En dépit des nombreux obstacles dressés par le pouvoir et son expression immonde, le Mlpc, les Centrafricains viennent massivement dinfliger une grande leçon de civisme et de politique à une classe politique censée les représenter.
Dans lattente dune analyse fine des résultats définitifs, nous pouvons avancer sans nous tromper que les citoyens ont opté pour un véritable changement, malgré les nombreux dérapages et fraudes constatés dans les deux tiers (2/3) des bureaux de vote ouverts le 22 novembre dernier. Toutefois, à chaud, quelques leçons peuvent être rapidement tirées à la veille du second tour qui se tiendra le 13 décembre prochain.
Premièrement, on peut observer que la classe politique centrafricaine, toute confondue, sort très abattu du premier tour du scrutin. Si ailleurs les consignes de vote se résument par des tentatives de fraudes, dintimidation et de manipulation tribale, certains partis et candidats ont lamentablement fait preuve dinorganisation et de mobilisation politique. Ils nont pas su concevoir une véritable stratégie de mobilisation face à la réalité de la pieuvre Mlpc. Ce qui leur coûte actuellement.
Deuxièmement, nen déplaise à certains observateurs, le scrutin na pas été à la hauteur des attentes escomptées. La participation massive (70 %) des Centrafricains tranche avec linorganisation du scrutin qui est loin dêtre transparent. Les Centrafricains, qui ont souhaité effectivement imposer une sortie de crise par le haut et par la voie des urnes, viennent den avoir pour leurs frais. La caution diplomatique, ainsi apportée au pouvoir en place, exprime un avis plus que favorable de certains observateurs au refus du dialogue et à la concertation de la mouvance présidentielle. Loin daider le pouvoir à mener une véritable politique de Réconciliation nationale, ils sèment ainsi le désarroi qui entretient les germes dun enlisement de la Crise centrafricaine. Le peuple a limpression, une fois de plus, dêtre victime dune conspiration internationale dont le maître de jeu serait la puissance néo-coloniale et leurs valets locaux.
Troisièmement, si la victoire est du côté du peuple, il convient de sinterroger sur certains comportements politiques de citoyens axés sur le pessimisme et la courte vue de la chose politique. En participant quand même à la fraude, à lintimidation et à la manipulation tribale, ils viennent, au mieux, de démontrer quen dépit dun véritable changement souhaitable par la majorité des Centrafricains, ils seront les éternels laissés pour compte de la démocratie en marche ; au pire, pour la minorité agissante et consciente sur la portée de telles manuvres séditieuses et/ou factieuses, seuls la division et le népotisme paient. La classe politique patriotique et démocratique devrait pouvoir capter et analyser ce cri de désespoir du peuple. Il serait maladroit et préjudiciable pour la citoyenneté de penser un seul instant que le Centrafricain est politiquement inculte ou masochiste. Il ne sauto-flagelle pas du tout !
Linitiative de ce qui convient de nommer lopposition centrafricaine est très salutaire, sinon salvatrice. Rien nest perdu, dès lors que tous, candidats ou partis sunissent afin dendiguer le fléau qui persiste à barrer la voie vers un véritable règlement de la crise centrafricaine. Cette démarche unitaire que nous souhaitant sincère aurait pourtant pu linspirer bien avant le premier tour du scrutin. Par contre, elle ne devra pas non plus disparaître au lendemain du 13 décembre 1998 et céder place à une énième course au mangeoire, comme par le passé. En tant quanimateur de la société civile et politique, le peuple nous observe, ne le décevons pas une fois de plus.
Le pouvoir qui ne cesse de se réclamer du peuple et de la démocratie doit maintenant comprendre quau lendemain du 13 décembre il ne pourra plus y prétendre. Il sera démocratiquement battu malgré la fraude et les nombreuses tentatives dintimidation, des électeurs et des manipulations tribales. Lintérêt même du pouvoir ou de ces caciques, est de réaliser combien des risques sérieux dune somalisation de la Crise centrafricaine pointent à lhorizon, si toutefois ils persistent et signent dans leur lancée en saccrochant éperdument au pouvoir. Une autre alternative malheureuse, résiderait dans une congolisation de celle-ci. La République centrafricaine devrait faire léconomie de telles alternatives, le peuple a trop souffert ! Il incombe donc au régime honni de Patassé den être politiquement conscient.
Ces législatives qui consacrent la marche inéluctable vers plus de démocratie et de liberté devraient être dédiées à tous les Martyrs, combattants de la liberté et de la justice sociale. Faisons en sorte quelles le deviennent effectivement.
Henri GROTHE, Enseignant, France.
Syriaque SOUKE, Sous Officier, FACA.