

Dans une interview accordée au téléphone à C.T. hier dans l'après-midi, le gouverneur Tanyi-Tiku Baye Arikai Martin affirme que tout provient de la mauvaise information du côté de Bangui.

M. Le gouverneur, qu'est-ce qui se passe à la frontière entre le Cameroun et la République centrafricaine ?

Je dois dire d'abord qu'il n'y a pas de clôture qui sépare les deux Etats. La frontière entre les deux pays est fluide, les gens traversent en toute liberté de part et d'autre. Ce qui s'est passé c'est que les responsables de la RCA sont venus rencontrer les autorités camerounaises, en prétendant que la frontière a été déplacée. Or, la frontière ne peut pas être déplacée aussi facilement. Nous sommes allés sur les lieux hier et nous nous sommes rendu compte que la partie centrafricaine s'agite inutilement. Nous ne comprenons pas son agitation.

Quand est-ce que les responsables centrafricains sont venus se plaindre ?

Je ne peux pas le savoir. Ils disent avoir effectué plusieurs tours depuis le mois de décembre. Le dernier voyage est celui d'un officier supérieur de l'armée centrafricaine, préfet de Bouar. En tout cas, nous avons pris toutes les dispositions pour protéger l'intégrité de notre territoire. Ils sont de l'autre côté, chez eux ; nous, nous sommes de ce côté, chez nous.

Quel est réellement le problème qui a poussé les Centrafricains à traverser la frontière ?

C'est très compliqué. Le problème ne date pas d'aujourd'hui. Il est vieux d'une dizaine d'années. En 1961, le Cameroun a installé un poste de douanes et les Centrafricains ont prétendu que ce poste matérialisait la limite entre les territoires des deux Etats. Or, leur propre poste douanier se trouve à six kilomètres de la frontière, dans un village appelé Beloko. Pourquoi nous nous ne pouvons pas dire que la frontière entre les deux Etats se trouve dans cette localité ? Comment peuvent-ils dire que la limite entre nos deux Etats se situe à 100 mètres ? Voilà le problème réel. Entre-temps, une équipe de trois journalistes de RFI s'est rendue sur les lieux pour s'informer sur ce lopin de terre, objet de dispute. Ils ont été molestés par des éléments de la police centrafricaine. C'est à partir de cet instant que nous avons réalisé qu'il y avait véritablement un problème, d'autant plus que la route Bertoua-Garoua Boulaï doit atteindre la frontière entre les deux pays. Nous nous étions dit que pour permettre à cette route de continuer jusqu'à la frontière, il fallait démonter notre poste douanier, parce qu'il n'est pas situé en plus à la frontière. Aucun pays n'installe son poste douanier exactement à sa frontière. Alors, une foi que nous avons déplacé ce poste de douanes, pour les Centrafricains, le Cameroun a décidé de déplacer la frontière. C'est vraiment un faux problème.

Il s'agit donc d'une revendication territoriale.

C'est une revendication territoriale venant de la partie centrafricaine. Nous, nous n'avons rien à revendiquer. Nous sommes chez nous. Les populations installées dans cette localité ont des titres fonciers camerounais et les poteaux électriques de la SONEL y sont plantés. Les habitants payent leurs impôts à la commune rurale de Garoua-Boulaï. Donc, nous, nous n'avons rien à revendiquer. Le terrain nous appartient. Mais, eux, ils prétendent que c'est une zone tampon. Est-ce que nous avons fait une guerre contre la RCA pour avoir des zones tampons ? On ne peut pas qualifier le territoire d'un pays de zone tampon ! Mais, comme ils ont mal présenté le problème à leur gouvernement, ils ont mis en place des militaires qui sont arrivés à la frontière et le colonel, préfet de Bouar, a donc traversé pour venir rencontrer le sous-préfet de Garoua-Boulaï ; mais d'une manière tellement discourtoise au point où je leur ai exigé de nous présenter des excuses écrites. Nous ne pouvons pas accepter des comportements pareils. Ils entrent en territoire camerounais, au lieu de laisser normalement leurs armes chez eux, ils les gardent par-devers eux pour venir discuter avec le sous-préfet à Garoua- Boulaï . Ce sont des choses intolérables !

Ont-il commis des exactions sur les populations ?

Non, non, ils n'ont pas été en contact avec nos populations. Et puis, quand on parle de populations camerounaises, il faut savoir que de part et d'autre, ce sont les mêmes familles qui y vivent. Et dans tous les cas, nous veillons à la sécurité des citoyens camerounais.

Le problème a-t-il été posé au niveau des deux gouvernements ?

Bien sûr, il y a eu des commissions mixtes Cameroun - RCA qui se sont penchées sur le problème et qui ont même matérialisé la frontière. Vous savez, c'est très compliqué. Ces gens, on ne comprend pas réellement leur problème.

Est-ce que des mesures ont été prises pour protéger l'intégrité du territoire national ?

Il n'y a pas de doute à ce sujet. De toute façon, notre territoire n'est même pas violé. Il y a une barrière construite par la police centrafricaine sur la borne qui sert de limite entre les deux pays ; et cette barrière constitue pour nous la frontière. Et nous y tenons fermement. Il n'y a pas de doute. Nous allons veiller à ce que l'ordre règne. C'est une affaire qui ne nécessite pas de mobilisation particulière des troupes. Moi, je crois que l'agitation est centrafricaine, elle n'est pas camerounaise.

Est-ce que vous avez l'impression qu'au niveau gouvernemental à Bangui, on encourage ces incursions de troupes ?

Moi, je crois qu'il y a un problème de mauvaise circulation de l'information. A partir du moment où le gouvernement reçoit la mauvaise information, il ne peut adopter que des attitudes qui ne sont pas tout à fait acceptables. Mon entretien avec notre ambassadeur en RCA ce matin (hier, NDLR) laisse clairement apparaître que la partie centrafricaine ne dit pas la vérité à ses officiels. Ce qui amène donc les gens à une mauvaise compréhension de ce qui se passe. Je me dis que si les hautes autorités centrafricaines arrivaient sur les lieux, elles seraient vraiment couvertes de honte. Il n'y a pas de problème du tout entre le Cameroun et la RCA. On ne comprend pas pourquoi les Centrafricains s'agitent tant. Vous savez, quand on a des problèmes chez soi, on peut les transposer ailleurs.

Vous pensez que la situation actuelle est liée aux tensions sociales que vit la RCA ?

Je ne peux pas le dire dans l'affirmative parce que je ne sais pas comment ils vivent là-bas. Vous savez, moi, je n'ai jamais traversé la frontière pour aller dans ce pays. Mais, on peut conclure qu'une telle agitation n'est pas de nature à permettre au gouvernement centrafricain d'évaluer la situation dans la sérénité.

Mais ce matin, j'ai eu des informations selon lesquelles les chauffeurs centrafricains ont recommencé à respecter les formalités douanières contrairement à ce qui s'est passé hier. Donc la circulation entre les deux pays a été rétablie.

La frontière n'est donc pas fermée ?

Elle va être fermée par qui ? Est-ce que nous, nous avons intérêt à la fermer ? C'est eux qui ont toujours tendance à dire, nous fermons. Le paradoxe c'est qu'ils viennent chercher la nourriture et tous autres moyens de survie chez nous, mais chaque fois ils menacent de fermer la frontière. Quand ils ferment la frontière, qui souffre ?

Je dois vous dire qu'un colonel centrafricain et un autre de la mission des Nations Unies se sont rendus sur les lieux, un peu en mission d'information. La présence des Nations Unies est plutôt rassurante pour nous. J'ai demandé au commandant de légion de les rencontrer ce mercredi et de me rendre compte.

Que viennent faire les Nations Unies dans cette affaire ?

Vous savez qu'il y a un contingent de la MINURCA à Bangui et avec toute l'agitation qu'a connue la RCA, les troupes étrangères qui y sont stationnées peuvent être inquiètes. Que les responsables Onusiens se déplacent me paraît donc logique.

J'ai même appris par notre ambassadeur à Bangui que le président Patassé avait fait une déclaration publique hier d'après laquelle, pour lui, le différend qui existe ici a été réglé avec son frère le Président Biya. A ce sujet, je ne peux rien dire de plus.

WAFFO MONGO

Nicolas AMAYENA


Deux envoyés de l'ONU recommandent un retour au statu quo à la frontière

(AFP, LIbreville, 9 mars 2001 - 17h48)

Deux envoyés de l'ONU dépêchés mercredi à la frontière camerouno-centrafricaine où des tensions territoriales sont apparues récemment, ont préconisé un retour au statu quo, a indiqué vendredi une source occidentale à Bangui, jointe au téléphone depuis Libreville.

Selon cette source qui a requis l'anonymat, la mission onusienne composée de deux officiers supérieurs, un Béninois et un Français, a invité les deux parties à écarter leurs troupes de la frontière pour éviter tout incident.

Les deux envoyés onusiens avaient une simple mission d'évaluation, a-t-on souligné.

Les autorités locales des deux pays s'accusent mutuellement d'empiéter sur leur territoire dans la zone frontalière de Garoua-Boulaï (450 km à l'ouest de Bangui, et 500 km à l'est de Yaoundé).

Les tensions se sont envenimées entre militaires et autorités préfectorales du Cameroun et de la République centrafricaine (RCA) au cours des derniers jours sans qu'aucune violence n'ait pour le moment été déplorée.

Cette zone fait l'objet d'un contentieux ancien. En 1974, les deux pays, qui fondent leurs revendications sur la frontière dessinée par l'ancien colonisateur français, avaient provisoirement réglé leur différend en créant une zone tampon de 100 mètres de large à la frontière.

Mais le conflit semble avoir été ranimé par l'arrivée côté camerounais de la route bitumée devant relier le Cameroun à la RCA et par l'extension d'une localité camerounaise située sur la frontière, dont les maisons ont été électrifiées.

Côté centrafricain, le bitumage de la route n'a pas encore fait l'objet d'appels d'offres tandis que l'électricité demeure un rêve futuriste.

Les Centrafricains accusent les Camerounais d'avoir déplacé leur poste frontière à l'intérieur de la zone tampon.

Ces derniers revendiquent cet espace, arguant que les quelques centaines de personnes qui y vivent sont Camerounaises et relèvent de la sous-préfecture de Garoua Boulaï auprès de laquelle ils acquittent leurs impôts.

En attendant, le chantier routier entre les deux pays a été interrompu, sans qu'il soit possible de déterminer si la frontière a ou non été fermée, a-t-on précisé de même source.

Cette route revêt une importance stratégique pour la RCA. C'est en effet par elle que transitent les camions citernes camerounais qui approvisionnent depuis plusieurs mois la RCA en carburant, ainsi que les biens de consommation importés depuis le port de Douala.


Les nouvelles brèves de Centrafrique (suite 1)